Algérie

2018/ les deux Corées: Le rapprochement historique des deux états


Retour sur un événement inimaginable il y a encore quelques années : la poignée de main entre deux leader que tout semblait opposer.
Par Thierry Kellner, Université Libre de Bruxelles

Retour sur une année exceptionnelle dans cette zone en tension depuis 1953 :
9 au 25 février : participation du Nord aux Jeux Olympiques en Corée du sud ouvrant la voie à un dégel entre les deux camps. Après deux années de silence, une ligne de communication militaire a été remise en service en janvier. Ces " JO de la Paix ", voient la rencontre inédite entre Kim Yo Jong, s?ur cadette du dirigeant nord-coréen, et le président sud-coréen Moon Jae-in.
Début mars, les deux Corée conviennent d'un sommet entre Kim Jong un et le président sud-coréen.
9 mars : Donald Trump accepte un sommet historique avec le leader nord-coréen à une date prochaine.
21 avril : Kim Jong un annonce la suspension des essais nucléaires et des tests de missiles intercontinentaux ainsi que la fermeture du site d'essais nucléaires de Punggye-ri.
27 avril : Kim Jong un et Moon Jae-in se rencontrent dans la Zone démilitarisée. Ils se serrent la main. "Une histoire nouvelle commence maintenant", écrit Kim Jong un sur le livre d'or avant le début du sommet.
Les délégations des deux pays qui défilent ensemble lors des JO, un symbole fort
C'est la suite logique des évènements des mois précédents : en 2017, la tension entre la Corée du Nord, sa voisine du Sud et les Etats-Unis a atteint un paroxysme. La Corée du Nord voulait en effet renforcer ses capacités balistiques et montrer sa puissance nucléaire aux yeux du monde, gage de survie du régime en place mais aussi de sécurité et de crédibilité tant en interne qu'à l'international. Une fois cet objectif atteint, désormais en position de force, les nord-coréens peuvent passer à la phase suivante : se concentrer sur le développement économique nécessaire du pays, sans doute sur le modèle chinois.
Pour cela, Kim Jong un joue l'apaisement, afin de créer l'occasion favorable et de se présenter en position de force à la table des inévitables négociations. Les JO représentaient dès lors une excellente occasion de concrétiser cette phase de détente. Depuis 1953, on a assisté à de nombreux cycles marqués par les tensions et la rhétorique belliqueuse, suivies d'une phase d'apaisement : c'est une stratégie bien rôdée et parfaitement utilisée par la Corée du Nord.

La rencontre de Kim Jong un avec le président sud-coréen Moon Jae In
Le timing de cette rencontre était également excellent : Moon Jae In a basé une partie de sa campagne présidentielle sur l'apaisement avec la Corée du Nord. Alors que du côté américain, le troisième acteur principal de ce conflit, une opportunité s'est offerte. Donald Trump avait en effet laissé entendre lorsqu'il était en campagne qu'il ne voyait pas de problème à rencontrer un dirigeant nord-coréen, ce qu'aucun Président américain n'avait jamais fait.

La rencontre entre Kim Jong un et Donald Trump à Singapour
Chacun y trouve son compte, notamment en terme d'image. Mais au-delà, pas grand-chose. L'accord sur la dénucléarisation n'inclut pas d'inventaire de l'arsenal nord-coréen, pas d'agenda de démantèlement, pas de modalités de contrôle... C'est le jour et la nuit par rapport à l'accord détaillé sur le nucléaire iranien, négocié par l'administration Obama et rejeté ensuite par D. Trump. La rencontre avec Kim Jong un est une victoire de l'image et de l'égo pour Donald Trump mais sur le fond, tout reste à faire !
C'est surtout Kim Jong un qui en ressort gagnant : une rencontre avec un président américain en tête à tête, c'est une reconnaissance de son statut et de son régime. Par ailleurs, Chine et Russie ont ensuite assoupli les sanctions économiques qu'elles avaient prises vis-à-vis de la Corée du Nord, ce qui affaiblit la pression américaine : encore un point positif pour Kim Jong un et un bémol pour Donald Trump.

Tout reste à faire en 2019
Les négociations vont se poursuivre et Donald Trump a évoqué une deuxième rencontre avec Kim Jong un au début de l'année. Ce sera peut-être l'occasion d'aborder les questions qui fâchent et de voir ce que la Corée du Nord est réellement prête à concéder. Personnellement, je pense que la dénucléarisation prendra du temps et surtout qu'une dénucléarisation complète sera très difficile à obtenir car le programme nucléaire est la garantie de survie du régime. Il est cependant incompatible avec le développement économique recherché par Kim Jong un, qui demande un relâchement des sanctions américaines. C'est un peu la quadrature du cercle...
Il faudra donc voir ce qui est acceptable pour le régime nord-coréen et pour la communauté internationale, si un compromis est possible et à quel prix. Par ailleurs, la question des droits de l'homme devra également être abordée à un moment ou à un autre, alors qu'elle est totalement mise de côté pour favoriser les discussions actuelles. Une chose me semble cependant claire : si les négociations ne tournent pas comme la Corée du Nord le souhaite, nous risquons de voir réapparaître les tensions et de repartir dans un cycle de crise.

