Algérie

26eme édition du Sila Une édition laborieuse



26eme édition du Sila Une édition laborieuse


Publié le 05.11.2023 dans le Quotidien l’Expression
Bien que l'heure n'était pas trop à la fête, mais plutôt au recueillement, le Sila 2023 a permis de dévoiler, via les éditeurs, beaucoup de nouveautés, dont de nombreux jeunes auteurs.

Placée sous le signe de «l'Afrique écrit son avenir», celui de la Palestine s'avère des plus sombres, année après année, d'autant plus aujourd’hui où il vit un des plus tristes chapitres de son histoire. Le Sila, a réussi tant bien que mal et ce, à la dernière minute à marquer le coup, en veillant à consacrer une partie de son programme à la Palestine, à la salle Ghaza, même si cela restait pauvre, mais c'est déjà ça de plus, d'autant qu'une programmation comme celle-ci est censée être bouclée des mois auparavant, bien que l'on sait que certains auteurs, comme Yasmina Khadra, aient été invités il y a à peine deux mois et demi d'où le fait qu'il ait refusé de prendre part cette année, à la 26 eme édition du Salon international du livre d' Alger. Une foire dédiée d'abord aux éditeurs, aux auteurs et aux lecteurs. Cette année une grande affluence a été enregistrée comme à chaque édition.
Le public fort nombreux s'est déplacé majoritairement en famille, surtout le premier novembre et le week-end. En face de l'entrée du Pavillon central, on pouvait remarquer, de visu, ce gros rush qui se précipitait aussi au niveau du «bazar» d'en face, cette fois non pas pour acquérir un livre mais plutôt un produit cosmétique, des vêtements ou des chaussures, se prélasser sous le soleil tout en grignotant un sandwich ou une crêpe au chocolat.

Un programme très riche et varié
«Certains viennent de très loin, affirment les éditeurs». Le temps du salon cette année a été étirée jusqu'à 22 heures du soir, de quoi permettre aux gens de prendre leur temps justement pour flâner entre les stands, s'informer sur les dernières nouveautés littéraires, acheter ou pas et enfin, partir manger au niveau des aires installées en face, là où trône au milieu, le jet d'eau, mitoyen à la salle «Ghaza» où des après-midi poétiques ponctuaient ce riche programme tracée pour cette édition qui s'est déclinée sur plusieurs endroits différents de la Safex.
En effet, en plus d'un colloque sur le penseur Malek Bennabi, le programme du Sila 2023 a été marqué, en outre, par la tenue de plusieurs tables-rondes aux thématiques fort intéressantes, notamment «l'écriture et l'engagement», «la mémoire et l'écriture romanesque», «le premier novembre et l'inthifada palestinienne», «la femme écrit son roman», ou encore «la littérature de la diaspora» auxquelles ont pris part de nombreux auteurs confirmés, entre invités algériens et étrangers. Si le Sila fait le bonheur de certains éditeurs qui vendent bien, malgré des hauts et des bas, dans ce monde impitoyable de l'édition, d'autres avoueront que beaucoup de gens viennent, regardent, feuillettent et puis repartent sans acheter.
Vendredi dernier, avant-veille de la fermeture du Sila, beaucoup d'éditeurs ont affiché des remises. L'on évoquera par exemple, Le journal intime de Jean Sénac, vendu à 4000 Da au stand des éditions El kalima, et dont le prix a été réduit à 3000 da, voire même 2000 da. Un stand qui se félicite d'avoir épuisé tout son stock de livres nouveaux et celui de Daliman Edition. Sa directrice, Dalila Nadjam estime que «cette 26eme édition du Sila ne ressemble en aucun cas aux 25 autres Sila.
La clientèle a tout à fait changé. Il y a beaucoup plus d'acheteurs jeunes, de clients jeunes. Les familles viennent beaucoup plus accompagnées de leurs enfants. Avant, on allait directement au rayon enfant. Je ne suis pas la seule à avoir édité des auteurs jeunes. Et c'est impressionnant. Beaucoup d'entre eux ont édité en langue arabe, en anglais et un peu moins en français, j'ai remarqué.
Les auteurs sont de plus en plus jeunes et c'est très bien.Il y a le fait des réseaux sociaux qui leur donnent aussi de la visibilité. Des jeunes entraînent d'autres jeunes. Ça a crée une ambiance magnifique vraiment.». Et de renchérir: «Le premier vendredi a eu lieu le premier rush, ensuite le premier novembre et là on est au deuxième vendredi. Il est rare d'avoir au Sila deux vendredis. Dans l'ensemble, je trouve que chaque éditeur a produit des quantités plus au moins importantes. Il y eut de nouvelles productions en tout cas». Et de révéler: «Nous, au bout du quatrième jour, tout nos nouveautés ont été épuisées. On a imprimé les quantités qu'il faut pour un salon du livre. Elles sont toutes épuisées. Il y a une demande, car, à part quelques salons en Kabylie, à l'est et à l'ouest, ce ne sont pas les librairies, le peu qui reste, qui vendent énormément. Je suis satisfaite en tout cas.» Petit bémol toutefois, Madame Nadjam regrette que le Sila ne l'associe pas et ne l'informe pas surtout, quand ses auteurs prennent part à des tables rondes par exemple.. «Ce n'est pas normal qu'on l'apprenne, le jour même de l'ouverture du Sila. C'est un manque de communication flagrant.
Pourquoi on n'est pas convoqué et informé? Ce n'est pas normal que nos auteurs prennent part à des tables rondes ou conférences et qu' on ne soit pas informé. Ça me désole, alors que nous sommes des acteurs principaux de ce Sila. Nous sommes les investisseurs et accompagnateurs de nos auteurs. On ne veut pas nous impliquer? Alors qu'on nous informe! J'ai appris que Amine Zaoui était à l'honneur le jour même, que Ahmed Benaissa devait animer une rencontre sur le théâtre par les auteurs eux-mêmes. Pourquoi on ne nous implique pas? C'est ce manque de considération qui me dérange. Pourtant, c'est une corrélation qui devrait exister.»

