Algérie

1962 Une année fondatrice à l'épreuve du «communautarisme européen»


mad.benhacen@yahoo.fr
Pour l'Etat nation algérien, l'année 1962 est objectivement une année fondatrice en ce sens, définitivement validé par l'histoire, de l'accès à l'indépendance nationale et la souveraineté.
Au jour du 3 juillet 1962, outre la reconnaissance formelle de l'indépendance de l'Algérie par le gouvernement de l'ancienne puissance coloniale dont il n'est pas nécessaire de souligner la forte charge symbolique — immédiatement traduite par la désignation de Jean Marcel Jeanneney en qualité d'ambassadeur auprès d'Alger, est-ce aussi celle de l'ensemble de la communauté internationale des Nations unies notamment— qui consacre le plein avènement de l'Etat algérien indépendant dans le concert des nations. Sans revenir au plus près des situations sur le terrain, l'indépendance de l'Algérie, particulièrement par les conditions violentes de son accomplissement, est généralement considérée comme l'un des marqueurs majeurs de ce qui est désigné comme le processus historique de décolonisation. Sans doute 1962 prend-elle date comme moment-clé dans les mutations du système des relations internationales et dans la projection de nouveaux rapports entre jeunes Etats indépendants et anciens empires. D'autres indicateurs peuvent être convoqués qui confirment le basculement dont l'indépendance algérienne aura été le catalyseur ou l'accélérateur et justifieraient d'ailleurs pleinement un examen affiné de l'état du monde à partir de cette date charnière. Ce rappel autorise de relever le décalage français dans la représentation de ce moment décisif de l'histoire,celle de l'empire français en particulier dont 1962 sanctionne la fin irréversible — ramené, au mieux à «la fin de la guerre d'Algérie» mais assigné plus généralement à «l'exode massif des Européens d'Algérie», aux «massacres d'Oran» ou de harkis. Cinquante ans après l'indépendance de l'Algérie, l'étonnement ne peut être que légitime, alors que se multiplient les travaux d'historiens — français notamment — que l'édition relaie d'abondance les témoignages, de faire le constat de l'hégémonie de la vision victimaire d'une minorité d'Européens d'Algérie sur une séquence principalement dramatique pour les musulmans algériens. Il n'est donc que temps de dire et de le dire de l'intérieur même de l'Algérie —qu'il n'existe pas de raison historique ou politique pour continuer de laisser écrire que 1962 fut l'année des massacres et des disparitions d'Européens — politiquement et statistiquement sans impact sur le cours des événements — elle qui fut surtout celle du déchaînement haineux et sans limites du terrorisme de ces mêmes Européens singulièrement à Oran et Alger. L'actualité française, en cette année de commémorations, aura été précisément chargée de violences de groupes dits de «rapatriés» qui de Nîmes à Evian en passant par Nice, Marseille ou Perpignan, ont tenté d'empêcher — souvent avec le soutien public d'élus de l'ancien parti majoritaire de l'UMP — la tenue de rencontres, de colloques consacrés au cinquantenaire de 1962 au prétexte insoutenable de «ne pas blesser la sensibilité des rapatriés». C'est, explicitement, ces positions que traduit l'opuscule signé par le journaliste Robert Ménard(1) qui sous le titre «Vive l'Algérie française » complaisamment présenté comme une provocation d'un esprit libre — fait le procès de l'historien Benjamin Stora coupable d'un traitement inégal des victimes européennes de la guerre d'indépendance algérienne. Sur un registre plus académique, l'historien Jean Jacques Jordi relaie ces mêmes thèses en revenant sur les disparitions d'Européens en 1962, disparitions qui avaient fait l'objet, par ailleurs, de manifestations et de l'érection spectaculaire d'un «mur des disparus». Le fait est que le contrôle de la mémoire collective de la guerre, la censure de l'histoire par le régime algérien sous le verbiage faussement patriotique de circonstance a conféré à un silence, au mieux suspect, qui laisse encore aujourd'hui sans réponse les assertions victimaires des Européens d'Algérie. L'urgence tant académique que finalement politique et pédagogique commande de revenir sur les faits et sur leur inscription sur une histoire de plus long cours, la seule susceptible d'en fixer le sens et la portée.
