Algérie

60e anniversaire de l’indépendance de l’Algérie (1962-2022) : Il y a 52 ans, l’épopée de l’économie en Algérie



Publié le 05/07/2022 dans le quotidien El Watan
Par M’hamed Abaci


Sitôt l’indépendance acquise, l’Algérie se lance dans un vaste chantier de développement national pour asseoir sa souveraineté de l’indépendance économique, alors que l’Algérie était à l’époque très loin de connaître l’aisance financière, dont allait bénéficier le pays de l’augmentation des prix du baril de pétrole sur les marchés mondiaux en 1982, 1984 et depuis 2000.
Dans cette importante étape de l’histoire de l’Algérie, il convient avant tout de rappeler, que le premier baril vendu par Sonatrch en 1966 qui rapportait pour nos réserves de change 1,60 dollars. L’argent de la rente pétro-gazière avait une valeur économique réelle et l’argent de l’Etat appartenait à la nation et ne devait pas être dilapidé.
L’argent du pétrole devait aller au développement seulement par une politique d’équilibre régional, qui a été mise en œuvre par des programmes spéciaux de développement. A cet effet, des réunions du gouvernement se tenaient au niveau des régions, dont notamment les Aurès, le Titteri, l’Oasis, la Saoura, la Kabylie…
Notre pays se devait de mettre fin au plus tôt à ce lourd héritage légué par le colonialisme, les Européens ayant laissé derrière eux un pays sous-développé et totalement à l’arrêt. Pour cela, il fallait mettre en œuvre une politique de développement national qui réponde aux impératifs majeurs de l’Algérie indépendante dans les sept domaines fondamentaux suivants : priorité à une industrialisation de transformation, indépendance économique, formation et emploi, valorisation des ressources, contribution au développement de l’agriculture, compétitivité internationale dans les technologies modernes et enfin économie de devises en mettant en avant des programmes économiques et de construction afin de consolider l’indépendance politique en engageant des plans de développement.
Il y a eu les plans triennaux 1967-1969, quadriennaux 1970-1973 et 1974-1977 et quinquennaux 1980-1985, répondant aux différents impératifs industriel, social, agraire, culturel, scientifique, sportif, santé, enseignement…Enfin, pour la valorisation des hydrocarbures, il y a eu le plan Valhyd pour développer une industrie pétrolière et gazière. L’Algérie, nouvellement indépendante, pensait déjà à l’après-pétrole. Comme nous le verrons dans les lignes qui suivent.
La bataille du développement national était donc en marche. Y ont été associés les premiers cadres algériens en majorité autodidactes, mais qui ont su concevoir et développer une expérience profitable par laquelle ils ont été au-devant de la scène de l’Algérie future.
En effet, cette expérience a permis rapidement de faire fonctionner les institutions, les sites pétroliers, gaziers, miniers, les sociétés nationales pour rétablir l’économie et enfin les terres agricoles récupérées et prises en charge par nos paysans pour les exploiter. C’était une étape nouvelle qui s’annonçait pour cette génération après celle de la libération du pays.
C’était la grande époque de l’industrialisation du pays d’une riche expérience au sein de Sonatrach où le temps passant, les entreprises se créaient et grandissaient, la croissance augmentait ainsi que l’offre. Des centres de formation , de centres médico-sociaux, des cantines se créaient au sein de chaque entreprise, les prix diminuaient et on parlait très peu de corruption, de fuite de cadres, de cerveaux ou de capitaux, de liquidation d’entreprises, de compression d’effectifs, de salaires impayés, de conflits sociaux…
C’était un événement marquant et témoin de l’engagement d’une génération au service réellement de l’Algérie indépendante après le départ massif des cadres européens. Un acquis, porteur de grandes perspectives socioéconomiques pour l’horizon 1980 (H80) pour passer de l’état de pays pétrolier à celui de pays industrialisé où notre pays commençait à prendre place dans le concert des pays développés et s’imposer comme leader dans le Tiers-Monde.
Moment majeur
Oui, c’est un moment majeur de l’histoire d’une Algérie nouvelle où les premiers cadres et travailleurs algériens ont été d’un apport indéniable à la transition pos-tindépendance et au développement national. Ils ont notamment su changer la donne et s’imposer comme acteurs-clés dans la transition post-indépendance en participant avec dévouement aux processus de nationalisations pour reconquérir la souveraineté économique du pays, après avoir préservé et valorisé le patrimoine public.