Le combat des éditeurs
Pour sa part, Selma Hallal coéditrice des éditions Barzakh, nous fait savoir «En terme de fréquentation, il y a une nette différence. Dans l'idéal, il faudrait que l'année prochaine le salon coïncide avec les vacances de bout en bout, car, jusqu'à mercredi, l'affluence a été moindre et faible.. Ce n'est qu'à partir de mercredi, parce que c'étaient les vacances, que ça inaugurait le long week-end, qu'a eu lieu l'affluence qu'on attendait.
Le public était là, enfin, au rendez-vous, notamment le premier novembre..Sinon on était vraiment inquiets.» Et de poursuivre: «Je regrette l'absence d'Annie Arnaud à qui on n'a pas donné le visa, que les éditions Koukou aient été interdites de prendre part au Sila et, d'une manière générale, le climat un peu délétère qui plane sur la profession. Cela dit, le Sila est un rendez-vous essentiel, vital, aussi bien financier pour les éditeurs que sur le plan symbolique, donc, nous sommes heureux d'être là. Il y a toujours la possibilité dans ces moments de faire la rencontre du «vrai public». Cela ne veut pas dire, que le public qui vient le reste de l'année, en librairie, n'est pas intéressant. Mais là, le moment nous est donné pour rencontrer un public qui reste invisible, le reste de l'année et qui vient notamment de la banlieue d'Alger, de l'intérieure du pays...
Les gens viennent de très loin pour acheter des livres. Ce salon agit comme un révélateur.
Nous mettons des visages enfin sur ces anonymes qui suivent notre catalogue.» Et de conclure en affirmant d'être très fière d'être au salon avec plus de cinq nouveautés en littérature. «Car c'est un tour de force, étant donné l'état de l'édition algérienne, la grande vulnérabilité est la précarité de l'édition indépendante.
Arriver à sortir sept nouveautés, pour un salon du livre, alors que nous sommes exsangues financièrement, c'est pour moi, un tour de force. Cela n'a pu être possible que grâce à la solidarité d'un certain nombre de personnes que j'aimerai citer.
D'abord l'imprimerie Mauguin, qui nous a donné carte blanche, en nous disant «ne vous préoccupez pas des factures, sortez vos livres, on s'arrangera ensuite». Donc, on n'aurait pas pu sortir des livres si on n'avait pas ce principe d'amitié de l'imprimeur. Tout cela n'aurait pu être possible aussi, sans une constellation de personnes amies et de solidarité galvanisée. Je pense à Lina, de Batna, qui est venue nous prêter main forte, sur le stand, je pense à Imen qui nous a fait des capsules vidéo pour promouvoir nos nouveautés sur la page facebook et instagram et ce, gratuitement alors qu'on sait combien ces services se monnaient très cher quand on a recours à une boite de com ou un community manager. C'est grâce à ces gens-là, à ces personnes qui croient en notre travail, que nous sommes, là, aujourd’hui. On est là que parce qu'il y a eu ce réseau de solidarité et c'est bon de se dire que Barzakh suscite ça!».

Les jeunes auteurs en force
Comme l'a mentionné madame Dalila Nedjam, beaucoup de jeunes auteurs se sont distingués cette année, à la fois, par la qualité de leurs écrits et leur maturité impressionnante. Parmi ces jeunes auteurs qui ont brillé durant le Sila 2023, on peut citer Manel Benchouk, 22 ans qui, en plus d'être interne en pharmacie et musicienne, vient de publier aux éditions Dalimen, son premier roman intitulé «Sans l'ombre d'un remord».
Un roman qui parle d'un surdoué appelé Adam qui tentera de trouver sa place au sein de la société et surtout, de se retrouver en tant qu'enfant et plus tard, en tant qu'adulte car le lecteur va voir Adam grandir depuis son jeune âge jusqu'à être adulte. Fateh Boumehdi, 25 ans, journaliste à la radio Alger chaîne trois et diplômé en droit, sort quant à lui, son troisième roman, publié aux éditions Dalimen sous le nom de «Et si mon père avait une âme d'enfant», déjà épuisé courant le Sila.
Ce livre est une fiction où l'auteur décrit la descente aux enfers d'un enfant mal-aimé et qui entretient un rapport très conflictuel avec son père. C'est au détour de plusieurs rencontres avec des personnes singulières que l'enfant devenu adulte trouvera la force de se reconstruire. Pour sa part, Aïmene Laithem, 25 ans, architecte, diplômé de l'Epau (Alger) sort lui aussi son premier livre, aux éditions Barzakh. Un récit intitulé «Taxi», dont l'écriture a débuté au moment du Hirak, en 2019. «Du narrateur de ce récit, on ne saura pas grand-chose. (...) Sous son apparent détachement, le personnage, en antihéros moderne, est tout à la fois le passager, l'observateur et le commentateur de sa propre vie. Aïmene Laïhem compose ici la chronique touchante et douce-amère d'un Algérois dont les trajets en taxis sont comme une parenthèse rêvée dans une course vers la quête de soi» écrit l'éditeur. On retiendra aussi le nom de Lina Bougendour, 17 ans, la plus jeune écrivaine et poétesse du Sila, et ce, en langue arabe. Elle a déjà publié un premier roman à l'âge de 15 ans, où elle dénonçait le racisme.
En somme, une jeune génération prometteuse qui augure de belles perspectives d'avenir pour la littérature algérienne!
O. HIND



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