Les Arabes se sont révoltés pour vivre leur époque dans la dignité et le bien-être social et économique. La situation dans les pays arabes change de façon inégale d'un pays à l'autre et semble stagner dans d'autre pays, notamment ceux du Golfe où la chape de plomb des monarchies pétrolières continue à peser sur les peuples de la région, notamment les femmes qui n'ont aucun droit. Pour l'heure, ce sont les pays arabes d'Afrique du Nord qui évoluent lentement, mais sûrement vers des mutations sociopolitiques profondes. Si au Maroc et en Algérie, les changements semblent se faire en douce, en Tunisie, en Egypte et en Libye, ce sont des révoltes populaires qui ont provoqué la chute de régimes dictatoriaux qui voulaient instaurer un système héréditaire dans des républiques. «Nous avons pris des armes à Kadhafi, et nous les avons utilisées contre lui pour gagner notre liberté. Maintenant, nous voulons la démocratie», déclare à Tripoli Ali Dib, un ingénieur de 55 ans. «Nous commençons déjà à sentir la démocratie et personne ne devrait avoir peur de nos fusils. Nous savons comment les contrôler. Mais nous ne tolérerons plus de dictateur ou un parti politique unique. Ces jours-là sont révolus avec (la mort de) Kadhafi», tué le 20 octobre à l'issue d'une insurrection populaire déclenchée en février. «Nous avons besoin d'infrastructures, de nouveaux emplois, d'une bonne éducation pour nos garçons et filles. Nous avons à construire une nouvelle Libye et pour cela nous avons besoin de notre argent», ajoute M. Dib en faisant allusion aux fonds libyens gelés à l'étranger, dans le cadre de sanctions imposées à l'ancien régime. Comme sous Mouammar Kadhafi, aucune célébration publique n'est prévue pour la nouvelle année dans cette société conservatrice. La plupart des Tripolitains ont préféré se terrer chez eux, alors qu'une vague de froid inhabituelle frappe depuis plusieurs jours le pays et s'accompagne de coupures d'électricité de plusieurs heures par jour. Dans l'Egypte voisine, où un Conseil militaire a pris le pouvoir après la chute de Hosni Moubarak en février, les habitants sont aussi dans l'attente, alors que les islamistes émergent comme une puissante force politique. «Il y a encore beaucoup de travail à faire pour atteindre le système démocratique», déclare au Caire Omar Salem, un consultant en technologie de l'information de 32 ans. «Les élections législatives ont été le point de départ, mais avec les militaires encore au pouvoir, nous ne savons pas dans quelle direction le pays se dirige», ajoute-t-il. «J'espère que nous aurons un vrai Parlement, une véritable police et des juges honnêtes afin que nous puissions commencer à construire le pays», souligne de son côté Amr Saïd, employé dans une société de sécurité. «Je ne suis pas inquiet de la présence des islamistes au Parlement. Ils y arrivent par le biais de véritables élections. S'ils font un bon travail, gardons-les. S'ils ne le font pas, les gens n'auront désormais plus peur d'appeler au changement.» La Tunisie, berceau du Printemps arabe, a été aussi le premier pays à bénéficier des fruits de sa révolution, avec des élections qui ont porté les islamistes au pouvoir. «Je sens dans mon for intérieur que la révolution m'a rendu mon pays et mon peuple. Avant, j'avais la sensation que la Tunisie appartenait au dictateur Ben Ali et sa famille», se réjouit Kaies Jebali, technicien dans une entreprise étrangère installée dans la banlieue de Tunis. Selon Zakia Ammar, 29 ans, professeur de philosophie dans un lycée de la capitale, la révolution a libéré la parole de ses élèves : ils «n'ont pas peur d'aborder des sujets tabous comme la religion et la politique en classe. Ils poussent les lignes rouges à leurs limites et cela promet beaucoup pour leur créativité dans l'avenir». Elle se dit «optimiste, même si, ajoute-t-elle, je ne suis pas certaine que mes petites libertés de femme, comme la liberté de travailler et de s'habiller, vont être préservées avec un parti islamiste au pouvoir». Au Yémen, le militant et écrivain Chafie al-Abd estime que «2011 a été une année exceptionnelle qui a vu les jeunes briser le mur du silence qui avait été érigé par leurs parents. Ils se sont appropriés la liberté». «J'espère que 2012 permettra de garder ce même élan», conclut-il.
