Algérie

1er Novembre 1954 La jeunesse du monde solidaire avec le combat de l’Algérie



1er Novembre 1954 La jeunesse du monde solidaire avec le combat de l’Algérie
PUBLIÉ 10-11-2022 dans le quotidien Le Soir d’Algérie

Par Kamel Bouchama, auteur
Le combat de notre jeunesse pendant la lutte contre le colonialisme doit être mieux conté à la jeune génération d’aujourd’hui, pour qu’elle sache que ses aînés se sont illustrés par de grandes actions de bravoure et de formidables leçons d’humanisme, appréciées par l’humanité tout entière… Pour cela, et à titre de reconnaissance, nous nous devons de célébrer ces luttes, en toute circonstance, sans oublier pour autant nos amis des organisations étrangères, ceux qui ont porté très haut, de par leur solidarité et leur soutien dans toutes les tribunes du monde, l’engagement de notre jeunesse aux idéaux de paix et de liberté...
Ainsi, même si nous ne devons nous remémorer qu’une partie de ces actions déterminantes – car les évoquer toutes nous prendrait beaucoup d’espace et de temps –, il est de notre devoir de nous acquitter de la dette envers eux pour nous rappeler les positions courageuses de ces jeunesses du monde, tout en célébrant leurs sacrifices volontaires.
Moscou, juillet 1957. Une importante délégation de la jeunesse estudiantine algérienne devait représenter l’Algérie au Festival mondial de la jeunesse et des étudiants à Moscou. Djelloul Baghli, le représentant de l’Ugema, accompagné de Mohamed Khemisti, Redha Bensemane, Larbi Mekhalfa et Abdelhamid Ferdjioui, sont partis décidés pour expliquer aux jeunes du monde le combat légitime du peuple algérien.
Des années plus tard, feu Rédha Bensemane, ancien Professeur ORL qui était le porte-drapeau de la délégation algérienne au Festival de Moscou, de même que Abdelhamid Ferdjioui, qui a été longtemps conseiller à la présidence de la République et membre actif de la FAF, pendant ses belles années, me racontaient le grand succès qu’avait remporté l’Algérie de par les nombreux contacts qui s’ensuivirent et qui furent très bénéfiques dans le cadre du soutien et de la solidarité, jusqu’à pratiquement l’indépendance de notre pays.
Le Caire, février 1958. Il s’est tenu au Caire, du 2 au 8 février, le premier Congrès de la jeunesse d’Asie et d’Afrique dont un seul point était inscrit à son ordre du jour : le problème algérien. Ce premier congrès afro-asiatique qui a mandaté le délégué algérien pour parler au nom de l’Afrique a adopté un certain nombre de résolutions spéciales qui consacraient le combat de l’Algérie. Ainsi, le délégué algérien n’a pas manqué de stigmatiser la férocité du colonialisme et de l’impérialisme et de mettre en valeur la lutte ô combien légitime des mouvements de libération dans le continent africain.
Et en établissant la relation entre le militantisme des jeunes d’Afrique et celui de leurs frères algériens, il disait : «Les jeunes Africains, dans notre continent, connaissent cette relation, ceux de Cotonou et de Dakar, ceux de Léopoldville et de l’Ouganda. Non seulement ils ont refusé de laisser transformer le colonisé d’Afrique noire en tortionnaire et en meurtrier de l’Algérien, mais ils soutiennent activement leurs frères des Aurès, du Djurdjura, des monts des Beni-Chougrane et de la Casbah d’Alger, comme ils le firent à Dakar, le jour où de Gaulle s’y rendit… Le problème fondamental du colonialisme n’est pas de s’amender mais de disparaître car la volonté de l’Afrique n’est pas de se laisser moins dominer, mais de se libérer radicalement et pour toujours…»
Colombo (Ceylan), décembre 1958. Le comité exécutif de la FMJD (Fédération mondiale de la jeunesse démocratique) a examiné avec soin la situation de la jeunesse algérienne dans la Révolution et adopté une motion importante. Il a en plus octroyé des bourses aux étudiants algériens et une aide financière au profit des jeunes réfugiés. De même qu’il a envoyé un télégramme courageux et fougueux à l’ONU, dont voici le texte : «Le comité exécutif de la FMJD réaffirme le droit au peuple algérien à l’indépendance et exige l’ouverture de négociations entre le Gouvernement provisoire algérien, le GPRA, et le gouvernement français.»
