Algérie

2011, l'année de Fukushima va accélérer la transition énergétique



Dans dix ans, 2011 sera évoquée comme une année de rupture dans la transition énergétique mondiale. L'électronucléaire y a perdu gros. Fukushima. Les autres sources dans le mix énergétique deviennent plus visibles. Les acteurs du solaire et de l'électricité verte, des deux côtés de la Méditerranée, se sont mis en configuration de coopérer. Une année utile.

2011 restera l'année de Fukushima. Le terrible séisme suivi du dévastateur tsunami le 11 mars dernier sur les côtes du nord-est du Japon ont mis à néant 25 ans de rémission du choc de Tchernobyl en Ukraine. L'industrie électronucléaire se remettait tant bien que mal du nuage radioactif parti de l'explosion d'un réacteur à Tchernobyl en 1986. A force de lobbying et de communication biaisée, elle pensait avoir fait oublier qu'une centrale nucléaire qui s'ouvre à l'air, est un maximum de dégâts pour la santé des populations à un rayon de distance élevé, la contamination de la nature environnante pour des siècles. En résumé toute une série de coûts inacceptables et qui ne sont pas intégrés au prix du kilowattheure! commercialisé. C'est en 2011 désormais, l'approche coût de la filière qui est renversé par Fukushima . Les leçons du 11 mars montrent que le séisme à lui seul a endommagé la structure de deux des trois réacteurs (émanation de Xénon) et la panne des systèmes de refroidissement auxilliaires met à nu toute une génération de conception de centrale nucléaire. L'électricité de l'atome coûtera beaucoup plus cher dans l'avenir si elle doit intégrer toutes les nouvelles contraintes de construction révélées par Fukushima. Le gouvernement allemand d'Angela Merkel a été le premier à en décider l'anticipation industrielle. La sortie du nucléaire est accélérée la plus grande partie des dix-sept réacteurs allemands seront mis hors service d'ici à fin 2021. C'est symboliquement la décision la plus importante pour l'avenir énergétique européen, prise en 2011. Le lobby français de l'électronucléaire est revenu à la charge au second semestre 2011 pour peser sur le débat électoral domestique et prévenir des conséquences socialement – plans sociaux chez Areva - et industriellement – commandes perdues par EDF - désastreuses de la tentation d'imiter l'Allemagne. L'onde de choc de Fukushima est restée d'autant plus puissante que de l'iode radioactif a été trouvé dans le ciel européen six mois après la catastrophe. Le 11 mars a mortifié le Japon, mais ouvert la voie à la montée en puissance des énergies renouvelables.

VERS LE VRAI DEPART POUR L'ELECTRICITE VERTE

2011 pourrait s'avérer être une année charnière pour l'électricité verte et le solaire thermique en particulier. Après des années de tergiversations, les acteurs de la filière semblent converger vers une approche pragmatique qui ne serait que tout bénéfice pour toutes les parties : les consommateurs d'abord qui disposeront à volonté d'une énergie réellement propre et sans danger, les dépositaires du gisement solaire qui se situe dans des pays en développement et qui pourront rentabiliser, enfin !, d'immenses espaces jusque-là économiquement peu viables, les industriels des deux bords qui s'engagent, semble-t-il, à développer un partenariat gagnant-gagnant. Cette approche pragmatique est illustrée par l'initiative d'organiser, le 9 décembre à Bruxelles, une rencontre entre l'Algérie et l'Union européenne en marge du Conseil européen réservé à la crise de l'euro. Cette rencontre portait sur «le Partenariat dans le domaine des énergies renouvelables et l'efficacité énergétique» ; elle a permis de clarifier les positions des uns et des autres et a abouti à la signature d'un mémorandum d'entente entre Sonelgaz et Desertec Industrial Initiative (DII). Ajouté à l'accord survenu entre Medgrid et DII pour combiner leurs efforts dans la production d'électricité verte (Desertec) et le grand transport d'électricité et autres connexions intercontinentales (Medgrid), on peut avancer sans grand risque de se tromper que 2011 a donné le vrai départ de la future montée en puissance de l'électricité verte.

PETROLE DE SCHISTE ET PRINTEMPS «ARABE»

2011 est aussi l'année de la perpétuation de la bulle du gaz naturel. Les Etats-Unis sont les principaux responsables. Ils ont continué de développer des ressources de gaz non conventionnelles au moment où l'Europe a pris un virage préventif contre les forages dans cette filière controversée. Washington a toujours recherché l'indépendance énergétique, à tout prix. Son implication politique et stratégique au Moyen-Orient en témoigne, qui avait pour but de sécuriser les approvisionnements pétroliers nécessaires à leur économie et à leur mode de vie basé sur le gaspillage d'énergie. Parallèlement, les compagnies américaines ont développé des techniques d'extraction du gaz et du pétrole à partir des schistes largement présents dans le sous-sol. En catimini… puisqu'en même temps elles poussaient les pays producteurs de GNL, le Qatar notamment, à sur-développer leurs capacités d'exportation, leur faisant miroiter une explosion de la demande domestique de gaz aux Etats-Unis. Si le Canada a développé les schistes bitumineux de l'Alberta, détournant pour ce faire du méthane destiné au marché US, les conséquences catastrophiques sur l'environnement ont engendré un mouvement citoyen de protestation qui freine cette filière et risque de la bloquer à terme. Il en est de même du gaz de schiste développé au Québec et aux Etats-Unis. 2011 est peut-être donc la dernière année de grâce pour le gaz de schiste. la mobilisation citoyenne s'organise et pourrait rejoindre ses consÅ“urs européennes qui ont bloqué le développement de cette filière dans de nombreux pays, dont la France. 2011 est donc l'année où tous les ingrédients de ruptures stratégiques liées au domaine de l'énergie se sont mis en place ou se sont renforcés. D'une part, les filières supposées dégager le monde occidental du «bourbier moyen-oriental», en matière de dépendance énergétique, s'avèrent délétères ; d'autre part, le printemps «arabe» est en train de modifier la carte géopolitique de la région MENA, dans un sens pas forcément bien maîtrisé par les nouveaux maîtres du monde : les marchés. Nul doute qu'en cette phase historique de mutations profondes, 2012 devrait apporter son lot d'évènements majeurs.




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