Algérie

2013, comment le non-Maghreb est devenu non plus un coût, mais un risque Analyse éco : les autres articles



Les arguments en faveur d'un marché maghrébin commun ne sont pas simple littérature. Il est bon de les rappeler de temps à autre comme l'ont fait des spécialistes lors d'une table ronde du MEF, le Maghreb Economic Forum, à la fin de semaine dernière à Tunis. Le Maghreb c'est avec 85 millions d'habitants, le poids démographique de l'Allemagne. C'est aussi le PIB de la Turquie, le nouveau dragon de la méditerranée. Une bonne carte d'entrée. Les spécialistes le disent aussi. L'attractivité du territoire est plus forte lorsque la profondeur de marché est là. Les investisseurs asiatiques ou brésiliens raisonnent en coûts d'expansion. Si un investissement de 50 millions d'euros provoque derrière une pénurie de ressources humaines qualifiées dans le pays d'accueil et entraîne une inflation dans le développement, alors il ira ailleurs.
Là où les seconds 50 millions d'euros investis permettront de recruter presque au même coût que les premiers. Mieux encore. La concurrence intra-maghrébine pour attirer les investisseurs peut largement être amortie dans un contexte intégré. Il y a de la place pour une chaîne des valeurs où chaque pays apporte sa part dans la localisation de l'investissement étranger. Ainsi, la bataille du «low coast» que les marocains ont livrée pour capter la part du lion dans la délocalisation de l'activité aéronautique autour d'Airbus au détriment de la Tunisie, a été une course néfaste à la dépréciation de la valeur ajoutée des deux pays. En l'absence de concertation entre les gouvernements, ce sont les multinationales qui dessineront la spécialisation de chacun des pays. Il est encore temps de faire autrement. Et d'attirer ensemble plus de capitaux et de projets. Il y a sept ou huit ans est né le concept du coût du non-Maghreb.
Deux études différentes sont parvenues à la même conclusion. Un marché intégré maghrébin avec libre circulation des facteurs de production et des marchandises ferait gagner de un à deux pour cent de point de PIB en plus, selon les pays. Un universitaire français, spécialiste des flux migratoires, a rappelé que les mouvements migratoires portugais et espagnol ont baissé après l'entrée de ces deux pays dans l'Union européenne. L'intégration nivelle les niveaux de vie par le haut. Et rend l'exil économique moins opportun. Une réponse à une partie de la classe politique tunisienne qui s'était offusquée de l'initiative unilatérale du président Moncef Marzouki de liberté de circulation et de travail pour les ressortissants maghrébins en Tunisie.
La fin des régimes autoritaires en Tunisie et en Libye et le début des transitions démocratiques dans ces deux pays ont relancé l'ambition du Maghreb Uni en 2011. Elle s'est affaissée lentement en 2012. Pourtant, jamais le modèle qui a construit le dynamisme économique du Maroc et de la Tunisie durant les vingt dernières années n'est apparu si près de l'apoplexie. Le moteur européen de la croissance est durablement en panne. Le coût du non-Maghreb a évolué entre-temps. Il est devenu un risque systémique. Pressant vu de Tunis. Jusque-là, la non-intégration maghrébine empêchait de fédérer les atouts de chacun des pays. Désormais, cette non-Union additionne les tares. Chaque pays déverse chez son voisin la sève de son underground. Sans retour économique. La Libye, non encore sous contrôle, exporte des armes et des carburants au noir vers la Tunisie, qui ne peut plus exporter ses containers par route.
L'Algérie, qui a gonflé à nouveau le parc de ses produits subventionnés, les voit filer par l'Est et par l'ouest. Tandis que le Maroc ne peut exporter par la voie continentale vers l'Algérie que des produits prohibés. Le non-Maghreb n'est plus une opportunité manquée. C'est un chaos annoncé. A Tunis, le MEF propose une politique de convergences par groupe d'affinité. Tunis et Tripoli peuvent avancer très vite sur le désarmement tarifaire. Tunis et Alger sur la libre circulation de la main-d''uvre. En attendant celle des capitaux. Rabat et Nouakchott peuvent se trouver un agenda propre à eux à l'intérieur des chantiers à l'arrêt de l'UMA. L'idéal serait de converger rapidement par binômes vers l'exercice des quatre libertés prévues par les textes fondateurs de l'UMA.
Une construction maghrébine qui ne fait pas avancer ensemble à la même allure les cinq pays membres paraît de plus en plus inévitable. Au c'ur des écueils, bien sûr le différend politique entre l'Algérie et le Maroc. Mais il n'est pas le seul. Entre l'Algérie et la Tunisie, il n'y a jamais eu de crise majeure depuis 40 ans. Le niveau d'intégration entre les deux pays reste faible. La libre circulation de la ressource humaine se détache du lot parmi les mesures qui peuvent accélérer les synergies. Supprimer le permis de travail pour les ressortissants des deux pays est un premier pas essentiel. Et facile. Cela fera une communauté en moins à racketter pour les préposés du bureau des étrangers. Tout le monde a bien compris avec le récent scandale de la wilaya d'Alger où se trouve l'intérêt mercantile d'une partie de l'administration. Les frontières comme les guichets fermés marchent à l'envers de l'histoire.


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