Algérie

A FONDS PERDUS «Une priorité élevée»



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Des voix de plus en plus fortes et nombreuses s'élèvent à Washington pour prévenir les menaces de restrictions budgétaires au détriment de l'armée américaine, suite à son retrait annoncé d'Irak et d'Afghanistan. David W. Barno, ancien commandant américain pour l'Afghanistan, suggère une réduction «responsable» des dépenses militaires pour maintenir le leadership mondial et le redéploiement de l'armée américaine dans une récente étude parue dans Foreign Affairs de ce début du mois de novembre(*). «Une nouvelle ère de réduction budgétaire se fait jour à Washington, et le Pentagone est dans le collimateur.
Prêts à tout pour réduire les dépenses partout où ils peuvent, les dirigeants élus du pays se tournent vers la défense nationale», déplore l'auteur de l'étude. En 2011, le budget de base du Pentagone était de 530 milliards de dollars, montant auquel il faut ajouter un complément de 159 milliards destinés à couvrir l'occupation de l'Irak et de l'Afghanistan. Le total des dépenses de la défense dépasse actuellement de 73% celui de 2001 en termes réels et représente environ 20% du budget fédéral de l'Etat le plus endetté au monde. Il en constitue d'ailleurs la principale source d'endettement : c'est souvent avec l'argent des peuples soumis qu'on finance la domination du capital. Aux yeux de David W. Barno, une telle proportion ne justifierait pas les coupes envisagées notamment la volonté du Congrès de réduire les dépenses de défense de pas moins de 882 milliards de dollars au cours de la prochaine décennie. Sont également pris à partie les Américains eux-mêmes parce qu'ils surestimeraient la contribution du Pentagone aux malheurs budgétaires de leur pays. Dans un sondage réalisé par l'institut Pew en juin 2011, 60% des personnes interrogées avaient identifié les guerres en Irak et en Afghanistan comme la principale cause de l'énorme endettement des Etats-Unis, omettant au passage les réductions d'impôts de George W. Bush au profit des grosses fortunes et la crise financière mondiale qui a enrichi la spéculation. Le Pentagone et ses avocats n'aiment pas ces «amalgames» ! «Ces événements ont alourdi la dette davantage que les dépenses militaires», s'en défendent-ils. Ils craignent que des réductions supérieures à 450 milliards de dollars au cours de la prochaine décennie ne déclasseraient les Etats-Unis de leur statut de superpuissance à celui de puissance régionale. Ils plaident pour des «coupes modérées, mises en œuvre à bon escient» qui préserveraient la force de frappe militaire tout en générant d'importantes économies. Il y va d'une «réponse efficace» aux défis de sécurité futurs, de la prééminence du rôle militaire des Etats-Unis, de leur place parmi leurs alliés et, plus largement, du maintien de leur présence dans «des secteurs clés du monde». Cela requiert des «réductions budgétaires ciblées» qui donnent la priorité aux régions les plus importantes, compte dûment tenu des capacités militaires et des systèmes d'armes. Il est, ainsi, instamment attendu des «décideurs» de fixer leur choix sur les zones «où les forces américaines devraient et ne devraient pas être impliquées dans l'avenir». «Un engagement dans le Pacifique occidental et l'océan Indien est essentiel et le Pentagone a besoin d'étendre ses engagements tout au long du littoral du Pacifique, en grande partie grâce à une forte présence maritime et aérienne. La modernisation militaire de la Chine continue de dépasser les prévisions, et les alliés asiatiques de l'Amérique, comme le Japon et la Corée du Sud, attendent assurance et engagement de la part de l'armée américaine. » A première vue, tout cela paraît bien loin. A première vue seulement, car l'intérêt direct des Etats-Unis couvre ouvertement et sans ambages notre région : «Le Moyen-Orient et le Bassin méditerranéen doivent également rester une priorité élevée, où les Etats- Unis ont besoin de contenir des régimes hostiles, de démanteler les réseaux terroristes et d'assurer la sécurité de la chaîne d'approvisionnement énergétique mondiale.» Que reste-t-il à «boucler» au titre de cette «priorité élevée» après la normalisation en Tunisie, en Libye, en Egypte et, bientôt, en Syrie et au Yémen ' Et comment comptent-ils y parvenir ' Avec une allocation de ressources réduite, le Pentagone est incité à une répartition équitable du budget de la défense entre l'Armée de terre, la Marine et la Force aérienne. Les forces navales et aériennes sont appelées à prendre de l'ampleur en raison d'un «déplacement» des intérêts américains — elles mériteraient alors une plus grande part du gâteau. Même coûteuses, de nouvelles ressources sont nécessaires à leurs forces navales et aériennes impliquées dans une stratégie plus axée sur l'Asie : «La mise en œuvre de cette stratégie nécessite des porte-avions, des navires amphibies, des sous-marins d'attaque, des bombardiers de frappe à longue portée, des drones de surveillance, des avions d'attaque interarmées, et des destroyers équipés de systèmes de défense antimissile.» Par contre, les forces au sol en service actif, coûteuses à mettre en œuvre et à maintenir, surtout à un niveau de préparation élevé, perdent de l'importance et ce d'autant que les Etats-Unis entament leur retrait d'Afghanistan et d'Irak. Ces forces terrestres sont également difficiles à déplacer et à déployer rapidement en grand nombre. Le retrait américain d'Afghanistan permettra par ailleurs d'économiser environ 40 milliards de dollars d'ici 2021. Par ailleurs, un phénomène d'obsolescence semble gagner les «trop nombreuses lourdes formations blindées », de même que les capacités d'assaut amphibies et les aéronefs pilotés : des pays comme la Chine ont développé des défenses pour les neutraliser. «Même si le Pentagone opère ces changements stratégiques et des compressions dans les programmes inutiles, il fera toujours face à des pressions pour réduire les coûts de personnel. Les salaires des militaires et les avantages qui leur sont alloués (en particulier les soins de santé) consomment actuellement environ 34% du budget de base annuel du Pentagone (…) Les réformer peut affecter le recrutement, la rétention, la durée du service, et le moral de manière imprévisible». Les réformes du personnel ont néanmoins la particularité de rencontrer d'énormes obstacles politiques qui les rendent difficiles à atteindre dans le court terme : «Un membre du Congrès ne craint probablement pas pire que d'être accusé de trahir les troupes en service ou les anciens combattants. » Le «patriotisme» conjugué à l'appât du gain.
A. B.
(*) David W. Barno, Nora Bensahel, and Travis Sharp : How to Cut the Defense Budget Responsibly, Maintaining Global Leadership With Less, Foreigne Affairs, November 2, 2011.


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