Ce fut une période presque heureuse pour le quartier maudit, et elle dura plus que de raison.
Les cheveux de Leila devinrent blancs et Dieu épargna son visage et sa voix. Il conserva aussi à David son regard brûlant, et les deux amants, malgré leur déchéance, s’aimèrent jusqu’à la fin.
Jusqu’à ce matin de 1543 où la ville fut incendiée.
Le canon tonna, le peuple affolé courut en tous sens. Du quartier éloigné des lépreux, on entendit les cris annonçant que les Espagnols attaquaient.
Après avoir pris Oran, les chrétiens s’étaient abattus sur la région. Il s’agissait, en contrôlant la majorité des ports côtiers, d’empêcher les rapines et les exactions des corsaires barbaresques, dont l’activité s’était accrue au fil du temps.
Et puis, posséder des comptoirs en terre africaine permettrait aux Espagnols d’acquérir à bon compte des produits qu’ils revendraient fort cher en Europe.
Le roi de Tlemcen était tombé, trahi par son conseiller Manzor, et ce dernier avait livré la ville à ses alliés, offrant en pâture tous les juifs de la ville.
Le pillage fut terrible. Du haut des ruines, David vit des hommes enchaînés, des rabbins, des amis, des familles que l’on emmenait en longues chaînes d’esclaves.
Il revit soudain l’Espagne et son flot d’exilés, les marranes brûlés vifs sur les bûchers de l’Inquisition, les longues files de fuyards.
Il vit aussi des hommes en armes se faufiler dans les ruelles en quête de rapines ou de plus cruels méfaits. Il regarda ses membres rongés et Leila à la beauté fatiguée.
« Ils vont nous massacrer, annonça-t-il calmement, j’attendrai la mort avec toi, Leila. Préparons-nous. »
Ils prièrent et parlèrent des êtres chers qu’ils espéraient retrouver dans l’autre monde, sans lèpre ni violence. Certains choisirent de se tuer, sans attendre le fer des mercenaires espagnols. David se blottit contre Leila, qui fredonna doucement à son oreille, les yeux clos.
C’est ensemble qu’ils moururent, transpercés par des épées, tandis que David, dans une ultime prière, murmurait : « Mon dieu nous te rejoignons » avant de rendre son dernier souffle.
Le quartier fut réduit à néant. Désormais, seul le vent tournait les pages maculées de sang des livres saints éparpillés au milieu des ruines.
Didier Nebot
Médecin, historien et romancier
Il est stomatologiste à l’OSE (Oeuvre de secours aux enfants) et président de l’association « MORIAL, mémoire et traditions des juifs d’Algérie ».
Ses livres ont comme objectif de sauvegarder et transmettre la mémoire culturelle et traditionnelle des juifs d’Algérie.
1992 “Le chemin de l’exil”
1995 “Le dernier commandement “
1998 “La Kahéna, reine d’Ifrikia”
1999 “Les Tribus oubliées d’Israël”
2008 “Et les enfants furent sauvés”
2012 “Mémoires d’un dhimmi, 5 siècles d’histoire juive en Algérie”
extrait d’un de mes livres
Je cherche l'origine de mon nom et d'où nous étions Venu et est-ce que nous sommes berbères ou arabes ou autresU
Meraga ali - Enseignant - Boufar, Algérie
12/07/2019 - 405808
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Posté Le : 14/05/2019
Posté par : tlemcen2011
Photographié par : Didier Nebot Médecin, historien et romancier