Le défi tunisien
Mme Wided Bouchamaoui, présidente de l'Union tunisienne de l'industrie, du commerce et de l'artisanat (Utica), a insisté sur la gravité de la situation économique en Tunisie, à cause «des sit-in et de la perturbation préméditée de l'activité des entreprises économiques». Si les hommes d'affaires se sont montrés compréhensifs vis-à-vis des demandes légitimes des travailleurs, ils n'écartent pas le risque d'une réduction des postes d'emploi dans de nombreuses sociétés, si la situation continue de la sorte» a averti la présidente de la centrale patronale, jeudi à Mahdia, à l'ouverture des travaux du 8e congrès de l'Union régionale de l'industrie, du commerce et de l'artisanat (Urica). Le pays a besoin de voir le nouveau Gouvernement se former rapidement, a-t-elle souligné, proposant une «trêve sociale» d'une année, en vue de prospecter les meilleurs moyens de relancer l'activité économique et d'attirer les investissements directs étrangers (IDE). L'économie tunisienne doit compter sur son capital humain et la bonne gouvernance pour surmonter les répercussions de la crise mondiale et assurer la dynamisation de sa croissance, selon des experts nationaux et internationaux. «La Tunisie ne sera pas épargnée par la crise économique mondiale, mais pourra s'en sortir à la faveur de son potentiel humain qui doit néanmoins faire preuve de patience», a déclaré à la TAP, à Tunis, Glaudio Arenas, expert international dans le domaine économique et financier, à l'occasion de la célébration du 50e anniversaire de la tunisification de la Ctama (Caisse tunisienne d'assurances mutuelles agricoles). Kamel Ayadi, expert international dans le domaine de la bonne gouvernance, a relevé que 80% de la performance de l'entreprise dépend des leviers de l'éthique et de l'intégrité qui, d'après lui, manquaient dans la plupart des entreprises tunisiennes. Cette «crise des valeurs» a favorisé la multiplication des sit-in et des grèves, détériorant ainsi le climat social dans l'entreprise, où employés et employeurs sont devenus des adversaires», a-t-il ajouté. Les dirigeants des entreprises doivent donner l'exemple en la matière afin d'éviter la propagation du phénomène de la corruption parmi les travailleurs, a affirmé l'expert. Cette rencontre qui s'est déroulée sur le thème «La situation financière et économique internationale et les défis futurs» a permis de passer en revue le rôle de la Ctama créée en 1912 afin de répondre aux besoins du marché agricole tunisien.Si au plan politique, la Tunisie semble être sur la bonne voie, son défi majeur est le redressement économique. L'illusion que donnait le régime de Ben Ali sur l'économie florissante de la Tunisie, a été mise à nu par la révolte des populations de l'intérieur du pays qui vivent depuis toujours dans une précarité économique et sociale.
L'économie tunisienne, basée sur le tourisme et quelques activités manufacturières essentiellement concentrés dans la bande littorale, a été touchée de plein fouet par les retombées de la crise des subprimes avant d'être aggravée par la seconde secousse de la crise financières qui touche l'Europe dont dépend l'économie tunisienne. Les populations multiplient ces derniers temps les protestations pour l'amélioration de leurs conditions sociales, alors que le pays ne dispose pas de moyens financiers pour répondre en urgence aux énormes revendications exprimées.