Ils ont apporté la preuve de leur sacrifice dans la douleur de leur jeunesse, se passant d’une vie meilleure qui ont choisi de rester au service du pays en travaillant sans répit et dans des conditions des plus pénibles, une charge de travail insupportable par manque d’effectif et de qualification sans pour autant demander davantage ou profiter de leurs postes.
La norme de travail dépassait le plus souvent douze heures/jour pour des salaires mensuels dérisoires qui se situaient en moyenne entre 500 et 3000 DA ; certains travailleurs étaient même payés en nature en bons de semoule, de sucre, de café, d’huile, etc. Cela ne leur a rien rapporté aujourd’hui. Quand le patriotisme avait encore du sens dans l’esprit et la lettre du Congrès de la Soummam.
En outre, cette génération a donné le meilleur d’elle-même en contribuant à une autre réalité nationale, à savoir les importantes actions de solidarité et de volontariat dans le cadre des campagnes nationales. Plus important encore, des familles algériennes ont fait don de leurs bijoux, leur argent liquide… au profit du Fonds national de solidarité (sandouq tadhamoun). Cela a donné plus d’adhésion et de participation sur le terrain. Evidemment, un peuple magnifique et une race de cadres et de travailleurs resteront le modèle d’une génération qui a marqué l’histoire de notre pays par son sacrifice pour le développement de l’Algérie indépendante.
Les évolutions et les transformations accomplies durant cette période sont résumées comme suit.
Sur le plan économique : l’évolution rapide du progrès de la société algérienne et l’émergence d’une classe moyenne dominante et productive dont notamment l’Algérie était économiquement, socialement et culturellement plus avancée au plan microéconomique qu’aujourd’hui. On peut rappeler ici, essentiellement entre autres, la réalisation de grands ensembles industriels et technologiques dans toutes les branches d’activités : énergie et pétrochimie, sidérurgie, industrie agroalimentaire et pêche, mines, hydraulique dont les barrages de Beni Haroun-Abadla parmi les importants en Afrique.
Le plan Comédor qui devait restructurer et moderniser la capitale, voire la projection d’une nouvelle capitale politique dont le choix était porté sur Boughzoul. En effet, en 14 ans l’Algérie s’est dotée d’une plate-forme industrielle importante avec la création de près de 70 zones industrielles, les fleurons de l’industrie nationale et des milliers d’entreprises à travers le pays, entre autres : A titre d’exemple, Sonatrach d’une riche expérience avec 120 000 travailleurs et son organisation qui couvrait toutes les activités de la pétrochimie devenue un Etat dans l’Etat avec la création de plusieurs complexes industriels de transformation et pétrochimiques dont ceux d’Arzew, Skikda, Annaba, Hassi Messaoud, Hassi Ramel, une base logistique industrielle géante (BCL) et plusieurs réalisations oléoduc ou pipe-line à l’actif de Sonatrach et bien d’autres entreprises géantes de transformation et de production sont nées, à l’instar de Sonacome ; SNS El Hadjar , Sonelec ; Sonelgaz ; Sonatiba ; DNC ; Snlb ; SN Métal ; industrie navale ; Snmc ; Snic ; Sonic ; Sonatram ; Sonarem ; Sonitex ; industrie pharmaceutique (Saidal-Enapharm) ; Sogédia ; Enmtp ; Cnan ; Cirta fabrication de tracteurs et moissonneuses-batteuses ; Batimétal ; Snta ; Ofla ; industrie cinématographique (Oncic) ; construction satellites ; télécommunications ; centre d’étude informatique ; centrale nucléaire (Aïn Oussara) ; presse écrite et audiovisuelle (nationale et régionale) ; Institut pasteur ; la route transsaharienne de l’Unité africaine ; la réalisation du Barrage vert inspire aujourd’hui une grande expérience dans la lutte contre la désertification et tant d’autres.
Tout comme aussi, nous avions construit une économie locale diversifiée, ce qui devait constituer le poumon même des budgets de nos communes. Le tourisme à travers la construction de zones touristiques et de stations thermales dont certaines de classe mondiale qui rapportaient environ 7% des revenus en devises fortes. Une agriculture rénovée et organisée en grandes exploitations agricoles (domaines autogérés).
