Algérie

600 millions $ de plus pour une chaussée «différente» sur l'Est-Ouest



Les chinois de CITIC CRCC ont augmenté, avec l'accord du maître d'ouvrage, de 60% la facture de la chaussée des tronçons Ouest et Centre de l'autoroute Est-Ouest.

cela a toutes les allures d'un nouvel épisode du scandale de l'autoroute Est-Ouest. Le groupement chinois CITIC-CRCC a obtenu 600 millions de dollars en sus des 5,2 milliards de dollars contractuels prévus pour la réalisation du lot Ouest de 399 km, et du lot centre de 169 km. C'est un avenant aux contrats signés au printemps 2006, qui a permis d'obtenir cette rallonge sur le poste «chaussée» des deux tronçons. CITIC-CRCC a proposé lors d'une journée d'étude en mars 2007 à Alger, une autre solution pour la chaussée que celle prévue dans le cahier des charges du projet. La présentation de cette solution innovante dite de «bitume modifié» utilisée dans les grands pays industriels a eu plus de succès que la suggestion du japonais Coojal, tentés d'utiliser du béton dans la chaussée du tronçon Est (359 km) afin de prévenir une pénurie de bitume. La proposition chinoise a retenu l'attention de Mohamed Kheladi, organisateur de la journée d'étude en tant que patron de direction des programmes nouveaux (DPN), instance de l'Agence nationale des autoroutes (ANA), qui était chargée du suivi du projet pour le compte du cabinet d'Amar Ghoul, ministre des Travaux publics. Une étude sur la compétitivité de cette solution a été demandée par la DPN au maitre d'Å“uvre chinois. Elle a été réalisée et avalisée quelques mois plus tard. Le problème est que le recours à la solution innovante proposée par CITIC-CRCC d'abord sur le tronçon Ouest, ensuite sur le tronçon Centre, entraînait un surcoût de 60% sur le poste chaussée, l'un des plus chers dans la réalisation d'une autoroute. Traduit en chiffres cela donne 600 millions de dollars de plus que le ministère des Travaux publics n'a pas contesté. Aujourd'hui des voix mettent en doute le fondement d'un tel surcoût.

Nulle part cela ne coûte 60% plus cher

 La solution «innovante» proposée par les Chinois, connue sous «production de chaussée EME2», consiste à utiliser un enrobé à module élevé. «Il s'agit d'un enrobé auquel il faut ajouter des adjuvants pour en améliorer la résistance», explique un ingénieur en travaux publics. «L'enrobé à module élevé présente deux grands avantages. D'une part, il permet de faire des économies dans les couches inférieures en réduisant jusqu'à 30% le recours en agrégats et aussi de 5 à 10 cm l'épaisseur de la chaussée elle-même.

 D'autre part, la solution bitume modifié réduit la fréquence d'entretien de la chaussée, sa durée de vie est rallongée de près du double. Ce qui entraîne des économies de frais pour les exploitants de l'équipement, mais aussi pour les usagers».

 Ce n'est pas, dans cette affaire, le caractère plus performant, de la solution proposée par les chinois de Citic-Crcc qui serait en question, mais son coût. En effet, nulle part dans le monde, une chaussée à bitume modifié ne coute 60% plus cher qu'une chaussée classique. «Dans les cas les plus extrêmes, le recours à l'enrobé à module élevé, provoque 10 à 15% de coût supplémentaire», témoigne un autre spécialiste européen, consultant auprès de la filiale bitume de Naftal.

 En effet, les coûts d'utilisation des adjuvants et des procédés de renforcement de l'enrobé dans la production du bitume, sont très largement compensés par les économies réalisées dans l'extraction, le transport et le compactage des agrégats nécessaires à la confection de la couche de base de la chaussée. Sans compter que le bitume modifié entraîne des économies de bitume également dans les couches supérieures y compris la couche de roulement.

24 millions de dollars de plus par an pendant 25 ans

 Les incidences financières de l'avenant sur la chaussée ont été considérables. «Il s'agit de 2x12 mètres de large sur 568 kilomètres de linéaire et des dizaines de kilomètres de raccordement. Si CITIC-CRCC utilise moins d'agrégats et moins de bitume sur une telle étendue, il ne peut en aucun cas facturer 60% plus cher».

 En terme simple, il faudrait que le coût de la solution classique prévue dans le cahier des charges soit supérieur de 60% par rapport à la solution des chinois sur une perspective de 25 années d'utilisation de l'équipement, pour que le paiement de 600 millions de dollars par la DPN et le ministère des Travaux publics se justifient.

 Une équation que les spécialistes retournent autrement en affirmant que l'exploitation des deux tronçons Ouest et Centre devraient coûter 24 millions de dollars plus cher tous les ans, pour justifier d'accepter de payer 600 millions de dollars de plus à la réalisation.

 L'ancien DPN, Mohamed Khelladi, est aujourd'hui en détention préventive suite à une plainte de son ministre de tutelle Amar Ghoul, intervenue après une attaque, en février dernier dans la presse, du premier contre le second. Un dossier où tous les deux sont toutefois logés à la même enseigne : l'acceptation des 60% d'augmentation de la facture de la chaussée, avec sa traduction en chiffres absolues : 600 millions de dollars.




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