Il est à signaler que, dans le domaine politique, la FMJD n’a pas perdu de temps car, à l’instar de tous les pays frères et amis, qui ont salué la formation du Gouvernement provisoire, elle l’a reconnu de facto si l’on se réfère aux termes de son message à l’ONU. Cette organisation mondiale, et d’autres de la même portée, comprenaient qu’une situation politique et diplomatique nouvelle venait de se créer pour l’Algérie.
Cependant, malgré ces nombreuses reconnaissances, tant au niveau du continent africain qu’au niveau de l’Asie et de l’Amérique latine et malgré l’appel renouvelé du GPRA, par la voix de son Président, Ferhat Abbas, le 18 janvier 1958, «le FLN est toujours prêt à négocier dans le cadre de l’indépendance de l’Algérie», le régime colonial manifestait une mauvaise humeur à l’égard du problème algérien. Il redoublait de mépris et de férocité, en commettant toutes sortes d’exactions à l’encontre des populations rurales et citadines, en liquidant des prisonniers après les avoir passés aux pires tortures et en prenant des mesures draconiennes, notamment contre les jeunes intellectuels, tendant à leur subtiliser ce qui leur restait de la liberté d’expression.
À ce propos, l’Ugema fut dissoute le 28 janvier 1958 par les autorités françaises. Cela, évidemment, ne l’a pas empêchée d’activer clandestinement à l’intérieur du pays et ouvertement à l’extérieur, là où les conditions de travail et de militantisme lui ont été offertes. Cette solidarité entre étudiants stimulait et renforçait la cause des jeunes Algériens qui luttaient pour la liberté et la démocratie. Quant aux jeunesses du monde, pour la plupart imbues de sentiments progressistes et d’idéaux avant-gardistes, elles refusaient le diktat colonialiste et dénonçaient énergiquement les actes arbitraires dont étaient victimes les militants algériens.
Londres, les 17 et 18 avril 1958. La Coordination des unions nationales d’étudiants, «Coordinating Secretariat of National Unions of Students» (Cosec) a convoqué une Conférence internationale extraordinaire pour uniquement «étudier la dissolution de l’Ugema» et se dresser contre cet acte arbitraire et antidémocratique.
Cette conférence s’est tenue à Londres, en plein cœur de l’Europe, et a regroupé 28 unions nationales venues d’Europe, d’Amérique du Nord et d’Amérique Latine. A l’issue de cette conférence, deux importantes résolutions ont été adoptées à l’unanimité. Une résolution générale et une autre d’aide pratique. La première résolution est un long réquisitoire contre la barbarie du colonialisme français à l’égard du peuple, de la jeunesse et des étudiants algériens, en somme une dénonciation énergique contre «la violation caractérisée de la liberté d’association et d’expression» et enfin l’affirmation «de la conviction que la fin de l’état de guerre par les méthodes pacifiques, la négociation et l’indépendance de l’Algérie sont les seuls moyens susceptibles de résoudre tous les problèmes qui se posent aux étudiants algériens».(1)
La deuxième résolution appelait les unions nationales d’étudiants à travers le monde à accorder «des bourses aux étudiants algériens, à créer un fonds de secours pour les étudiants réfugiés en Tunisie et au Maroc, et à offrir du matériel de travail universitaire aux étudiants emprisonnés».(2)
Liège (Belgique), le 4 février 1959. Le congrès de la Fédération des étudiants de Belgique a voté une motion fort intéressante qui prônait le combat légitime des Algériens en réaffirmant, après avoir constaté que l’Ugema a été illégalement et arbitrairement dissoute, son soutien inconditionnel aux aspirations des étudiants algériens et à l’indépendance de leur pays. La même motion exprimait la solidarité agissante des étudiants belges à l’Ugema, seule organisation représentative des étudiants algériens.
La solidarité agissante, comme se plaisaient à la qualifier les jeunes, s’amplifiait à travers le monde et le problème algérien devenait la préoccupation de tous les progressistes et de tous les responsables politiques épris de paix et de liberté.