L'Egypte et les limites du changement
En Egypte et au-delà des problèmes économiques et sociaux latents, les jeunes révoltés veulent en finir avec les militaires qui s'accrochent au pouvoir et qui sont soupçonnés de vouloir brider «la révolution». Durant les mois de novembre et de décembres derniers, la place Tahrir a été réinvestie pour réclamer le transfert du pouvoir aux civils et laisser les urnes trancher quant à la nature du régime. Une répression féroce s'est abattue sur les manifestants. Pour le journal Le Monde, «lors des derniers épisodes de violences, fin novembre, avant la première phase des élections (42 morts), puis à la mi-décembre, entre les deux tours de la deuxième phase (17 morts), une étincelle avait suffi pour transformer le centre-ville en champ de bataille et paralyser une bonne partie de l'activité économique du Caire. Au moindre abus des forces de l'ordre, les sans-culottes de Tahrir, exaspérés par trois décennies d'arbitraire policier, n'hésiteront pas à redescendre dans la rue.» Le journaliste estime qu'«on peut disserter sans fin sur ce nouvel avatar de la révolution égyptienne. Déplorer que le soulèvement euphorisant des mois de janvier et février ait tendance à se muer en combats de rue autodestructeurs ou en soliloques narcissiques sur Twetter. Critiquer la veine anarchiste, voire nihiliste, de certains manifestants. Ou encore regretter que les partis politiques, libéraux comme islamistes, n'aient pas su porter les revendications de la rue, préférant s'enferrer dans des débats stériles et abscons, comme celui sur la notion d''Etat civil'.» Enfin, le journal conclut : «Reste une vérité irréductible. Le Conseil supérieur des forces armées (CSFA), qui gouverne le pays depuis la démission de Hosni Moubarak, au mois de février, a démontré l'étendue de son incurie. Après la manifestation copte du 9 octobre écrasée, au sens propre du terme, sous les chenilles des blindés, l'assaut du 16 décembre contre le sit-in devant le siège du gouvernement, ponctué par le matraquage infamant d'une manifestante à moitié dévêtue, a ôté aux militaires le peu de crédibilité et de légitimité qui leur restait.»
La Syrie et le Yémen, ça passe ou ça casse
Les deux révoltes qui n'ont pas encore abouti, celle du Yémen et de la Syrie, risquent d'occuper une bonne partie de l'année 2012 en raison de la nature clanique des deux régimes. C'est ce qui explique l'intervention des pays du Golfe dans le cas yéménite et l'intervention de la Ligue arabe dans le cas syrien. Pour le Yémen, et selon l'accord sur le transfert pacifique du pouvoir élaboré par les monarchies du Golfe et signé le 23 novembre 2011 à Riyad, le président Ali Adballah Saleh doit quitter le pouvoir fin février en échange de l'immunité. Pour la période intérimaire précédant le départ de Ali Adballah Saleh, le chef de l'opposition Mohamed Basindawa a été chargé le 27 novembre de mettre en place un gouvernement d'entente nationale, qui a été formé le 7 décembre. Mais les révoltés refusent ce deal et veulent que le président yéménite soit arrêté et jugé. Cette perspective risque d'aggraver les risques d'une guerre civile tant le tribalisme et déterminant au Yémen. Quant au cas syrien, le régime semble avoir emporté une manche diplomatique puisque la ligue arabe a tendu la perche à Bécher El Assad qu'il a acceptée mais selon les termes qu'il a lui-même définis. La mission d'observateurs de la ligue arabe a été utilisée par le régime syrien pour conforter sa «légitimité» régionale alors que les révoltés en Syrie refusent toute négociation avec les tenants du pouvoir, même s'ils s'opposent aussi à toute intervention étrangère. Manifestement, la situation risque de se compliquer davantage aussi bien au Yémen qu'en Syrie, d'autant plus que l'Occident qui se veut parrain des révoltes arabes, est désormais préoccupé par ses propres problèmes économiques.
A. G.
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Posté Le : 03/01/2012
Posté par : presse-algerie
Ecrit par : Abdelkrim Ghezali
Source : www.latribune-online.com