Algérie - Revue de Presse

2 Questions à trois politologues



2 Questions à trois politologues
1- Comment voyez-vous le referendum d'aujourd'hui au Sud Soudan' 2- A votre avis, cette "indépendance" du Sud annoncée, serait-elle, annonciatrice de révisions des «intangibles" frontières héritées de la colonisation' • Ismaïl Maaraf, enseignant de sciences politiques et relations internationales, Université d'Alger1/ Eu égard au données actuelles, je pense qu'il consacrera l'indépendance du Sud-Soudan. Le scrutin aura deux conséquences majeures : la première est d'ordre politique, la deuxième est économique. Sur le plan politique, il s'agit, pour les soudanais du sud qui attendent cette date avec impatience, de se prononcer pour l'avenir de leur région. Dans ce cadre, tout semble concourir à  la scission du pays en raison de la situation intenable dans laquelle vit la population depuis des décennies. Sur le plan économique, avouons qu'en dépit de la richesse de la région, les sud-soudanais ne vivent pas décemment. Le gouvernement, il faut le dire, a échoué dans la gestion économique. Cela renforce le sentiment d'abandon chez la quasi-totalité des soudanais du sud. Raison pour laquelle, ils se disent qu'ils n'ont rien à  perdre en se détachant d'un pays qui les a marginalisés. Si la scission venait à  se concrétiser, ce qui est fort probable, l'économie de la région connaîtra un essor considérable. Les multinationales y investiront. Cela permettra de créer des postes d'emploi. 2/ Il me semble qu'il n'y aura pas de problème entre le Nord et le Sud après le référendum qui intervient après deux décennies de guerre civile. Le gouvernement soudanais se portant garant. Dans l'accord global de paix, les deux parties se sont entendues sur une zone de sept kilomètres qui sera surveillée par les forces onusiennes. Celles-ci interviendront dès qu'il y a un conflit entre le Nord et le Sud. Ce qu'il faut retenir aussi, c'est que le cas soudanais peut servir d'exemple à  d'autres pays arabes et africains qui, parce qu'ils font face à  des problèmes : linguistique, ethnique, ou racial pourraient un jour demander leur indépendance. Il s'agit notamment des Etats où les pouvoirs en place n'ont pas mis en place des mécanismes à  même de renforcer l'identité nationale pour éviter  de tels scénarios. Djamel O.• Marie-Joëlle Zahar, professeur au département de science politique de l'Université de Montréal, directrice scientifique du Réseau francophone de recherche sur les opérations de paix et membre du Groupe de recherche sur la sécurité internationale (GERSI Université de Montréal et Université McGill) :1) Le référendum d'aujourd'hui peut à  la fois àªtre perçu comme un problème et comme une opportunité. L'échéance référendaire pourrait àªtre problématique si elle donnait lieu à  des dérapages sécuritaires. Le cas échéant, la probité du processus pourrait àªtre entachée compliquant la suite des choses tant pour la reconnaissance du résultat (qui semble d'ores et déjà évident) que pour les relations entre le gouvernement de Khartoum et la communauté internationale. Toutefois, les développements des dernières semaines et les déclarations notamment du président Bachir nous permettent d'espérer que les problèmes sécuritaires, s'il y en avait, ne seraient que mineurs et localisés. Le référendum peut également àªtre perçu comme une opportunité tant pour le Sud Soudan, qui pourra ainsi concrétiser ses rêves d'indépendance, que pour le Nord qui, déchargé du gros dossier des relations avec le Sud, pourrait alors s'atteler à  mieux gérer et régler les autres conflits qui déchirent le Soudan aujourd'hui. à mon avis, ce tournant historique pourrait donc àªtre l'occasion d'un nouveau départ tant pour le Sud que pour le Nord. Mais ceci dépend en grande partie de la volonté politique des élites au pouvoir. Or, de part et d'autre, il y a actuellement raison de croire que cette volonté n'est pas tout à  fait évidente et que la suite des choses ne sera pas sans problèmes. Toutefois, je pense que les vrais problèmes n'auront pas lieu aujourd'hui mais bien par la suite.2) Pas nécessairement. Il est vrai que plusieurs, dont l'Union africaine, s'inquiètent de la manière dont ce référendum sera interprété par d'autres acteurs africains qui pourraient avoir des velléités d'indépendance. Toutefois, il faut remettre les choses en perspective : dans le cas soudanais, le référendum est l'aboutissement d'un long processus, non seulement d'une guerre civile meurtrière mais d'un accord de paix qui devait rendre l'unité attrayante et qui, pour de multiples raisons, n'y a pas réussi. Ce processus implique des pré conditions qui n'existent pas dans les autres cas de figure potentiels : 1- une guerre d'envergure, 2- un accord de paix stipulant la possibilité d'un référendum et 3- l'échec de cet accord à  maintenir l'unité du pays. Ces pré conditions sont riches en enseignements pour la gestion d'autres mouvements séparatistes les accords de paix doivent àªtre appliqués en bonne volonté pour éviter le désenchantement de certaines parties et le retour à  la violence ou alors la décision de certains de se séparer du corps politique national. Deuxièmement, le référendum d'aujourd'hui doit se dérouler de manière transparente, sécuritaire et crédible pour que son résultat, quel qu'il soit, soit honoré et accepté par l'UA et l'ensemble de la communauté internationale. C'est la raison pour laquelle des efforts diplomatiques intenses ont été déployés les derniers mois en vue de la bonne tenue du scrutin référendaire. Là encore, il y a des leçons à  tirer d'expériences similaires un peu partout dans le monde. Notons simplement que le Kosovo, bien qu'appuyé dans sa lutte contre le régime serbe de l'ex-président Milosevic, a pâti lorsqu'il a décidé d'emprunter la voie de la déclaration unilatérale d'indépendance. à date, certains des mêmes pays qui avaient appuyé sa lutte et ses revendications au sein de l'entité serbe hésitent encore à  le reconnaître et à  lui accorder le droit de devenir un État membre de l'ONU à  cause de la manière dont il est devenu indépendant. Ce n'est donc pas l'indépendance annoncée du Sud qu'il faut évaluer mais les étapes qui ont mené à  cette indépendance afin de mieux comprendre si oui ou non elle est annonciatrice de révisions des frontières de la colonisation. à mon sens, il ne s'agira pas d'un effet domino.D. B.• Roland Marchal, Chargé de recherche au CNRS, Centre d'Etudes et de Recherches Internationales et professeur à  Sciences-Po Paris1/ C'est certainement l'échec d'autres solutions qui n'ont pu fonctionner à  cause de l'aveuglement historique de Khartoum, de son refus de compromis sur la définition de la citoyenneté et de la radicalisation des élites sud-soudanaises. Un nouveau pays naît de cet échec et on peut penser que ses premières années seront très difficiles mais il faut accepter le fait souverain puisque les alternatives n'ont pas pu s'imposer.2/ Non, d'abord parce qu'on a déjà un cas - l'Erythrée en 1991 ou 1993 - et on a pu voir que cela n'avait pas eu cet effet là. La demande de sécession portée par une population et soutenue internationalement correspond à  une configuration très spécifique. De façon générale, la communauté internationale a su se montrer très conservatrice sur les questions de frontières (à l'exception du Kosovo) et, de l'autre, il y a loin entre des revendications régionales et l'affirmation d'un projet sécessionniste (comme le Darfour le montre, pour ne pas citer l'Est congolais). Il faut raison garder.D. B.


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