6e festival du Melhoun: Poésie et musique à Mostaganem

Le 6e festival national de la poésie Melhoun dédié à Cheïkh Sidi Lakhdar Benkhelouf s'est ouvert, hier, au Théâtre régional El Djillali Benabdelhalim à Mostaganem.Des dizaines de poètes, chanteurs et amateurs de poésie et chansons venus de diverses régions du pays participent du 19 au 21 septembre courant au 6e festival national de la poésie Melhoun qui se tient chaque année dans la ville de Mostaganem où se trouve le mausolée de Cheïkh Sidi Lakhdar Benkhlouf auquel est dédiée cette manifestation. Cet événement réunit non seulement les poètes, mais les chanteurs notamment de Bedoui, Sahraoui, Hawzi et Chaâbi ainsi que des conférenciers qui traiteront de plusieurs sujets, notamment celui lié à l'importance de la publication et de l'écrit par rapport à l'oralité. Pour traiter ce thème important, une journée d'étude a été programmée, aujourd'hui, par les organisateurs du festival dont le commissaire n'est autre que le spécialiste du domaine et ancien chanteur de Chaâbi Abdelkader Bendameche qui est par ailleurs président de l'académie des Arts et des Lettres. Des chercheurs tels que Dr Djalal Khechab, Abdelmadjid Loghraieb, Amar Bouaziz, Mohamed Touzout, Amar Belkhodja, et Abdelkader Bendameche animeront cette journée qui se tiendra à la bibliothèque El Hadj Moulay Belhamissi de la même ville.
Un riche programme
Durant les trois journées du festival en question, le public verra le passage sur scène des poètes qui se relaieront pour déclamer les plus belles poésies Melhoun. La scène du théâtre régional de Mostaganem verra également le passage des chanteurs Bedoui qui tenteront de prouver que ce style n'est pas mort et qu'il peut être écouté aussi bien par les vieux que par les jeunes. Des chanteurs de Hawzi et de Chaâbi sont également invités à animer ce festival notamment des chanteurs tels Abdelkader Chaou, Mohamed Laidaoui, Rachid Guetafa, et Abdelkader Belmahi. On ne sait pas si les maîtres du Chaâbi de Mostaganem Cheikh Mazouz Bouadjadj et Nouredine Benattia ont été invités à se produire. Il faut noter que même si ce festival est dédié à la mémoire du plus grand maître de la poésie Melhoun Sidi Lakhdar Benkhlouf (le saint patron de Mostaganem), les organisateurs ont bien fait de rendre, cette année hommage à un des pionniers du caht Bedoui oranais Cheïkh El Djilali Bensebbane (1906-2005). Un documentaire retraçant son itinéraire artistique devait être projeté durant la soirée d'ouverture. Par ailleurs, en marge du festival, une exposition des ?uvres du peintre El Hadj Bouferma dédiées au Melhoun et à Sidi Lakhdar est organisée dans le hall du théâtre.
Les grands maîtres
Pour rappel, la poésie Melhoun que l'on retrouve aussi bien en Algérie qu'au Maroc, nous a donné plusieurs genres de chant appréciés notamment le Chaâbi (à l'origine, il s'appelait le Moghrabi), le Bedoui, le Sahraoui et le moderne. Le Melhoun n'est pas appelé ainsi car il se met en musique comme on pourrait le croire, mais parce qu'il contient des fautes de grammaire (Lahn) et diffère de la poésie classique du point de vue de la mesure (Wezn). Le Melhoun pur diffère aussi du Bedoui car sa rime ne change pas jusqu' à la fin du poème alors que celle du Bedoui change comme dans le Mouwachah et le Zadjel. Le Melhoun tient son origine des mouwachahate et du Zedjel ainsi que de la poésie de la Djahilia comme le prouvent certains vers de Sidi Said El Mendassi, l'un des pionniers de ce genre aux côtés de Cheikh El Kelai et Hadj Khaled. Sidi Boumediene Chouâib qui est parti de Bedjaia vers Tlemcen a été l'un des premiers poètes classiques avec Ibn Mouâti à écrire des poèmes en Melhoun. Il faut noter que Ibn Mouâti est l'auteur de la Elfia (la grammaire Arabe en 1000 vers). Vu que ces styles (Melhoun et Bedoui) sont très proches, les poètes n'avaient pas de difficultés à passer d'un genre à un autre. L'Algérie a connu des dizaines de grands poètes mais celui qui s'est démarqué est sûrement Sidi Lakhdar Benkhlouf auquel est dédié ce festival. Ce grand maître de la poésie populaire et du soufisme était considéré par ses pairs comme l' Emir des poètes. Cet homme qui a eu le privilège de voir le prophète Mohammed (QSSL) à 100 reprises est connu pour la qualité de ses poèmes et ses prédictions notamment celle où il décrit le célèbre palmier qui naîtra après sa mort et prendra une forme exceptionnelle. Le palmier de Sidi Lakhdhar est toujours vivant pour témoigner de la valeur de cet homme qui a vécu 125 ans. Il fût un religieux d'exception, un inégalable poète et un grand moudjahid. D' ailleurs, il raconte dans un de ses poèmes comment il a participé dans la bataille de Mazaghran en 1558. C'est suite à une vision (rêve) que Sidi Lakhdhar Benkhlouf avait décidé de rendre visite à Sidi Boumediene et embrasser la Tariqa Soufie du grand wali de Tlemcen. Son mausolée tout comme le palmier qui s'y trouvent sont célèbres et des dizaines de visiteurs lui rendent visite quotidiennement.
La capitale du Chaâbi
Enfin, il faut rappeler que la ville de Mostaganem où se tient cette manifestation était autrefois considérée comme la capitale du Chaâbi et du Melhoun. El Hadj M'hamed El Anka nous avait affirmé que tous les chanteurs devaient se rendre dans cette ville pour avoir valider un texte chaez les Chouyoukh de Mostaganem. Cette ville est à ce jour connue par ses nombreux chanteurs, notamment le dernier des grands maîtres Cheikh Mazouz Bouadjadj, Noureddine Benattia et Abdelkader Bendameche. Il y a a eu d'autres brillants chanteurs tels que Bettahar Lahbib et certains qui n'ont pas eu la chance d'être médiatisés. Au fait, on ne sait pas si Bouadjadj et Benattia sont programmés et si Bendameche ferait la surprise en reprenant son mandole à cette occasion. Par ailleurs, on ne sait pas si les organisateurs du festival ont déjà pensé à rendre hommage à l'enfant de la ville de Mostaganem El Habib Bettahar (décédé le 06 septembre 2002) qui était parmi nos meilleurs chanteurs de Chaâbi.