Algérie

A FONDS PERDUS Le pétrole toujours plus cher



Par Ammar Belhimer
ambelhimer@hotmail.com
Le front énergétique s‘affole. Les prévisions de consommation pétrolière mondiales pour 2012 restent en hausse : 90,3 millions de barils par jour, selon l'Agence internationale de l'énergie, soit une progression de 1,4% par rapport à 2011. Or, les capacités de production disponibles sont limitées. Ce qui augure d'une reprise certaine des prix. Dans un pays où le front social est directement connecté sur les cours du brut, où colère rime avec paupérisation et paix sociale avec distribution de rentes même si celle-ci souffre de flagrantes inégalités pour des raisons clientélistes et de proximité avec les centres du pouvoir et de prédation —, rien de fortement et de sérieusement convulsif ne se profile à l'horizon.
A brève échéance, les observateurs gouvernementaux de l'Union européenne, de la Ligue arabe et de l'Organisation de la conférence islamique se bousculeront aux portes du pays pour adouber les résultats des législatives et prendre chacun sa part du gâteau. Il faut dire que nous avons appris à acheter la paix aussi bien à l'intérieur qu'à l'extérieur où les sentiments et autres paramètres psychologiques ont moins de place. Les gens ne sollicitant le changement que dans la nécessité, le ciel d'Algérie ne risque donc pas de s'assombrir de sitôt. Et tant mieux. Les décideurs peuvent même escompter — au pire pour les réserves de change ( !) — une flambée des prix de 25 à 50 dollars par baril, selon certains experts. La spéculation étant mode de nos jours, d'autres spécialistes vont jusqu'à parier sur un cours à 250 dollars le baril (contre 100 aujourd'hui) si la crise du détroit d'Ormuz — par lequel transitent le tiers du commerce international et le cinquième de la consommation mondiale de pétrole — perdure. Au-delà de ces spéculations, plus sérieusement, une étude du très sérieux cabinet Energy Funds Advisors, prévoit qu'un embargo de l'Union européenne et d'autres pays de l'OCDE, comme le Japon et la Corée du Sud, pourrait provoquer une hausse des prix de 20 à 25 dollars. Le cabinet estime que les exportations de pétrole iraniennes baisseraient de l'ordre de 0,5 à 1 million de barils par jour. Société Générale pronostique une hausse médiane, estimant qu'un embargo sur le pétrole iranien pourrait pousser les prix du Brent vers les 125 à 150 dollars. Au-delà des conséquences des manœuvres militaires maritimes autour du détroit d'Ormuz, la perspective immédiate d'une surchauffe des cours est, par ailleurs, associée aux sanctions occidentales contre le programme nucléaire iranien, avec la récente signature par Barack Obama d'une loi interdisant à toute institution financière opérant aux Etats-Unis d'effectuer la moindre transaction avec la banque centrale d'Iran. Par ailleurs, l'Europe et les Etats-Unis envisagent de limiter la capacité de Téhéran à se fournir en équipements de production et de forages, ainsi qu'en ingénierie. Enfin, l'Union européenne œuvre à couper l'Iran de ses débouchés : Bruxelles étudie la mise en place d'un embargo sur le pétrole iranien portant sur un volume de près de 600 000 barils de brut par jour. Ce volume pourrait s'élever à 1,3 million de barils par jour si d'autres pays de l'OCDE, comme le Japon ou la Corée, se joignent au mouvement. Pourtant, «la route de l'embargo comme moyen de pression sur l'Iran présente un risque fort de détérioration des fondamentaux macroéconomiques des pays importateurs, en particulier européens», avertit le cabinet Energy Funds Advisors. L'ensemble de ces contraintes pourraient réduire la capacité de production iranienne à 890 000 barils par jour d'ici 2016. Avant la crise, la République islamique d'Iran était le deuxième producteur de pétrole de l'Opep, derrière l'Arabie saoudite (9,75 millions de barils/jour) et devant l'Irak (2,72 millions de barils/jour). Sa production était de 3,55 millions de barils par jour au mois de novembre. «Nous ne redoutons pas des sanctions ou un embargo sur le pétrole iranien», a souligné hier Rostam Ghassemi, à l'issue de la réunion de l'Organisation des pays exportateurs de pétrole à Vienne. «Je ne pense vraiment pas que l'Union européenne va décider de sanctions ou d'un embargo sur le brut iranien. L'Iran est un acteur très important sur le marché du pétrole, nous sommes le deuxième producteur de l'Opep», a-t-il commenté, confiant. Le premier vice-président iranien, Mohammad Reza Rahimi, a réagi à l'éventualité d'un embargo par des propos qui n'ont pas tardé à produire leurs effets sur les cours : «Aucune goutte de pétrole ne transitera par le détroit d'Ormuz.» Le propos suffit à énerver les marchés car il n'y a pas d'alternative au détroit d'Ormuz. Outre les tensions géopolitiques avec l'Iran, le «printemps arabe» et la demande des pays émergents participent, également, à doper les cours du baril, et ce, malgré les risques de récession en Europe et aux Etats- Unis. Au titre des effets du «printemps arabe» : une baisse de la production libyenne et la forte augmentation des dépenses budgétaires en Arabie saoudite, un royaume effrayé par le réveil de la communauté chiite de Bahreïn. La monarchie wahhabite a annoncé un plan quinquennal d'investissements de 130 milliards de dollars portant sur la construction de 500 000 habitations et une augmentation de 15% du salaire des fonctionnaires. Cette muraille sociale est censée contenir un éventuel débordement du bouillonnant «croissant chiite» — une expression attribuée au roi Abdallah II de Jordanie en décembre 2004, peu avant les premières élections législatives irakiennes. La formule rend compte de la manière dont l'Iran exerce son influence dans le monde arabe et des dangers qu'elle fait peser sur la stabilité du Moyen-Orient. Elle a donc un coût. Ainsi, un prix minimal du baril de 74 dollars sera nécessaire pour équilibrer le budget wahhabite. Du côté des pays émergents, leur soif de pétrole compense la baisse de la demande dans les pays de l'OCDE en récession. Autre facteur aggravant : les coûts marginaux de production du secteur sont en augmentation parce que le développement des gisements offshore ultra-profonds ou du pétrole de schiste imposent des prix du pétrole bien plus élevés que les gisements terrestres classiques. Les raisins de la colère ne sont pas abondants. Loin de là.


Votre commentaire s'affichera sur cette page après validation par l'administrateur.
Ceci n'est en aucun cas un formulaire à l'adresse du sujet évoqué,
mais juste un espace d'opinion et d'échange d'idées dans le respect.
Nom & prénom
email : *
Ville *
Pays : *
Profession :
Message : *
(Les champs * sont obligatores)