Il faut dire aussi que l’inscription de la question algérienne aux Nations unies, le Congrès afro-asiatique du Caire, et bien avant cela, la Conférence historique de Bandoeng, la Conférence des États africains indépendants à Accra et à Monrovia ont été les stimulants ou, à tout le moins, le point de départ de cette prise en charge, avec conscience, au niveau mondial.
Toujours dans le cadre de la jeunesse, citons encore cette autre réunion de la WAY (Assemblée mondiale de la jeunesse) à New Delhi (Inde), en août 1958.
La WAY (World Assembly of Youth), au cours de sa réunion extraordinaire à New Delhi, a affirmé son «indignation par la situation de la jeunesse algérienne, victime d’une répression féroce, vivant dans un état d’insécurité permanent et privée des libertés les plus élémentaires. Ainsi, la WAY condamne violemment la guerre coloniale menée en Algérie et les atrocités perpétuées dans le pays par les forces coloniales. Elle lance un appel pressant à toutes les organisations nationales et internationales pour qu’elles œuvrent par des moyens appropriés pour la fin de la guerre d’Algérie».(3)
Pendant ce temps, l’entêtement du colonialisme et son acharnement à aller plus dans les atrocités ne permettaient pas d’appréhender autrement la question algérienne. Robert Lacoste, en digne représentant d’une caste d’oppresseurs, déclarait à
Constantine : «La bataille des frontières sera gagnée !» Mais comment, se disaient d’aucuns, parmi les jeunes qui étaient dans l’action ? Eh bien, comprenez qu’il devait utiliser tous les moyens non-conventionnels, et passer à l’attaque le lendemain, en bombardant le paisible village frontalier de Sakiet Sidi Youcef, pendant que les populations assistaient à une distribution de vivres de la Croix-Rouge.(4)
L’ALN répondait par des actions spectaculaires sur le terrain au moment où les politiques – les membres du CCE – prenaient d’autres décisions, au cours d’une réunion extraordinaire au Caire. Ainsi, les actions se multipliaient à travers l’ensemble du territoire national et les événements, tant nationaux qu’internationaux, se bousculaient pour confirmer la justesse de notre cause.
Le général de Gaulle, appelé à la rescousse d’une République chancelante, a pris ses fonctions dans une ambiance de continuité de la vieille politique française, en tournant le dos aux réalités algériennes. «Je vous ai compris !» disait-il aux pieds-noirs d’Algérie. Une déclaration lourde de conséquences, qui enlève aux Algériens tout espoir d’être écoutés ou considérés et, aux colons, qui se sont enracinés dans notre pays, toute la faculté de s’organiser et, probablement, de refuser, plus tard, toute décision et tout projet qui ne recueilleront pas leur assentiment. Rappelons-nous des «ultras de l’OAS» et d’autres groupes fascistes de «l’Algérie française».
Ainsi, le peuple se mobilisait de plus en plus, en s’imprégnant de l’appel du FLN du 1er Novembre 1954 : «La lutte sera longue, mais l’issue est certaine.» Et la jeunesse militait résolument dans la discipline. Des progressistes français, ayant le courage de leurs opinions, disaient de ces jeunes des propos grandement élogieux : «Nous avons découvert une jeunesse algérienne que nous ignorions ou que nous connaissions mal. Des hommes francs et rudes, réservés et souriants, responsables, en qui nous avons vu le visage d’une Algérie nouvelle, d’un peuple jeune et déjà libre.»(5)
Et toujours à travers notre voyage dans d’autres continents pour recenser encore nos amis, voyons ceux que nous avions qualifiés d’ennemis, pendant une certaine période, à cause de leurs positions et attitudes équivoques qui reflétaient la politique de la France coloniale. Il s’agit de l’Unef (Union nationale des étudiants français) qui hésitait à s’engager plus en avant, parce qu’elle vivait une période d’apolitisme béat et réalisait amèrement l’inanité de son comportement à l’égard d’une question que les progressistes du monde entier étudiaient avec beaucoup d’acuité en prenant des décisions la concernant avec courage et franchise. Et ce n’est qu’en 1960 – mieux vaut tard que jamais – que l’Unef a pris une position sérieuse et s’est rangée du côté du droit et de la justice.
