Algérie

200 milliards de pertes à Mostaganem



Après une campagne de semence chaotique, la culture de la pomme de terre qui occupe pas moins de 4500 ha répartis à travers plus de 2000 exploitations aura connu les pires difficultés de ces cinquante dernières années. En effet, le semi qui s?étale habituellement entre le 15 décembre et le 15 janvier aura été inconsidérément prolongé en raison de l?arrivée tardive des semences et des prix qui auront été multipliés par trois. A la faveur d?un hiver froid et d?un printemps excessivement pluvieux, les jeunes pousses subiront de plein fouet les aléas climatiques. Successivement, les champs de pomme de terre seront dévastés par une première attaque de gelée noire qui sera suivie par des attaques répétées et rapprochées du mildiou. Dès fin mars, ce parasite qui survit dans le sol sous forme de spores virulentes ne cessera de détruire les plants. Seuls les champs plantés en décembre échapperont au ravageur car ils avaient atteint un degré de maturité suffisamment avancé. Avec un décalage de 15 jours, les premières récoltes se négocieront entre 32 et 38 DA le kg. Alors que la campagne venait à peine de démarrer, l?arrivée intempestive de pommes de terre plus tardive donc moins matures aura pour conséquence de faire baisser les prix qui chuteront jusqu?à 13 DA. Mais l?embellie sera de courte durée. Les fellahs ayant précipité les récoltes alors que la tubérisation était encore balbutiante, ne le feront que contraints et forcés par les attaques du champignon. Rapidement les quantités disponibles finiront par s?amoindrir. A la chambre de l?agriculture, on fera un premier recensement qui mettra en évidence la perte de production que l?on évaluera à plus de 60%. Les rendements sur les parcelles les plus touchées se situeront à moins de 80 q/h, alors que sur les cultures épargnées par ce phénomène, on notera des rendements records de plus de 500 q. Mais cette performance ne concerne pas plus de 5% des producteurs. Les autres, sans doute moins nantis et surtout moins encadrés, devront se résoudre à rejoindre la cohorte des démunis. Incapables de rembourser les frais de campagne, ils ne pourront même pas prétendre à de la semence pour la prochaine saison. Il faut savoir que sur plus de 80% des superficies ensemencées, soit plus de 3200 ha, les récoltes ne pourront même pas compenser les quantités ensemencées. Une situation qui aura d?énormes répercussions sur l?avenir immédiat de cette culture à travers le territoire national. Dans la plaine de Sirat qui est le véritable baromètre de la pomme de terre, ce sont les va-et-vient incessants des camions en provenance de plus de 25 wilayas qui rythment l?activité de cette commune rurale. Le marché qui commençait à se calmer sera pris d?une soudaine fébrilité dès la fin de la semaine. Entre jeudi et vendredi, les prix du tubercule passeront allégrement de 18 à 25 DA au prix de gros. Les achats effectués sur simple téléphone portable à partir des marchés de l?Est algérien grimperont à 30 DA pour livraison samedi matin. Durant la journée, alors que chez les détaillants de la région les prix étaient encore à 25 DA, au niveau des champs, ils atteindront subitement la cote de 35 DA. Cette frénésie allait encore accentuer la pression, puisque dimanche matin, la pomme de terre blanche, toujours moins chère que la rouge, sera cédée à 45 DA. Un record jamais égalé dans l?histoire de ce tubercule. Informés des conséquences du mildiou sur les zones tardives de Aïn Defla, Chlef, Mascara, Skikda et Guelma, les intermédiaires qui tiennent ce marché auront vite fait d?enflammer la bourse. Désormais, tout sera possible et rien ne peut être exclu. De la pomme de terre à 100 DA avant la fin du printemps n?est plus une utopie. Les 2000 ha de Touggourt et d?El Oued n?y pourront rien. L?Algérie, pour la première fois de son existence, sera probablement contrainte d?importer de la pomme de terre de consommation au printemps. Une situation exceptionnelle à laquelle elle ne se sera pas préparée. En attendant, il serait temps de penser à soulager, par solidarité nationale, les milliers de fellahs qui viennent de perdre tout, y compris la raison.


Votre commentaire s'affichera sur cette page après validation par l'administrateur.
Ceci n'est en aucun cas un formulaire à l'adresse du sujet évoqué,
mais juste un espace d'opinion et d'échange d'idées dans le respect.
Nom & prénom
email : *
Ville *
Pays : *
Profession :
Message : *
(Les champs * sont obligatores)