Une année marquée pour Pyongyang et Séoul
Ils étaient nombreux parmi les observateurs de la scène internationale à prédire la persistance des tensions dans cette partie de l'Asie en tenant compte de la poursuite des essais nucléaires de la Corée du Nord et des pressions exercées par les Etats-Unis à travers les sanctions et la multiplication des provocations à l'encontre de Pyongyang. Cette confrontation maintenue depuis la fin de la guerre de Corée (1950-1953) a éloigné tout espoir d'une possible approche politique à la question coréenne. Les pays occidentaux avaient toujours misé sur l'effondrement de ce qu'ils désignaient comme "régime communiste", en intensifiant les actions de propagande et les mesures de sanctions.
Cette guerre "économique" et "psychologique" déclenchée à grande échelle par les pays occidentaux contre la Corée du Nord n'a pas pour autant permis de neutraliser cet "ennemi" placé sur "l'axe du mal", ni même obtenir son isolement sur la scène mondiale, grâce au soutien de la Chine et la Russie.

Technologie nucléaire
En arrachant le statut de "force nucléaire d'Etat" au prix d'énormes sacrifices, le pays de Kim Jong-Un a même bouleversé l'histoire de la péninsule provoquant un changement dans les rapports de force dans la région.
En effet, depuis son accession au statut de puissance en matière d'engins balistiques et de technologie nucléaire, les démarches diplomatiques en vue de résoudre la crise coréenne se sont intensifiées de manière interrompue durant toute l'année 2018.
En effet, Pyongyang a bousculé en 2018 les capitales occidentales et les pays voisins, contraints désormais à s'assoir à la table des négociations et à entrevoir ensemble une solution basée sur les équilibres des forces et de traitement d'égal à égal, loin du langage de menaces et de provocations.
Même si les Etats-Unis ont tenté en début de 2018 de brandir l'adoption de nouvelles sanctions "sévères" et d'interventions militaires, ceci n'a pas, toutefois, effrayé les autorités de Pyongyang, persuadée qu'aucune partie ne peut désormais empiéter sur sa souveraineté, imposant le recours à la voie diplomatique.

Ballet diplomatique et succession de rencontres
Après un bras de fer qui avait longuement duré, les Etats-Unis acceptent de s'asseoir à la table des négociations avec la Corée du Nord "sans condition préalable", alors que jusqu'ici, Washington affirmait que toute négociation ne pouvait porter que sur la dénucléarisation de la péninsule coréenne.
Parallèlement aux démarches entreprises par Washington, les autorités sud-coréennes avaient répondu positivement à la main tendue par le voisin du Nord pour engager des discussions de haut niveau.
"Nous devons améliorer les relations Nord-Sud, qui sont gelées, et faire de cette année (2018) un tournant dans l'histoire nationale coréenne", avait souligné M. Kim dans son message de Nouvel An.
Depuis la fin de la guerre de Corée, les deux Etats rivaux étaient séparés par la Zone démilitarisée (DMZ), en fait l'une des frontières les plus fortement armées du monde.
Au lendemain de l'offre de dialogue faite par Séoul en réponse aux appels à une amélioration des relations lancés par Kim Jong-Un, Pyongyang a annoncé qu'il rouvrirait le canal de communication intercoréen, saluant le soutien apporté par Séoul à sa proposition de paix. Les jeux Olympiques d'hiver organisés au mois de février en Corée du Sud furent aussi le catalyseur de ce très rapide processus de rapprochement. Lors de leur sommet à Pyongyang en septembre, le président sud-coréen, Moon Jae-in, et le dirigeant nord-coréen, Kim Jong-un, avaient décidé, entre autres, d'éliminer un nombre limité de postes-frontières le long de leur frontière lourdement armée. Dans le sillage de ces développements sur la scène de la péninsule et dans les relations américano-coréennes, le président américain Donald Trump a assuré qu'il n'y avait "aucune urgence" dans les négociations sur la dénucléarisation de la Corée du Nord, répondant aux nombreuses voix qui s'interrogent sur ce qui s'apparente à une nouvelle impasse.
"Beaucoup de gens demandent où en sont nos négociations avec la Corée du Nord, je réponds toujours en disant qu'il n'y a aucune urgence", a tweeté M. Trump. "Il y a un magnifique potentiel pour un grand succès économique pour ce pays, Kim Jong Un le sait mieux que quiconque et saura pleinement en profiter", a-t-il ajouté, avant de conclure que "tout se passe bien!".
Donald Trump a rencontré Kim Jong Un en juin à Singapour, devenant le premier président américain en exercice à serrer la main d'un représentant de la dynastie Kim, qui règne sur la Corée du Nord depuis 1948.
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