Monsieur Danton, président d’honneur, s’est adressé en ces termes au 49e congrès : «Nous constatons tous les jours que l’expansion de l’Université, celle de l’économie qui détermine notre avenir et toutes les questions qui se posent à nous, ne peuvent trouver de solutions tant que dure la guerre d’Algérie. Nous devons avoir la loyauté de le dire… L’Unef, sans plus tarder, doit carrément opter pour la guerre d’Algérie, jeter toutes ses forces dans le combat pour la liberté…»
Le 27 mai 1960, l’Unef et les organisations estudiantines d’Afrique du Nord et des pays d’outre-mer – vivant eux aussi une colonisation abjecte – demandaient dans une motion des «négociations avec le FLN sur les conditions d’un cessez-le-feu où seront précisées les garanties d’application de l’autodétermination».
Lausanne (Suisse), le 6 juin 1960. Ainsi, quelques jours après la précédente réunion, il y a eu une rencontre historique à Lausanne où l’Ugema et l’Unef, après accord sur plusieurs points, ont décidé de publier un communiqué commun qui reconnaissait la légitimité du combat du peuple algérien… Quelle réussite, à l’honneur de la jeunesse algérienne combattante !
Voici un extrait du communiqué :
«Au moment où s’opère la libération du continent africain, la guerre imposée au peuple algérien, parce qu’anachronique, est d’autant plus absurde et cruelle. La signification de cette guerre dépasse largement les frontières de l’Algérie : elle s’inscrit dans le cadre de l’émancipation de l’Afrique et affecte les relations de la France avec tous les peuples africains… Alors que la guerre oppose cruellement deux jeunesses, l’Unef et l’Ugema entendent montrer aussi que le dialogue est possible et qu’il est seul susceptible de mettre fin à la guerre coloniale d’Algérie et d’aboutir à la paix.»(6)
Ainsi, après le 49e congrès de l’Unef, le président élu, Pierre Gaudez, un étudiant en sociologie, de la Sorbonne, «multipliait avec un groupe les démarches auprès des autres organisations syndicales en vue de développer, au coude à coude, la protestation contre la guerre en Algérie».
Pour cette activité non habituelle et considérée en France comme une initiative, plutôt comme une «méthode dangereuse et aventuriste», l’Unef commençait à recevoir des coups de boutoir de la part du gouvernement et des étudiants de droite qui proclamaient «bien haut leur attachement à l’Algérie française».
Paris le 27 octobre 1960, et en réponse au gouvernement et aux «ultras» de cette Algérie dite «française», la direction de l’Unef, soucieuse d’offrir une autre perspective aux étudiants et à l’ensemble des jeunes, entreprit d’organiser un vaste rassemblement de protestation avec le soutien et la participation des autres syndicats.
En effet, «ce 27 octobre, à 18 heures, la grande salle du Quartier latin était pleine comme à ses plus beaux jours. Mieux, dans les rues adjacentes, des milliers de manifestants se pressaient, interdisant toute circulation et, faute d’entendre bien les discours de l’intérieur retransmis par des haut-parleurs, scandaient à qui mieux-mieux les slogans qui portent les foules à l’unisson : «Paix en Algérie !... La paix Charlot, la paix Charlot..., la paix !»(7)
Tunis, le 23 février 1960. C’était au cours de la réunion du Comité exécutif de l’UIE (Union internationale des étudiants) où étaient présents 27 pays, représentant les différents continents, que l’Union des jeunes du monde «a réaffirmé clairement sa volonté de renforcer le soutien moral qu’elle a toujours apporté à la lutte du peuple algérien et de développer la solidarité agissante en faveur des étudiants algériens…, de même qu’elle a décidé que le 1er Novembre sera commémoré à travers le monde, comme journée de solidarité avec les étudiants algériens».
La motion adoptée à l’issue de ces travaux a été d’une grande utilité pour la jeunesse algérienne car cette organisation internationale attirait les sympathies de toutes les jeunesses du monde. De plus, les moyens et l’envergure qu’elle possédait lui permettaient d’entreprendre des campagnes de sensibilisation et d’organiser des meetings de soutien partout où elle le souhaitait.
Bagdad (Irak) 6e congrès de l’UIE, du 8 au 17 octobre 1960. Il s’est tenu pendant 10 jours pendant lesquels plus de 50 unions nationales, venues de tous les continents, «ont appuyé la récente proposition du GPRA qui demandait à l’ONU d’organiser et de contrôler un référendum en Algérie afin de permettre au peuple algérien d’user librement de son droit à l’autodétermination… Ils ont demandé qu’il soit fait appel aux étudiants volontaires de tous les pays du monde et tout spécialement à des techniciens pour aller collaborer avec leurs camarades algériens dans la lutte directe sur le sol national algérien».
