Algérie

2024-2029 : En finir avec la bureaucratie


Publié le 03.07.2024 dans le Quotidien l’Expression

Durant un demi-siècle (1970-2020), la combinaison de quatre éléments de contexte a provoqué un déclic chez les élites attentives de quelques nations retardataires qui sont parvenues à former aujourd'hui le puissant bloc des pays émergents. Ce sont: 1-l'échec des trois décennies pour le développement des pays du Sud lancées en 1970; 2- l'échec de l'aide publique au développement qui a servi surtout à créer des débouchés commerciaux pour les pays industrialisés; 3- le contrôle après 1990 de la gestion économique de maints pays sous-développés par le FMI et la Banque mondiale basés à Washington; 4- le quasi-monopole exercé par la doctrine libérale sur la pensée économique au point d'ériger le capitalisme et le libre-échange en dogmes de portée mondiale.
Cette situation a provoqué chez lesdites nations une prise de conscience de nouveaux défis et des problèmes qui en découlent pour le futur. Contrairement à notre pays étourdi par ses crises internes, elles se sont attelées sans tergiverser à rechercher des solutions ailleurs que dans les impulsions sentimentales ou les empoignades politiciennes. D'entrée de jeu, elles ont fait le pari d'aller à l'essentiel en s'adaptant aux réajustements issus de l'effondrement du bloc communiste afin de prendre pied dans l'économie sans frontières qui se construit. Se détournant des abstractions inutiles qui fragmentent les rangs, elles ont immédiatement fixé leur attention sur l'assimilation des dix facteurs-clés du progrès socio-économique dans le nouveau siècle alors que, pour sa part, notre pays, cloué par ses politiciens à des références périmées ou anachroniques, ne s'est pas incrusté dans cette logique de renouvellement endossée par des nations résolues à aller de l'avant. De quels facteurs s'agit-il? Il s'agit: 1- de l'action concrète éclairée par une pensée et non de considérations incantatoires coupées de la réalité; 2- du primat du long terme sur les mesures à courte vue: 3- de la maîtrise des différentes variantes de la pensée économique; 3- de la bonne gouvernance; 4- du processus du changement dans un monde mouvant; 5- du partage des rôles entre l'État et l'entreprise dans le développement; 6- de la dimension collective de l'action publique; 7- de la maîtrise des critères et des divers instruments de la puissance; 8- de la culture de l'efficacité et de la performance; 9- de l'équilibre entre l'investissement technique et l'investissement humain; 10- de la transformation de l'outil administratif.
Ce dernier facteur soulève une urgence particulière dans notre pays où l'administration commande largement la vie de la nation dans tous les domaines. Son emprise est telle qu'elle devient un vrai problème. Au lieu d'être un atout pour le développement, elle en est, à vrai dire, un sérieux handicap en raison de ses dérapages gravissimes. A ce propos, une prolifération permanente de pratiques nocives y favorise une corruption rampante qui incommode les innombrables fonctionnaires de qualité présents en son sein. En bref, notre administration subit une crise profonde. C'est une malade qu'à ce jour aucune équipe soignante n'a réussi à guérir malgré de multiples tentatives. Aussi, sa réforme est-elle une priorité stratégique de l'étape 2024-2029. Car il y va à la fois de sa propre légitimité, de celle du gouvernement, de celle de l'État et de celle du pouvoir, ainsi que de la confiance envers les dirigeants. En effet, une telle légitimité n'est que «le sentiment général qui prévaut au sein de la population (lorsque) les pouvoirs sont exercés au service du bien commun. La légitimité du pouvoir ne se limite (donc) pas au pouvoir politique, elle concerne tous les détenteurs de pouvoir.» (P. Calame, 2023.) Aussi la défiance envers notre administration se répercute-t-elle forcément sur l'ensemble du système dont elle est la vitrine. Autant dire qu'il serait impossible à l'Algérie d'avancer au rythme de ses concurrents si elle ne se décidait pas d'en finir avec les effets nocifs de la bureaucratie.
Depuis quelques décennies déjà, maints pays ont modernisé, réformé, innové, rebâti, avancé... pendant que de, notre côté, nous patinons, tournant sur nous-mêmes dans des pratiques obsolètes. De fil en aiguille, la société, ses élites, sa jeunesse, ont perdu tout à la fois l'enthousiasme et l'ambition, l'audace et ce qui fait sens au plan individuel et collectif. Ses ressources naturelles ont, certes, permis à l'Algérie de beaucoup s'équiper mais l'inertie de son administration l'a empêchée de se projeter plus en avant dans l'univers de la post-modernité avec ses nouvelles technologies, sa compétitivité, sa recherche, ses innovations, ses normes et ses réformes incessantes. Un peu partout autour de nous, notamment dans le monde arabe et en Afrique, de nouveaux modèles de gestion publique aiguillés sur la performance se propagent avec succès, inspirés par un quadruple objectif politique: 1- l'efficacité des politiques publiques; 2- la diffusion d'une culture managériale et du respect des règles; 3- une mutation des mentalités et des méthodes; 4- une ouverture sur la société et le respect des usagers. Au final, le succès historique de l'étape 2024-2029 dépendra dans une large mesure de notre aptitude à rénover un appareil administratif fortement marqué par des modes opératoires archaïques particulièrement stérilisants.

Hachemi Djiar

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