Papi Yadi, ou la légende vivante ...
Subitement, la fenêtre s’est ouverte, un vent fort a accouru. Son sourire s’est manifesté et c’est vers lui que nos regards se sont jetés..
Attentifs jusqu’à la dernière syllabe, c’est ainsi que nous avons demeuré. Car en dépit de tout, il aura juste véhiculé une leçon de vie, un dénommé Mustapha Yadi.
« C’est un homme modeste, droit et honnête », a-t-on dévoilé.
Son silence, entre temps, en disait long. C’est un homme bon et réfléchi qui donne une véritable ampleur à chaque information communiquée. Il racontait son histoire puis se perdait dans un abysse de souvenirs, parfois douloureux. Or, la grandeur de l’homme réside dans sa décision d’être plus fort que sa condition. Ainsi fut le parcours du Docteur Mustapha Yadi, ardu mais triomphant.
Soudain, la pièce s’était mystérieusement transformée, elle s’est illuminée et embellie en sa présence. Il partagea ce que son passé avait enfoui. Il avait fait du lieu une intense inspiration. En effet, la bâtisse dont il a hérité appartenait à sa défunte mère, Houtia Zohra, dotée d’une valeur inestimable. « Ne rien toucher, la maison se doit de rester comme au premier jour et gravir les prochains siècles », semblant emporté par ses émotions.
A quoi bon l’amour si le cœur est appauvri, à quoi bon les émotions si les sens sont amoindris et à quoi bon une lutte si les frontières établies entre le bien et le mal, le vrai et le faux sont franchies. A quoi bon de vivre, si ce n’est autre que de donner cet intérêt aux choses qui ont le mérite d’en avoir, si ce n’est autre que d’observer, s’interroger puis comprendre et enfin si ce n’est autre que de tenter de faire de chaque instant un moment unique qui ne peut se reproduire, ne peut se vivre et s’en réjouir qu’à la minute même où cela se passe. Les détails ont pleinement leur importance pour Monsieur Yadi, tout évènement relaté a été revécu et ressenti. Sa simplicité, malgré sa notoriété, a fait qu’il puisse remarquer ces petites choses du quotidien qui lui ont sûrement appris au sujet de la reconnaissance, la complaisance et par dessus tout au sujet du bonheur.
Entouré par quelques membres de sa famille, il a retracé en peu de mots son parcours scolaire et universitaire.
« Le collège de SLANE possède une ouverture unique sur la plaine de Tlemcen », avait-il précisé avec admiration.
Son oncle, dont il porte le même nom et prénom, l’a poussé et incité à entamer des cours à la faculté de médecine à Alger. Ce souvenir non plus ne l’a pas laissé indifférent.
« La médecine est l’ouverture sur le monde, elle permet de sentir et de toucher du doigt l’homme avec ses faiblesses et ses richesses ».
Prochainement, il fêtera ses 87ans. Le temps passe mais ne change en rien ses innombrables glorieux travaux qu’il a réalisés dans sa vie. C’est un homme brave, courageux et désintéressé qui se dévoue pour le bien de son pays. Par solidarité, il avait cessé pour un certain temps ses cours de médecine dans le but d’enseigner la langue française, et ce à cause d’une grève qui avait causé l’emprisonnement d’un collègue cher à lui, Monsieur Ismaine Dahlouk. Par ailleurs, il a été secrétaire général de Benbella, avec comme objectif de sauver le pays. De plus, ce fut un homme extrêmement actif dans le monde du bénévolat, il travaillait au croissant rouge, exerçait dans le domaine de l’écologie dans le but de rénover quelques sites, se porter volontaire, avec d’autres médecins, après l’indépendance pour refaire l’hôpital d’Oran et s’occupait de plusieurs associations sportives dont celle du tennis et artistiques dont celle de la musique andalouse.
« Je regarde et j’observe, Réda apprend tout de moi et continue d’apprendre », avait-il confié.
Bien évidemment, la natation est une histoire de famille, un patrimoine légué de génération en génération. En tant que fondateur de la fédération algérienne de natation, son savoir dans ce domaine reste bénéfique pour ses enfants et petits-enfants qui excellent dans l’eau !
Le Docteur Mustapha Yadi et son entourage partagent autre chose que la natation, Sidna Youchaa : ils l’ont dans le sang !
« De la minute où cette mer t’attrape, tu ne peux plus faire marche arrière. Il y a la plage et il y a Sidna Youchaa, c’est la sainteté », avait-il déclaré d’un air sentimental.
Une mer gorgée de souvenirs et de rencontres. Elle fait rappeler ces interminables repas en familles, ces jeux, sorties et ballades nocturnes ces randonnées autours des montagnes.. Ce ne sont pas seulement des vacances que l’on s’octroie, mais des mémoires que l’on préserve, un précieux rituel que l’on sauvegarde, des moments de plaisir que l’on partage et de joie que l’on sème.
« Sa richesse c’est ses enfants », a-t-elle confirmé. Elle se tenait à ses cotés, l’accompagnait et l’épaulait tout au long de cette traversée qui parfois révélait un profond attachement aux évènements disparus. Femme consciencieuse et empressée, Madame Yadi l’avait vu déployer ses ailes et prendre son envol jadis, sauver des vies et s’épanouir dans tout ce qu’il entreprenait.
Un océan est empli de trésors dont les mollusques marins qui fascinent notre « Papi » !
« Le coquillage on le comprend, on l’écoute, c’est le bruit de la vague par mer calme. C’est une perfection de beauté », mots d’un féru.
Il se dit « coquillageomane » ! Chez lui, les coquillages sont partout et proviennent des quatre coins du monde, qu’ils soient grands ou petits, noirs ou blancs, Monsieur Yadi les considère comme étant sa fortune et sa passion dont il en a déjà fait l’exposition qui a attiré une foule de gens. Chaque jour, il consacre un peu plus de son temps aux coquillages et à leur continuel tri, un tri qu’il espère sera bientôt révolu : « Je n’ai pas encore trouvé de solution à ce problème mais j’y réfléchis ».
Subitement, la fenêtre s’était ouverte et un vent très fort avait accouru. Son sourire s’était manifesté et c’est vers lui que nos pensées s’étaient dirigées.
« Le vent a ouvert la fenêtre pour saluer le coquillage ! », avait-il exprimé d’un air égayé.
Il estime que sa mère lui a transmis son esprit, ses valeurs. Il en a fait de même avec ses enfants. Voir au-delà des richesses superficielles dépourvues de tout intérêt, se démener afin d’aider autrui dans le besoin, veiller à ce que la famille soit à jamais réunie sans oublier d’entretenir et de protéger son trésor de « coquillageomanie ».
Sensible et émotif, il représente l’homme d’hier, d’aujourd’hui et de demain, pour toujours.
Reportage photo : Taleb Bendiab Saad Allah
Texte : Merad Boudia