1- «Européens d'Algérie», des Français à part
L'histoire de la colonisation retient, à la différence d'autres établissements coloniaux, la singularité de l'Algérie communément définie comme «une colonie de peuplement» signalant l'importance du coefficient démographique et humain dans l'entreprise coloniale. La francisation de l'Algérie constitue le socle politique et juridique de l'entreprise coloniale française et dès ses débuts les autorités françaises faisaient le choix de l'accueil de migrants européens et tablaient explicitement sur l'hypothèse d'une extinction des populations indigènes laminées par la guerre d'occupation, les épidémies et les famines. Auteur d'un ouvrage de référence(2), le démographe Kamel Kateb situe à quelque huit cent vingt-cinq mille le nombre de victimes musulmanes (825 000) entre 1830 et 1875 et la régression démographique indigène dont il analyse les enjeux constitue l'un des aspects de la politique coloniale dite de «pénétration» défendue en particulier par Tocqueville. Maltais, Espagnols, Italiens, Suisses, Allemands, formellement étrangers sur une terre considérée comme française, s'étaient vu offrir, par le sénatus consulte de 1865, une première opportunité de francisation certes censitaire et qui n'aura, au bout du compte, concerné que trente-six mille huit cent soixante-neuf personnes (36 869) entre cette date et 1914(3). L'application aux populations européennes d'Algérie de la loi de 1889 sur la nationalité, qui ouvrait droit au principe du droit du sol, répondait à plusieurs objectifs dont la désagrégation des communautés étrangères établies sur le sol français et l'évitement de conflits diplomatiques avec les principaux pays européens fournisseurs de migrants. Cette francisation, qui eut ses idéologues, se traduira, entre autres, par le développement d'un fort sentiment séparatiste au sein d'une communauté européenne revendiquant une «algérianité» qui nourrira courants littéraires et politiques de la fin du XIXe siècle et du début du XXe. Il importe, à ce sujet, de relever la pertinence de l'observation du Guy Pervillé(4) qui notait, concernant la question récurrente de l'assimilation, que la seule réellement notable aura été celle des Européens d'Algérie. Le fait doit être souligné que le cadre juridique et politique de l'Algérie française, notamment au lendemain de l'institution d'une autonomie budgétaire de la colonie et d'un premier système de représentation — les délégations financières — sera au principe de l'acculturation des Européens d'Algérie et de la formation d'un communautarisme européen qui se dotera de ses rites, de ses mythes et de sa puissance d'impact politique. Relevant pour sa part l'échec de la colonisation dont il souligne les forts indicateurs démographiques, l'historien Jean-Pierre Peyroulou note qu'«à partir de 1930, les Européens (d'Algérie, NDA) ressentirent la croissance démographique musulmane comme une menace d'autant plus forte pour l'avenir de l'Algérie que la fécondité européenne demeurait basse»(5). Cette peur de la submersion par le nombre «dont un jour ou l'autre nous subirons la loi», selon Henry Vidal, porte-parole de la communauté européenne(6), aura été l'un des catalyseurs de ce que J-P Peyroulou qualifie de raidissement politique sur la question indigène à la fin des années trente et sous Vichy»(7). Ce raidissement aura été, comme s'accordent à l'écrire les historiens spécialistes de la question algérienne, au principe du blocage des rares tentatives d'évolution du statut politique des musulmans algériens — projet Blum-Violette, statut de 1947 en particulier — et convoquera de manière récurrente la violence.
