Algérie

A fonds perdus La vague brune est de retour


A fonds perdus La vague brune est de retour
ammarbelhimer@hotmail.fr
Les mêmes causes produisent les mêmes effets. La crise actuelle du capitalisme financier ressemble étrangement à celle de 1934 et semble générer les mêmes effets politiques et moraux : le repli sur soi, le racisme, le fascisme et autres extrémismes.
Jean-Marc Vittori, chroniqueur au quotidien économique parisien Les Echos, soulignait récemment les traits communs entre la crise qui a débuté il y a cinq ans et celle de 1934, à commencer par le manque de visibilité qui les caractérise (*).
«Cinq ans après la faillite de la maison Lehman Brothers, nous avons l'impression d'être dans un brouillard sans précédent (...) Serions-nous en 1934 '»
Les progrès technologiques, l'ouverture des frontières douanières, la libre circulation des marchandises et des capitaux, l'accumulation de richesses ne gomment pas certaines ressemblances, comme la lutte contre des déficits budgétaires qui ont atteint des niveaux astronomiques et la hausse des impèts.
Quelles leçons peut-on également tirer du passé '
D'abord, et toujours, ce manque de visibilité : «La première leçon, c'est qu'il est très difficile de comprendre une crise d'une telle ampleur cinq ans après son début symbolique, comme il est très compliqué pour un capitaine de savoir où il est en pleine tempête.
Autre leçon, l'absence de perspectives : «La deuxième leçon est peut-être de regarder le futur antérieur, ce qui s'est passé au-delà de 1934. Cinq ans après, la guerre éclate () La leçon, ici, est ailleurs. Les crises profondes durent longtemps. Et si elles débouchent parfois sur le pire, elles peuvent aussi nous donner l'occasion de bâtir un monde meilleur.»
Le pire, c'est ce qui se profile au plan moral. Bernard Attali en dresse l'inventaire dans le même jour (**), en mettant l'accent sur deux conséquences majeures : «La disparition des utopies alternatives et l'affaissement des valeurs collectives.»
Les utopies ne sont plus de notre temps, elles sont sacrifiées au profit de la croissance, du profit, du «court-termisme» ou de «la tyrannie de l'instant», hors de toute morale.
«Regarder le monde aujourd'hui, c'est avoir honte», dit le même chroniqueur. Et rien ne semble pouvoir arrêter la descente aux enfers.
«Comment (alors) s'étonner que dans cette absence de repères se développe à nouveau la haine de l'autre, la recherche de solutions expéditives et la chasse aux boucs émissaires ' () Si, dans ce contexte explosif et à des fins bassement électorales, des candidats irresponsables font demain alliance avec ceux qui prènent une sorte de nationalisme ethnique, il y a fort à parier que la vague brune ira très loin. Je voudrais, pour ma part, être sûr que notre société a bien éradiqué le virus de la peste. Je n'en jurerais pas. Car l'obsession sécuritaire rend chaque jour plus sournoise ce qu'il faut bien appeler par son nom : la tentation fasciste. Albert Camus nous a rappelé naguère qu'il suffit d'un rat, un seul, pour infecter la Cité entière.»
L'attrait des idées du Front National en France, et le retour en force de l'extrême droite en Grèce, en Autriche et ailleurs, confirme le propos. En France, par exemple, il se profile un risque sérieux de «fusion» des électorats FN et UMP. Une récente étude de la Fondation Jean Jaurès, proche du Parti Socialiste (***) passe en revue les stratégies électorales de ces deux formations, de 2007 à 2012, et s'interroge si leurs électeurs ont «les mêmes valeurs, les mêmes logiques, le même rapport au monde».
L'étude relève, à la lumière du vote des motions lors des élections internes à l'UMP en novembre 2012, de «multiples signes d'une droitisation de la base électorale et militante de l'UMP».
