Algérie

700 travailleurs sur le carreau



Après une valse-hésitation qui aura duré cinq ans, le géant français Lesaffre s'est officiellement retiré de la levurerie Safa, de Oued Smar. Ayant neutralisé les ambitions de son concurrent turc Pakmaya qui semblait intéressé par l'achat de l'usine, la firme française a abandonné son projet en janvier 2009, laissant les travailleurs sur le carreau. La dissolution officielle de la firme devrait être prononcée ces jours-ci. Le coup de poker du géant français lui a ainsi permis d'évincer son concurrent turc et de rester leader du marché algérien, couvrant 80% des besoins nationaux en levure fraîche ; ce marché est estimé à plus de 80 millions d'euros.C'est que, lorsque la levurerie turque Pakmaya s'est montré intéressée par la reprise de l'usine que le groupe Lesaffre s'est manifesté. Son intention était de faire barrage à son concurrent. Il a annoncé vouloir acheter l'unité de Oued Smar ainsi qu'une petite unité de production à Bouchegouf (Guelma). Il s'était engagé à maintenir l'activité et les emplois, puis, plus rien », nous raconte un groupe de travailleurs qui s'est déplacé au siège de notre journal. Dès que la firme française a obtenu la cession de l'usine en décembre 2005, l'investisseur a cherché des brèches. Il a d'abord demandé une autorisation d'exploitation. « On ne demande pas une autorisation d'exploitation avant même de s'installer, ce n'était là qu'un prétexte », disent les travailleurs.Le nouvel occupant des lieux a également estimé que les normes de traitement des eaux étaient « trop rigoureuses ». Ce dossier est resté longtemps en suspens entre les ministères de l'Environnement et celui des Participations. « En juin 2008, nous avons appris que l'investisseur n'avait plus aucune intention de s'installer en Algérie. La SGP a essayé de nous rassurer, nous disant qu'elle chercherait un autre acquéreur, mais on savait que c'était la fin », raconte un employé.Ce n'est qu'en janvier 2009 que Lesaffre a annoncé son désistement, imputant cette décision à la crise financière mondiale, aux directives d'Ahmed Ouyahia qui seraient « restrictives » envers les investisseurs ainsi que le fait que l'usine ne soit « pas viable ». Aujourd'hui, une relance de l'activité des deux unités paraît peu envisageable. Dans l'usine de Oued Smar, s'étalant sur une superficie de 4 ha, le matériel est rouillé et les murs sont souillés de traces d'humidité.Le groupe français a versé à l'Etat algérien 100 000 euros de dommages et intérêts. Mais les grands perdants sont les travailleurs. « Nos responsables ont participé à ce crime. Ils ont sacrifié une usine et des travailleurs pour un groupe français », lance un employé de l'usine. Selon les travailleurs, Lesaffre n'en est pas à son premier « coup de bluff » ; il aurait déjà acheté une usine égyptienne puis l'a fermée. Sur les 700 employés de l'entreprise, une cinquantaine seulement reçoivent leurs salaires « une fois tous les six mois » ; ils disent traverser un véritable calvaire. « Dix travailleurs sont aujourd'hui dépressifs ou souffrent de maladies chroniques. Certains ont voulu se suicider. Nous avons attendu tout ce temps pour rien », s'insurgent-ils.Les travailleurs espèrent néanmoins une sortie honorable. « Ils nous promettent une indemnité de l'équivalent de 30 mois de salaire. Le problème réside dans le fait que nos revenus n'ont pas été augmentés depuis une quinzaine d'années. Même l'augmentation du SNMG à 12 000 DA n'a pas été appliquée. Nous aimerions que cela soit pris en compte », estiment-ils. Nos tentatives de joindre la Société de gestion des participations (SGP) Cegro, qui gère ce dossier, sont restées vaines. Les travailleurs de Oued Smar considèrent que leur indemnisation devrait être à la mesure du préjudice moral qu'ils ont subi. A. B.


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