Rome, du 4 au 6 février 1961, a abrité le «Comité d’initiative» avec l’aide de la Jeunesse socialiste italienne, initiative qui s’est traduite par l’idée d’organiser un «Comité international de solidarité avec la jeunesse algérienne», le Cisja, composé des jeunesses marocaine, tunisienne et irakienne. Ce comité international a tenu sa conférence à Stockholm durant deux jours et crée son secrétariat permanent. Ainsi, dans la résolution finale adoptée par la conférence où étaient représentées plus de 70 organisations nationales et internationales, «les jeunes ont réaffirmé encore une fois leur volonté de voir des négociations directes et immédiates s’engager entre le GPRA et le gouvernement français sur les garanties d’application de l’autodétermination».
La Havane (Cuba), du 23 mai au 2 juin 1961. Une année après, le même Comité exécutif de l’UIE s’est réuni avec 43 pays et a franchement dénoncé, avec véhémence, «le plan de décolonisation» présenté par le gouvernement français à Évian comme étant d’essence néo-colonialiste, tendant à maintenir la domination française sur les richesses algériennes et particulièrement sur celles du Sahara. Comme il a décidé de lancer une campagne décisive pour amener «le gouvernement français à renoncer à ses exigences néo-colonialistes, à respecter l’intégrité du territoire algérien – y compris le Sahara – ainsi que la représentativité exclusive du GPRA».
Vienne (Autriche), en novembre 1961, le Comité international, le Cisja, doté d’une structure permanente, s’est réuni également dans la capitale autrichienne. Et, tout en se félicitant de la solidarité de la jeunesse du monde entier, s’élevait contre l’aide complice militaire et diplomatique fournie par les membres de l’OTAN à la France et demandait à toutes les organisations de protester contre cette répression.
Le Cisja lançait un appel aux organisations nationales et internationales pour accroître le soutien matériel à la jeunesse algérienne, de plus en plus éprouvée par sept années de guerre meurtrière.
La WAY (Assemblée mondiale de la jeunesse), nous l’avons déjà évoquée, n’était pas en marge de ce bouillonnement de la jeunesse à l’endroit de notre pays. Cette organisation a fourni le maximum pour l’aide et le soutien et ce, depuis 1958. Nous avons déjà parlé de sa prise de position à New-Delhi.
Ainsi, à son initiative, des «Comités de l’Algérie libre» furent créés dans plusieurs pays du monde pour faire connaître le visage de l’Algérie révolutionnaire et apporter leur appui à toutes les actions de la jeunesse algérienne». La WAY a pris en charge une délégation composée de jeunes et de travailleurs pour un périple à travers plusieurs pays d’Europe. L’Allemagne fédérale, l’Autriche, le Danemark, la Finlande, la Suède, la Norvège, l’Islande, la Grande-Bretagne, la Hollande et la Belgique ont été visitées par «la délégation qui a pu constater la profonde réprobation suscitée par la guerre coloniale d’Algérie». De même que la délégation a été agréablement surprise de trouver «dans les milieux journalistique, littéraire et artistique de grands amis qui, par leur action personnelle, contribuaient à contrecarrer la campagne d’intoxication ennemie qui tendait à semer la confusion et à dérouter l’opinion publique».
Le Forum mondial de la jeunesse (World Youth Forum, WYF), quant à lui, réunissant plus de 300 organisations et représentants de 91 pays, a été l’un des rassemblements les plus importants dans l’histoire du mouvement de la jeunesse dans le monde. Les jeunes, venus des quatre coins du globe, et malgré leurs convictions politiques différentes, ont été unanimes pour se solidariser avec le problème algérien et le traiter avec la plus grande sincérité. Ainsi, dans sa résolution spéciale proposée par l’Unef – et c’était le résultat de la prise de conscience de cette organisation des étudiants français – les participants «condamnaient la guerre coloniale menée par la France en Algérie et exprimaient leur réprobation devant les méthodes utilisées par la France au mépris des lois internationales… Ils se félicitaient de la création du Cisja et demandaient aux organisations de jeunesse qui n’étaient pas encore membres de ce Comité d’y adhérer...».