A cette époque-là, la fiscalité ordinaire assurait les dépenses de fonctionnement du budget de l’Etat, quant à la fiscalité pétrolière est consacrée seulement aux équipements dont la part consacrée à l’équipement industriel était autour de 45% du produit intérieur brut (PIB) et plus de 50% du total équipement au moment où le pétrole valait sur les marchés mondiaux à moins de 10 dollars le baril, la part de la production industrielle annuelle était évoluait autour de 18 à 25% du PIB, la part générée en croissance annuelle était de plus de 10%, une agriculture rénovée où l’Algérie arriverait à produire la totalité de ses besoins en céréales, en légumes et fruits et à même exporter l’excédent, alors qu’aujourd’hui, l’Algérie figure parmi les pays gros importateurs grâce aux devises fortes des hydrocarbures, l’épargne nationale était en moyenne de 40% du PIB, la stabilité du taux de change dinar/dollar avec un cours de change fluctuant entre 4 DA et 5 DA pour 1 dollar.
Programme anti-pénurie (PAP)
Malheureusement, tout ce projet politique et économique fut abandonné au milieu des années 1980, par l’introduction du fameux programme anti-pénurie (PAP), pour concrétiser pleinement le slogan «Pour une vie meilleure». Ainsi, l’économie algérienne est passée d’une économie sidérurgique, pétrochimique et industrielle aux secteurs de la finance, des services et du commerce (bazar).
Ce qui a exclu toute perspective de développement industriel et de l’économie des entreprises. En effet, le rythme des investissements dans l’industrie est tombé de 50% en 1967-1977 à 35% en 1980-1984.
Le service de la dette est passé, entre 1980 et 1989, de 32 à 75% du PIB. Plus alarmant encore cette fameuse restructuration organique menée dans la précipitation en 1981, qui a abouti au démembrement des entreprises publiques géantes en plusieurs entreprises et la tendance des nouveaux dirigeants et cadres ne reposait pas sur l’échelle des valeurs et du mérite, dont la majorité était dépourvue d’un réel palmarès intellectuel et professionnel, notamment promus sans compétences, et ce, quitte à compromettre un projet d’entreprise non achevé, un plan de redressement, etc. Voilà, comment nous avons gaspillé notre capital industriel, notre capital humain ou nos artisans du développement national en général.
Sur le plan politique :
- une politique régionale de leadership qui a conquis les espaces géopolitiques dont notamment le monde arabe, l’Afrique et le Tiers-Monde. Ainsi de plusieurs événements très importants dans l’histoire du monde, le discours historique prononcé en avril 1974 par le défunt Houari Boumediène à l’Assemblée générale extraordinaire de L’ONU où il a lancé les grandes idées sur les matières premières pour un Nouvel ordre économique international (NOEI), le sommet de l’OPEP à Alger lorsqu’il appelle à la nécessité pour une juste rémunération des hydrocarbures qui intervient après le choc pétrolier de 1973 et en marge de ce sommet, le président Boumediène a réussi à la conclusion d’un accord entre l’Irak et l’Iran, mettant fin à une guerre séculaire, la conférence des pays Non-Alignés, le dialogue (Nord-Sud), la présidence de l’ONU assurée par l’Algérie. L’Algérie qui présidait les destinées de l’OPEP dans les années 1970, qui a joué un rôle stratégique dans une période historique de la vie de l’Organisation.
Elle a mené toute une politique géostratégique qui a considérablement révolutionné le marché pétrolier dans le monde et relevé la part de marché à 55% environ contre aujourd’hui 30% et les prix du baril ont augmenté de 3 dollars en 1968 à 30 dollars en 1978, pour atteindre enfin, 40 dollars en 1980 au profit des pays producteurs de pétrole et des matières premières dans le réajustement des prix sur les marchés mondiaux.
Sur le plan de l’éducation : la démocratisation de l’enseignement et la formation a permis à notre pays de se doter de milliers d’écoles, de lycées, d’universités, d’instituts technologiques, de centres de recherche scientifique, de centres nucléaires et de grandes écoles en cinéma, théâtre, musique où le taux d’alphabétisation a atteint près de 75% à la fin de 1970. Cela grâce à un corps d’enseignant riche, intègre et de rang magistral où l’on parlait d’âge d’or, de l’université algérienne.
Sur le plan santé publique : une politique de médecine gratuite a permis à notre pays de se doter de milliers de polycliniques, de dispensaires et d’hôpitaux, ce qui a donné accès à toutes les couches sociales où on enregistre entre 5 à 10 lits environ pour 1000 habitants.
Elle a permis également d’éradiquer de manière définitive les maladies contagieuses et épidémiques, voire l’espérance de vie passant de 60 à 75 ans. Tous les hôpitaux universitaires (CHU) sont devenus un haut lieu de formation, de séminaires nationaux et internationaux, de recherche où l’on accueillera également des étudiants universitaires de l’Afrique, du monde arabe et du Maghreb.
M’hamed Abaci



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