2- Des milices européennes à l'OAS
Pour autant que les différentes formations politiques françaises étaient régulièrement représentées en Algérie, le constat peut être fait que le communautarisme européen d'Algérie avait été assez nettement sensible aux thèses de l'extrême droite comme peut en attester la violence du climat antisémite illustré par le pogrome d'Oran de 1898(8), les campagnes de Max Régis à Alger dans les années vingt ou encore la publication du journal L'Antijuif à Constantine. L'adhésion au régime de Vichy des élites européennes d'Algérie — marquées notamment par la chasse aux communistes — en sera l'une des expressions appelées à laisser des traces dans leurs rapports au Général de Gaulle. Est-ce cependant les musulmans algériens «les Arabes» y compris sous la plume nobelisée de Camus qui constituent l'objet lancinant des préoccupations du communautarisme européen et la cible de leur violence dès que les événements en offrent l'opportunité. Analysant «l'ordre subversif qui se met en place le 9 mai 1945 à Guelma sous l'autorité du sous-préfet Achiary, Jean-Pierre Peyroulou relève que «la milice traduisit plutôt sur le terrain l'unité politique et la solidarité des Européens face aux Algériens»(9). Le même auteur note aussi «l'usage de la rue et de la violence assez proche contre les juifs en 1898 et contre les musulmans en 1945»(10). Sans revenir aux controverses sur les bilans des massacres des Algériens — il convient de rappeler que le nombre des victimes européennes s'était élevé à cent trois personnes — dans le Constantinois en 1945, il est établi qu'ils sont imputables au moins en partie aux civils européens. Ces mêmes milices européennes seront à l'œuvre dans le Constantinois au lendemain de l'offensive du 20 Août 1955 qui feront entre douze et quatorze mille victimes algériennes, chiffres avancés par le FLN(11) et dont les historiens signalent qu'ils n'ont jamais fait l'objet de démentis. Le nombre de victimes européennes officiellement enregistré en ces jours d'août 1955 était de soixante et onze personnes. L'affaire des attaques d'un quartier de la médina constantinoise le 19 mai 1956, jour de l'Aïd Esseghir, par des milices civiles armées marque, au-delà là encore des controverses sur le nombre des victimes et l'identité des assaillants, la récurrence du recours à la violence par les Européens d'Algérie. Appelant à la levée de troupes et notamment de harkas, le conseiller général de Guelma Lavie, par ailleurs l'un des plus gros entrepreneurs de la région, indiquait au préfet de Constantine, au lendemain de l'offensive d'Août 1955, que «ces hommes — du FLN/ALN, NDA — devaient être impitoyablement traqués et s'ils ne se rendaient pas immédiatement ils seraient abattus. Alors l'insécurité changerait ainsi de camp et le combat d'âme»(12). Dans une quête documentée de l'entreprise de l'OAS, Olivier Dard rappelle la relative précocité des «groupes d'autodéfense» — au tout début de l'insurrection algérienne — dont il détaille les compositions et s'arrête sur l'institution des unités territoriales, sous la direction de l'industriel Ronda qui devaient encadrer l'engagement des Européens d'Algérie dans la guerre . «Pour moi, l'objectif restait la mobilisation de la population, de la population en armes. Il fallait établir une passerelle entre les civils armés, les ex-unités territoriales pour simplifier, et le reste de la population livrée à elle-même. Il y avait tout à faire car même les civils armés ne disposaient pas de l'armement adéquat», témoigne Jean-Jacques Susini(13). L'observation s'accorde sur deux aspects de cet engament, celui de l'influence marquée des thèses et des hommes issus de l'extrême droite d'une part et l'adhésion du peuple dit «petit blanc» à ces thèses et ces hommes. Dans un contexte de décantation des rapports de force politiques autour de la question de l'indépendance algérienne, l'entreprise de l'OAS s'inscrit-elle ainsi comme dans une solution de continuité de la mobilisation du communautarisme européen dont elle élargit, par son alliance avec des éléments de l'armée française, les capacités d'action meurtrières. C'est à la lumière de cet ensemble de rappels qu'il convient de revenir à l'examen de la question des victimes au fondement de la culture victimaire largement diffusée dans l'espace public français.
