Idolâtrée par son
peuple pendant trois décennies, la sélection algérienne des années 80 vient
d'être enlisée dans la boue par cinq de ses anciens représentants.
D'une voix
commune, ils pointent du doigt certains produits qui leur ont été prescrits à
l'époque et qui ont été d'un préjudice des plus néfastes sur vies leurs
privées.
Elevés au rang de
stars, d'icones locales et de héros à tout jamais
dans le cÅ“ur de leurs compatriotes, les joueurs de la sélection algérienne des
années 80 seraient-ils finalement de simples sportifs, dont les réussites et
les accomplissements ont été boostés par des
injections pour le moins douteuses et aux conséquences hautement regrettables
apparues avec le temps ? C'est une supposition cruelle, presque cynique, mais
on ne peut que l'avancer après qu'un groupe d'ex-Fennecs ait révélé dans de
nombreux médias qu'au tout début de leur mémorable aventure, ils avaient été
les sujets de fâcheuses expérimentations médicales. Des pratiques longtemps
cachées, mais qu'ils ont fait le choix de révéler au grand jour après s'être
convaincus que c'est la cause du calvaire qu'ils endurent communément depuis
dans leurs vies respectives.
Un calvaire dont
les proportions sont assez énormes pour que le silence
soit gardé plus longtemps. Djamel Menad, Mohammed Chaib, Mohamed Kaci-Said, Salah Larbes et Mustapha Kouici, un
quintet qui a tant apporté au football algérien, s'est uni pour dénoncer les
souffrances qui lui a été causé et avec lesquelles il va devoir vivre jusqu'au
bout de ses jours. Les cinq joueurs en question ont tous en commun le fait
d'avoir donné naissance à des enfants handicapés et pour eux la coïncidence ne
peut seulement s'expliquer par le «mektoub» (le
destin), mais aussi par les pilules qui leur ont été imposées durant les
différents séjours qu'ils ont effectués en sélection. Leur prescripteur serait
un certain «Micha», un médecin russe qui a officié au
sein de la Fédération Algérienne durant l'ère de Guennadi Rogov.
«On a été des
rats de laboratoires», c'est par ces mots que Kaci-Said
a fait exploser l'affaire au grand jour, désignant à la vindicte tous les
responsables de l'époque. Depuis, le sujet peuple les discussions et agite le
microcosme sans que l'on arrive, pour autant, à réunir tous les éléments de
l'histoire. Néanmoins, il ne faut pas être un génie pour comprendre que les
péripéties en question n'honorent en rien l'image du football algérien et qu'il
n'est pas impossible que tout cela prenne une tournure encore plus ubuesque,
pour peu que d'autres voix s'élèvent. Mais la question qui peut être posée est
: pourquoi a-t-on attendu aussi longtemps pour briser le silence ? Pourquoi les
protagonistes ont d'abord fait le choix de ne rien dire pour ensuite se
positionner contre vents et marrées avec cette obsession de connaitre
la vérité ?
Quoi qu'il en
soit, les victimes méritent d'être entendues, même trente ans après, car la
peine qui est la leur est assez importante. Presque un crève-cÅ“ur pour tous
ceux qui ont soutenu cette équipe algérienne, voire même pour chaque âme tierce
qui se respecte et qui ait un minimum de compatie envers les souffrances des
autres et en particulier celle des enfants. Car c'est bien le cÅ“ur du débat.
L'incompétence de X, la négligence de Y et le manque de prudence de Z ont peut-être
fait que des personnes innocentes se soient retrouvées amputées pour toute leur
vie et ce sans jeu de mots incongru. Loin de nous l'idée d'incriminer qui que
ce soit, c'est même probablement trop tard pour cela, mais les joueurs cités
plus haut doivent avoir voix au chapitre.
La moindre des
choses serait d'approuver, pour ne pas dire soutenir, leur démarche. Une
démarche, en somme, on ne peut plus noble, à savoir la recherche de la vérité.
Cette vérité, il
ne serait pas étonnant que certains la détiennent dans les pays de l'Est de
l'Europe. Durant les années 70 et 80, les nations comme l'URSS et le RDA ont
souvent été pris la main dans le sac à essayer d'enfreindre l'éthique du sport.
Des preuves incontestables quant à la mise en place d'un vaste programme de
dopage du coté de Berlin a même été découvert et il impliquait non seulement
les athlètes du haut niveau, mais aussi des enfants. Une sportive, prénommé
Heidi Krieger (championne d'Europe de lancer du poids en 1986), est même devenu
un sportif après avoir abusé d'hormones males comme anabolisants durant sa
carrière. Tout cela pour dire que ceux qui se donnaient à ces combines étaient
dépourvus de scrupules et n'avaient aucune idée de l'éventuelle conséquence de
leurs actes. Alors, et bien qu'il puisse paraitre
trivial, le rapprochement peut aisément être fait avec ce que des joueurs de
l'EN Algérienne ont connu durant l'époque en question. Celle où leur pays,
comme d'autres en Afrique, s'était justement ouvert aux techniciens de renom,
venus de cette zone du Vieux Continent, avec comme ambition d'acquérir vite des
résultats et ce quel que soit le prix à payer.
Eschyle, un
écrivain grec du 5e siècle, avait décrété une loi «souffrir pour comprendre».
Il n'est pas donné à tout le monde de la mettre en pratique, mais, à contrario,
il y en a ceux qui ont trop souffert, sans pour autant être parvenus à avoir
les réponses qu'ils cherchaient. C'est le cas de nos victimes algériennes, dont
le quotidien depuis de nombreuses années ressemble parfois à une pénitence et
il n'est pas certain qu'ils arrivent à en connaitre
tout simplement les raisons. Cela dit, leur mérite, et il n'est pas moindre,
c'est qu'ils ont le courage de ne pas avoir cédé au mutisme et d'avoir osé, en
dépit de leur minorité, de défier tout un organisme et pointer du doigt leurs
anciens responsables. Pour quel résultat ? C'est dans la durée que se dessinera
la réponse et on espère pour eux qu'elle soit assez convaincante pour que leurs
vies redeviennent ne serait-ce qu'un peu normale et
tolérable.
* Journaliste
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Posté Le : 24/11/2011
Posté par : sofiane
Ecrit par : Naim Beneddra*
Source : www.lequotidien-oran.com