Algérie

80 milliards de dollars



Le panorama déroulé durant l'été 2007 est révélateur à plusieurs niveaux sur la qualité d'une gouvernance et les capacités d'anticipation fort réduites d'une coalition artificielle, dont pourtant beaucoup de membres ne tarissent ni d'éloges ni de qualificatifs flamboyants quant à sa solidité et ses performances. A part le MSP, qui affirme que «les rencontres de l'Alliance sont inefficaces». Et pourtant, cette annonce n'est ni un pavé dans la guelta ni une remise en cause d'un logiciel dont la gestion échappe complètement aux acteurs qui officient dans la vitrine. Faisant partie d'un gouvernement responsable de la vie quotidienne des Algériens, le MSP n'hésite pas à contredire frontalement les thèses du ministère de l'Intérieur en déclarant que «la raison de l'abstention aux dernières législatives est politique». Ce qui est pourtant une évidence irréductible aux «analyses» techniques fait cependant désordre au sein de la majorité qui gouverne. Au pouvoir, et s'exprimant comme un opposant, le parti créé par Mahfoud Nahnah se décrédilise progressivement en pratiquant un équilibrisme intenable entre «le soutien critique» et la «critique de soutien». En réalité, la hausse insupportable des produits de base, qui sera amplifiée pendant le Ramadan, la crise du logement qui s'accentue, la situation sécuritaire dans laquelle alternent les bombardements les attentats, les communiqués triomphalistes, le coût de la rentrée scolaire, la poussée des bidonvilles jettent une ombre maléfique sur les 80 milliards des réserves de change. Ce qui fait que tout ce que peut dire le MSP n'a que peu d'impact sur le comportement généralisé et élevé au rang de religion de la majorité. La corruption, le système D, le chacun pour soi pour la vie ou la survie, le passe-droit, les lourdeurs bureaucratiques régulent la société qui se crée un Etat parallèle dirigé par la famille, le clan, la région et la recherche forcenée d'une allégeance disponible sur le marché politique. Les plus riches bénéficient de n'importe quelle subvention et les plus pauvres encaissent la violence des hausses des prix des pénuries qui reprennent place dans le vocabulaire du commerce intérieur. A chaque fin de course, le système injecte une petite augmentation par-ci, mille logements par-là, qui suscitent invariablement des émeutes qui deviennent une tradition et une «spécifité» bien locale. La clochardisation massive du paysage urbain fait que les trottoirs rétrécissent à vue d'?il car chaque chantier, chaque kiosque, chaque construction, chaque réfection épousent la gourmandise du constructeur qui fait ce qu'il veut. Et on ose à peine imaginer le visage des villes et quartiers dans cinq, dix ou vingt ans. L'absence d'un Etat fort et juste devient de jour en jour intenable devant l'anarchie et la violence qui régentent les transports collectifs, la loi des taxieurs, les étals sur les trottoirs en plein soleil de produits alimentaires fragiles et sensibles, les labyrinthes nauséabonds des marchés populaires etc... C'est que les responsables ne font pas leur marché, ne savent pas ce qui se construit à cinq cents mètres de leurs bureaux et ne voient pas les montagnes d'ordures qui polluent les cités et tous les quartiers. Et il suffit de voir l'état des camions à ordures et les conditions de travail des éboueurs, loin du syndicat unique. Le tableau est-il trop sombre ? Les réponses sont fournies chaque matin par la réalité, les citoyens eux-mêmes, les jeunes qui tournent en rond, la prolifération de la drogue, des accidents de la route, les chaînes interminables dans les administrations où des agents passent des heures à mettre des tampons pour «légaliser des photocopies», à rechercher des «cartons» de CCP à l'ère majeure de l'informatique, à faire remplir des formulaires pour délivrer un relevé bancaire, etc... Il y a des pays où l'on diminue chaque année la quantité de formulaires (autant de papier économisé) et d'autres où la consommation de documents administratifs est effrénée. L'Algérie en fait partie. Et c'est là une gigantesque réforme qui n'intéresse nullement tous ceux qui jouent l'étonnement devant l'abstention, l'incivisme et le mépris grandissant des choses publique et politique. Au plan sécuritaire, la communication presque officielle relayée par la presse est chaotique. Occupées à caricaturer le FFS, noircir ou blanchir selon la commande ou des «analyses» d'autiste, les officines ne savent pas parler du terrorisme. Or, il est question régulièrement d'opérations lourdes de forces combinées, de l'intervention de l'aviation, de soldats, de gendarmes et policiers assassinés... Ces derniers n'ont pas les honneurs d'un enterrement suivi par des foules imposantes comme le font les Espagnols après un acte terroriste. L'essentiel étant d'éloigner les populations pour enterrer dans l'anonymat des hommes tombés pour le devoir. L'été s'achève. Les premières pluies vont boucher les rues et les routes, et les regards obstrués et non nettoyés l'été vont encore faire leur travail pour gêner la circulation et les piétons. En somme, une rentrée comme les autres avec 80 milliards de dollars dans les caisses.


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