3- La question des victimes
En réponse à la question du nombre de victimes provoqué par la guerre entre 1954 et 1962, l'historien Benjamin Stora, après avoir relevé la difficulté d'établir de manière rigoureuse le chiffre des victimes d'un conflit violent, cite les estimations qu'il considère comme les plus sérieuses. «La guerre aurait fait près de cinq cents mille morts, en grande majorité des Algériens musulmans (près de quatre cents mille). Le total des pertes françaises militaires se situe autour de trente mille hommes. On compte environ quatre mille morts dans la population européenne d'Algérie».(14). Citant les chiffres figurant au bilan établi par l'armée française à la date du 24 février 1962, Kamel Kateb situe ainsi le nombre de morts européens à deux mille trois cent quarante- six (2 346)(15) et apporte les précisions sur la question controversée des disparitions. «Le nombre d'Européens disparus après le cessez-le-feu s'élève, selon le gouvernement français, à 3 018 dont 745 ont été retrouvés. Sur les 2 773 restants, 1 165 sont décédés, 165 faisaient l'objet d'enquête et il y a eu 973 interruptions de recherche par manque d'informations. »(16) L'ordre de grandeur que situent les sources françaises ne devrait pas appeler de commentaire sinon le constat qu'aux yeux des porte-parole du communautarisme européen il ne saurait y avoir d'égalité, y compris devant la mort, pour des «Arabes». L'Algérie, enserrée depuis l'indépendance dans l'énoncé mythique du «million et demi» n'a, selon toutes apparences, établi aucun bilan documenté des victimes algériennes quand bien même la question des droits, des pensions, des victimes de la guerre et de leurs ayants droit soit devenue récurrente dans les débats de la classe dirigeante algérienne. De toutes les victimes algériennes de la guerre d'indépendance, mention particulière doit être faite de celles du terrorisme européen dont l'OAS allait être, entre février 1961 et juin 1962, l'expression la plus violente. Il suffirait, à ce propos, de revenir aux bilans établis en temps réel par les autorités françaises, pour fixer l'ordre de grandeur de victimes musulmanes — généralement civils sans armes — des groupes de l'OAS et Oran aura été, de notoriété publique, le théâtre le plus meurtrier, après Alger, du terrorisme européen.
4- L'abandon de l'Algérie et les vérités d'un exode
Cette violence s'est aussi, politiquement au moins, appliquée aux Européens d'Algérie, obligés, sous peine de sanctions, de rester en Algérie au moment où leur présence et leur soutien étaient encore considérés comme décisifs par l'organisation. La chute, au printemps 1962, des principaux chefs de l'OAS — Salan, Jouhaud, Degueldre — ajoutée aux conflits violents de pouvoir et aux effets de la politique de la terre brûlée, contribuait au délitement de l'organisation secrète et incitait au départ d'un nombre de plus en plus important d'Européens. Les images sans doute pathétiques de familles en attente d'un avion ou d'un bateau, qui continuent de tourner en boucle à chaque évocation de l'Algérie et de sa guerre d'indépendance, imposent une représentation assurément partiale et partielle des événements aujourd'hui communément présentés comme «un exode imposé». Cette séquence, pour les lectures qu'elle continue d'alimenter du départ des Européens d'Algérie, appelle l'examen et notamment d'utiles rappels. Le plus important d'entre eux tient aux engagements pris, dans le cadre des accords d'Evian, par le GPRA et le gouvernement français d'assurer la sécurité des biens et des personnes de la communauté européenne en sus des droits politiques et civiques reconnus par une binationalité de fait ouvrant droit au libre choix de la nationalité au terme de trois années. Les négociateurs algériens avaient aussi consenti au principe de l'amnistie des actes liés à la guerre et cela couvrait clairement ceux commis par l'OAS entre autres. Le choix du départ obéissait-il à d'autres considérations et sans doute pour une part importante de ceux qui partaient celles de l'engagement dans les rangs de l'OAS avaient été déterminantes. Ceux-là — et ils étaient nombreux — gagnaient le territoire français moins en victimes qu'en vaincus d'une guerre qu'ils avaient choisi de livrer aux Algériens d'abord, aux forces armées françaises ensuite. Les conditions du départ, conférant de fait à l'abandon volontaire de la terre algérienne, frappent d'inanité la thèse, longtemps ressassée par l'OAS dans son combat contre la politique algérienne du général de Gaulle, de stigmatisation de l'abandon. Mais qui avait abandonné l'Algérie ' Le général de Gaulle qui travaillait à redéfinir la place de la France dans le monde en la sortant de ce qui était nommé «le bourbier algérien » ou les Européens qui avaient reçu toutes les garanties pour continuer à y vivre et y travailler ' Sur un autre registre, la thèse de l'exode imposé laisse entendre que le FLN, par sa violence, aurait accéléré le processus du départ et il n'est même pas étonnant que les tenants de ce discours rappellent, sans souci de contradiction, que le FLN était «militairement battu». Pour ceux qui s'en tiennent aux faits, la position du FLN avait été exprimée par le GPRA et par son président Benyoussef Benkhedda : «Pour nos militants civils ou en armes, la consigne est d'observer le calme le plus absolu.»(17) La convocation, en France, par les dizaines d'associations et d'amicales d'Européens d'Algérie de la mémoire du «pays perdu» continue de se faire au prix de la scotomisation des faits, du déni de leurs responsabilités dans la guerre et il s'en trouve encore, un demi-siècle après l'indépendance, — comme ce fut le cas fin mars, à Marseille lors de la manifestation co-organisée par la revue Marianne et le quotidien algérien El Khabar— pour crier «FLN assassin ».