Le Forum mondial s’était même permis d’envoyer un télégramme de protestation au général de Gaulle, lui demandant expressément «la reprise immédiate des négociations avec le GPRA, seul représentant du peuple algérien».
Ainsi, la question algérienne était partout et les jeunes, représentant le FLN, ne lésinaient sur aucun moyen et aucun effort pour représenter dignement leur combat, sensibiliser le monde et propager les échos de leur résistance. Ils allaient même chez les chefs d’État pour plaider la cause de leur pays. C’est dire qu’une rencontre, une conférence ou un débat ou, tout simplement, une motion, avait certainement plus d’effet que le crépitement des armes.
Quand une délégation de la jeunesse algérienne, invitée par la jeunesse chinoise, eut l’honneur d’assister aux cérémonies marquant l’anniversaire de la Conférence de Bandoeng à Pékin et fut reçue par le Président Mao Tse Toung, elle en a profité pour développer un travail colossal pour la juste cause de notre pays, en même temps qu’elle a suscité encore d’autres invitations chez d’autres chefs et dirigeants progressistes à travers le monde. Le soutien des peuples et des gouvernements représentait pour nous, en cette période difficile, une position claire de leur part et une aide conséquente, car ce fut un moyen de pression sur le plan diplomatique pour accélérer le processus de règlement du conflit.
C’est pour cela que les jeunes du FLN, étudiants, scouts et membres des sections universitaires(8) qui portaient en même temps l’uniforme des combattants ou qui l’ont porté, avant de se consacrer à la politique, ont eu à participer grandement à écrire cette page glorieuse et à précipiter la chute de l’empire colonial.
Cette modeste rétrospective historique montre que notre jeunesse combattante a bien mérité les éloges du monde entier. Sa détermination militante lui a valu les lettres de noblesse qui ne siéent qu’aux authentiques combattants pour la liberté et la justice. Ainsi, réussir à faire voter aux organisations nationales et internationales des motions et des résolutions claires, percutantes, avant-gardistes, amener les jeunes du monde à crier leur refus de la politique annexionniste et impérialiste à la face des colonialistes, mettre les étudiants et les intellectuels devant leurs responsabilités afin de se prononcer sur les actes dont personne ne peut se taire, leur demander d’apporter aide et protection aux Algériens opprimés depuis plus d’un siècle est une performance digne des enfants de Novembre qui ont juré ne pas baisser les bras devant le plus abject et le plus sale régime de répression.
K. B. 

1- Extraits de la résolution de la Cosec
2- Ibid
3- Extraits de la Déclaration de la WAY ((World Assembly of Youth)
4- Sakiet Sidi Youcef, février 1958, en représailles, l’armée française pénètre en territoire tunisien pour bombarder les camps de réfugiés algériens. Elle commet une bavure qui fera date dans l’Histoire en touchant une école primaire et des citoyens innocents. Des enfants ont été broyés et l’émotion dans le monde fut considérable.
5- Déclaration faite par les libéraux et démocrates français après le procès des six jeunes Algériens, condamnés, le 04 février 1959, par le Tribunal de Paris.
6 - Extrait du communiqué commun rédigé à Lausanne le 06 juin 1960.
7 - Extraits du Cahier 14 – «Contre la sale guerre» de la guerre d’Algérie - Dossier et témoignages - Laphonic.
8 – SU-FLN (Section universitaire du FLN). Les jeunes de lycées se réunissaient en cellules, après la reprise des cours, lorsque fut annoncée la fin de la grève décidée en 1956 par l’Ugema. Les premières sections de la SU-FLN furent organisées en 1956 par Mohamed Mokrane qui en fut le premier SG, secondé par de jeunes combattants, Mahmoud Mentouri (chahid) et Cherif Derbal. La SU-FLN n’a connu sa véritable implantation sur le terrain qu’à partir de 1961.



Votre commentaire s'affichera sur cette page après validation par l'administrateur.
Ceci n'est en aucun cas un formulaire à l'adresse du sujet évoqué,
mais juste un espace d'opinion et d'échange d'idées dans le respect.
Nom & prénom
email : *
Ville *
Pays : *
Profession :
Message : *
(Les champs * sont obligatores)