Algérie

A fonds perdus



A fonds perdus
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Paul Street, docteur en histoire des Etats-Unis à l'université de Binghamton, qualifie de «cauchemar» ce que traverse aujourd'hui le capitalisme(*).
L'ère néolibérale, post-capitaliste, que nous traversons lui donne carrément «des frissons». Comment peut-il en être autrement lorsqu'on sait que près des trois quarts (71%) de la population mondiale est pauvre, vivant avec 10 dollars par jour ou moins ; 11?% (767 millions de personnes, dont 385 millions d'enfants) pataugeant dans ce que la Banque mondiale appelle une «extrême pauvreté» (moins de un $ 1.90 par jour). «Pendant ce temps, Oxfam rapporte de manière fiable, et surréaliste, que les huit personnes les plus riches du monde possèdent à elles seules autant de richesses que la moitié la plus pauvre de toute la race humaine.»
A ses yeux, «les politiques interconnectées, bipartites et non publiques, qui se sont succédé aux Etats-Unis, ont traversé la longue période néolibérale pour nous ramener à un niveau d'inégalité qui rivalise avec l'âge des barons voleurs de la fin du XIXe siècle». Ces politiques ont consisté à livrer le pouvoir d'achat des salariés à l'érosion par l'inflation, à laisser se dégrader les conditions de travail, d'hygiène et de sécurité, à restreindre les libertés syndicales, à comprimer le filet social, à privatiser les services publics, etc.
L'ordre politique qui en résulte est «une ploutocratie corporative et financière» dans laquelle «les citoyens ordinaires n'ont pratiquement aucune influence sur ce que leur gouvernement décide».
Une caractéristique nouvelle de l'ordre : la «climate-astrophe» (au sens de catastrophe climatique) : «Le 15 août, 10 jours avant que l'ouragan Harvey ne frappe le Texas, Donald Trump, lui-même un baron de l'immobilier à l'échelle mondiale, a abrogé un décret exécutif datant de l'époque Obama selon lequel les subventions fédérales de reconstruction tiennent compte de l'élévation du niveau de la mer et des aspects connexes du changement climatique (...) Les signes d'une catastrophe climatique sont indubitables.»
«Le réchauffement est alimenté par la libération excessive de dioxyde de carbone de l'espace capitaliste, résultant de l'extraction sauvage des profits et de l'exploitation des combustibles fossiles et de la dépendance vis-à-vis de l'agriculture animale (”?). Si on n'inverse pas le cours actuel des choses, le réchauffement climatique va détruire les espèces humaines par la famine, la déshydratation, la surchauffe, la maladie et la guerre pour les ressources. Nous marchons sur le chemin de l'enfer.»
Sur ce point particulier, le nouveau locataire de la Maison-Blanche développe une politique anti-environnementale contre une opinion publique «majoritairement progressiste».
Lorsque le capitalisme est compris pour ce qu'il est vraiment (par le seul profit qu'il procure aux investisseurs), il n'y a rien de paradoxal quant à son incapacité à servir les travailleurs et le bien commun, et encore moins la cause de la démocratie. Si les bénéfices des entreprises et du secteur financier sont élevés, le système fonctionne pour ses architectes et ses bénéficiaires que sont les capitalistes. Les grandes sociétés fonctionnent précisément comme elles le doivent, en vertu de la seule common law américaine. Une loi parfaitement bien incarnée par l'arrêt de la Cour suprême du Michigan dans l'affaire Dodge c. Ford Motor Company en 1919 : «les dirigeants d'entreprise ont un devoir légal de placer les intérêts des actionnaires au-dessus de tous les autres et n'ont aucun pouvoir légal pour servir d'autres intérêts».
Le marché a fini par se soumettre la démocratie comme un proxénète ses protégées. Mais les gens ont besoin de mythes. Les chiens de garde du néolibéral ont été justement bien inspirés. «Le capitalisme inclusif» est leur dernière trouvaille. Le terme vient de la droite du Parti démocrate, notamment les conseillers économiques les plus proches de Hillary Clinton, en 2015 : «C'est le nom orwellien d'une «coalition» mondiale créée en 2014 par Lady Lynn Forester de Rothschild pour les élites super-riches afin de valider l'idée d'un «capitalisme soigné» qui «fonctionne mieux pour l'immense base de la société.» La Coalition de Lady Rothschild pour le capitalisme inclusif a commencé avec ce que l'ancien représentant Cynthia McKinney a qualifié de «groupe de travail composé de personnalités de la justice sociale comme Sir Evelyn de Rothschild de El Rothschild (une entreprise financière détenue par une famille d'une valeur estimée à 2 billions de dollars), Dominic Barton de McKinsey and Company [1,3 milliard de dollars], Ann Cairns (son salaire annuel est de 5 millions de dollars) de MasterCard, Sir Sherard Cowper-Coles de HSBC, Paul Polman [il a versé 10 millions d'euros en 2014] d'Unilever, ainsi que des P-dg de divers fonds de pension et fondations philanthropiques, comme les fondations éponymes Ford et Rockefeller».
La conférence d'ouverture de Coalition for Inclusive Capitalism réunissait une liste d'invités (guest-list) estimée à «un tiers des actifs investis dans le monde, soit près de 25 billions de dollars».
Un seul million équivaut à un million de millions de dollars.
L'un des principaux conférenciers et champions de la coalition est l'ancien Président américain Bill Clinton, «un démocrate de droite qui a fait autant que Ronald Reagan pour avancer le «marché libre» de Wall Street et l'agenda mondialiste».
Le regretté juge de la Cour suprême, Louis Brandeis, revient alors à la mémoire de tous. Il est réputé avoir dit et écrit : «Nous pouvons avoir la démocratie dans ce pays, ou nous pouvons avoir de la richesse concentrée dans quelques mains, mais nous ne pouvons pas avoir les deux.»
«En raison de la dépendance aux combustibles fossiles et d'autres habitudes et pratiques sociétales environnementales anormales, l'obsolescence intégrée, le consumérisme de masse et la poursuite sans fin de la croissance économique quantitative, de l'accumulation et de l'appropriation des ressources de la “nature économique” nécessitent un niveau d'intervention sociale et publique coordonnée si extrême qu'il est incompatible avec le contrôle capitaliste continu des moyens de production, d'investissement et de distribution.»
«Cela exige une autonomisation des gens ordinaires et une réhabilitation radicale de la notion de biens naturels et sociaux — choses qui ne peuvent être atteintes sous la domination continue du capital».
«L'avenir sera éco-socialiste, car sans éco-socialisme, il n'y aura pas d'avenir», conclut Paul Street.
A. B.
Paul Street, Capitalism: The Nightmare, https://www.truthdig.com/articles/capitalism-the-nightmare/


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