5- Le lobbying «rapatriés»
Le terme «rapatriés» a été, ces dernières années notamment, quasiment érigé en générique désignant Européens d'Algérie installés en France, voire pour certaines associations les anciens harkis. C'est généralement à cette enseigne que se signalent les manifestations en liaison avec l'Algérie. Sans entrer dans le détail des organisations en charge, à titres et objets divers de ces populations(18), l'appellation de «rapatriés » a pu acquérir une visibilité dans l'espace public français et paraît fédérer différentes manifestations commémoratives. Du strict point de vue de l'histoire, est-ce dans l'urgence que les pouvoirs publics français avaient été contraints d'organiser l'accueil inopiné d'un flux imprévisible par sa taille et ses rythmes d'Européens d'Algérie et mis en place, en conséquence, les instruments politiques et administratifs de ce qui avait été alors désigné comme «rapatriement ». Ces opérations n'ont pas concerné les Européens d'Algérie ayant fait le choix du départ avant la fin de la guerre y compris en 1962 et plus particulièrement ceux qui avaient fait celui de rester en Algérie(19). Ainsi donc, cette notion apparaît bien connotée politiquement et ne couvre pas l'ensemble des flux générés par sept années et demie de guerre. L'autre aspect de la question tient au fait que les Européens d'Algérie, qui n'avaient eu de cesse de se distinguer des «pathos» de métropole, gagnaient, pour la plupart d'entre eux, un pays dans lequel ils n'avaient guère de racines. La France était certes leur Etat d'appartenance mais si peu leur patrie de référence et la stratégie de reconduction, particulièrement dans le sud du pays, d'îlots «Algérie française » signale bien les difficultés d'une francisation in situ(20). Le soutien des partis politiques de droite et d'extrême droit au lobbying «rapatriés», les relais médiatiques dont il dispose — on peut s'étonner, à titre d'exemple, qu'un cinéaste documenté comme Alexandre Arcady puisse évoquer «l'exode d'un million et demi de personnes » sans être repris par l'animateur de l'émission «La bibliothèque Médicis» El Kabbach pourtant réputé averti sur la question algérienne — marquent bien à quel point l'examen de conscience, sur la question coloniale et ses conséquences, demeure rédhibitoire aux élites politiques françaises. Mais il convient bien de marquer sans ambiguïté que les silences, les occultations, les manipulations et les mensonges de ce côté-ci de la Méditerranée ont largement donné du grain à moudre aux thèses du communautarisme européen et laissé entacher, sans réponse, la charge fondatrice de l'année 1962 pour le destin national algérien.
A. M.
NOTES
1- Menard (Robert) et Rolando (Thierry) : Vive l'Algérie française. Broché. 2012.
2- Kateb (Kamel) : Européens, «Indigènes» et Juifs d'Algérie.1830-1962 Editions El Maarifa Alger 2010.
3- Kateb (Kamel) Op cité.
4- Pervillé (Guy) Intervention au colloque du Sénat français 30 juin 2012.
5- Peyroulou (Jean-Pierre) Guelma 1945 (Une subversion française dans l'Algérie colonial
e) Editions La Découverte Paris 2009.
5- Peyroulou (Jean-Pierre) Op cité.
6- Ibidem.