Pour autant, peut-on en déduire «une convergence idéologique des électorats UMP et FN» '
Qu'il s'agisse des thèmes du «pouvoir d'achat» ou de «l'assistanat», Nicolas Sarkozy aura largement contribué au rapprochement sémantique avec Marine Le Pen. Ce à quoi s'ajoute le partage de toute une série de craintes : «85 % des électeurs frontistes demandent aujourd'hui plus de protection vis-à -vis du monde extérieur, tandis que les sympathisants UMP sont 52 % (contre 28 % en 2006). On observe également ce rapprochement des deux électorats sur l'inquiétude vis-à -vis du déclin de la France, sur la crainte d'une inversion des rapports de force «entre les immigrés et les autochtones», ou encore sur l'inquiétude face à «une jeunesse jugée de moins en moins respectueuse».
Le phénomène de droitisation concerne en fait les deux électorats. Il se construit, essentiellement mais pas seulement, à partir de thématiques migratoires et sécuritaires.
Notre monde à nous n'échappe malheureusement pas, lui aussi, à la peste noire.
Mercredi dernier, en fin de soirée, le quartier populaire d'El Hassi, situé à l'ouest de la ville d'Oran, a donné au monde une piètre image de nous-mêmes. Des Africains subsahariens ont été victimes d'une violente agression que la presse impute à «plusieurs voyous», occasionnant l'incendie de deux habitations d'immigrants et plusieurs blessés parmi nos hètes. Le pire a été évité grâce à l'intervention rapide, massive et musclée de la Gendarmerie nationale.
Au-delà du fait divers, il y a pire. Asghar Ali Engineer, théologien musulman (Inde), lauréat en 2004 du prix Nobel alternatif (Right Livelihood Award), nous a gratifié ce mois-ci d'une belle chronique sur la question des minorités religieuses dans le monde musulman (****). Il y voit «un problème qui ne veut pas partir. En Arabie Saoudite, par exemple, les non-musulmans n'ont pas le droit de construire de lieux de culte, ni d'introduire leurs saintes écritures dans le pays, sous peine de se les faire confisquer par la douane. Dans d'autres pays musulmans, les chrétiens et les hindous se font régulièrement discriminer et agresser.
Deux grands concepts régissent le traitement de ces minorités : la dhimmitude et la jizya, tous deux largement pratiqués jusqu'à une époque relativement récente, mais désormais – et fort heureusement – révolus dans tous les pays musulmans.
«Si, à l'époque où elles étaient pratiquées, la dhimmitude – notion qui ne figure même pas dans le Coran – et la jizya étaient en avance sur leur époque, il n'en va pas de même aujourd'hui, tant s'en faut () A notre époque contemporaine, il faut remplacer les concepts de dhimmitude et de jizya par ceux d'égalité des citoyens et d'égalité devant l'impèt.»
L'auteur plaide pour «un nouveau fiqh des minorités religieuses (dans le monde musulman)» : «Dans notre monde moderne, aucune discrimination fondée sur la religion ne doit plus exister. Pour que cela soit, nous devons mutuellement promouvoir et protéger les droits de chacun. Les majorités religieuses doivent veiller qu'aucune injustice ne soit faite aux minorités – tandis que les minorités, à leur tour, doivent se rapprocher des majorités, au sein de leurs sociétés, pour favoriser un changement positif et l'avènement de la justice.»
A. B.
(*) Jean-Marc Vittori, «Crise : et si nous étions en 1934» Les Echos, 16 septembre 2013.
(**) Bernard Attali, «De la crise économique à la crise morale, Les Echos, 23 septembre 2013.
(***) Jérème Fourquet Marie Gariazzo, «FN et UMP : électorats en fusion '»
http://www.jean-jaures.org/Publications/Les-essais/FN-et-UMP-electorats-en-fusion
(****) «Les Cahiers de l'islam», samedi 14 septembre 2013.
http://www.lescahiersdelislam.fr/La-question-des-minorites-religieuses-dans-le-monde-musulman_a378.html'preaction=nl&id=22665267&idnl=145805&
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