7- Chemouili (Henri) Histoire d'une diaspora méconnue : Les juifs d'Algérie. Editions à compte d'auteur Paris 1976.
8- Peyroulou (Jean-Pierre) Op cité.
9- Ibidem.
10- Rapport de la Wilaya II historique Alger 1984.
11- Peyroulou (Jean-Pierre) Op cité.
12- Legendre (Bertrand) : Confessions du n°2 de l'OAS Editions Les Arcanes Paris 2012.
13- Stora (Benjamin) La guerre d'Algérie racontée à tous Editions du Seuil Paris 2012.
14- Kateb (Kamel) Op cité.
15- Ibidem.
16- Ibidem.
17- Farès (Abderrahmane) La cruelle vérité Casbah Editions Alger 2000.
18- Calmein (Maurice) : Les associations pieds-noirs. 1962 (1994 SOS Outre-mer 1994).
19- Daum (Pierre) Ni valise ni cercueil Editions Acte Sud 2012.
20- Stora (Benjamin) Un transfert de mémoire Casbah Editions Alger.
ANNEXES
Extraits des accords d'Evian
Des droits et libertés des personnes et de leurs garanties*
1) Dispositions communes Nul ne pourra faire l'objet de mesures de police ou de justice, de sanctions disciplinaires ou d'une discrimination quelconque en raison :
- Ddopinions émises à l'occasion des événements survenus en Algérie avant le jour du scrutin d'autodétermination ;
- d'actes commis à l'occasion des mêmes événements avant le jour de la proclamation du cessez-le-feu. Aucun Algérien ne pourra être contraint de quitter le territoire algérien ni empêché d'en sortir.
2) Dispositions concernant les citoyens français de statut civil de droit commun.
a) Dans le cadre de la législation algérienne sur la nationalité, la situation légale des citoyens français de statut civil de droit commun est réglée selon les principes suivants : Pour une période de trois années à dater du jour de l'autodétermination, les citoyens français de statut civil de droit commun :
- nés en Algérie et justifiant de dix années de résidence habituelle et régulière sur le territoire algérien au jour de l'autodétermination ;
- ou justifiant de dix années de résidence habituelle et régulière sur le territoire algérien au jour de l'autodétermination et dont le père ou la mère né en Algérie remplit, ou aurait pu remplir, les conditions pour exercer les droits civiques ;
- ou justifiant de vingt années de résidence habituelle et régulière sur le territoire algérien au jour de l'autodétermination, bénéficieront, de plein droit, des droits civiques algériens et seront considérés, de ce fait, comme des nationaux français exerçant les droits civiques algériens. Les nationaux français exerçant les droits civiques algériens ne peuvent exercer simultanément les droits civiques français. Au terme du délai de trois années susvisé, ils acquièrent la nationalité algérienne par une demande d'inscription ou de confirmation de leur inscription sur les listes électorales ; à défaut de cette demande, ils sont admis au bénéfice de la convention d'établissement.
b) Afin d'assurer, pendant un délai de trois années, aux nationaux français exerçant les droits civiques algériens et à l'issue de ce délai, de façon permanente, aux Algériens de statut civil français, la protection de leur personne et de leurs biens et leur participation régulière à la vie de l'Algérie, les mesures suivantes sont prévues : Ils auront une juste et authentique participation aux affaires publiques. Dans les assemblées, leur représentation devra correspondre à leur importance effective. Dans les diverses branches de la formation publique, ils seront assurés d'une équitable participation. Leur participation à la vie municipale à Alger et à Oran fera l'objet de dispositions particulières. Leurs droits de propriété seront respectés. Aucune mesure de dépossession ne sera prise à leur encontre sans l'octroi d'une indemnité équitable préalablement fixée. Ils recevront les garanties appropriées à leurs particularismes culturels, linguistiques et religieux. Ils conserveront leur statut personnel qui sera respecté et appliqué par des juridictions algériennes comprenant des magistrats de même statut. Ils utiliseront la langue française au sein des assemblées et dans leurs rapports avec les pouvoirs publics. Une association de sauvegarde contribuera à la protection des droits qui leur sont garantis.
* Source : les accords d'Evian.
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