Algérie

18 ANS APR'S SON ASSASSINAT



?Sur le chemin de ma vie, j?ai crois? Alloula alors qu?il ?tait d?j? c?l?bre. Il ?tait grand et solide comme un c?dre, c??tait un g?ant au c?ur fragile, tendre, ? la larme palpitante au coin de l??il, les poches vides mais la main toujours tendue pleine d?amour et de sollicitude ; ses mains ?taient larges et fortes mais il pouvait nouer un cheveu avec l?autre.La vie avec lui ?tait des ambiances pleines d?affectivit?, d??motions, de surprises, d?amour. Tout ?tait possible puisqu?il m?a fait vivre l?utopie d?un monde meilleur o? l?homme serait sup?rieur ? l?animal d?barrass? ? jamais de sa bestialit?, de sa violence, de sa haine envers les autres, envers la vie, envers l?humain?, dira Mme Raja Alloula. Rien ? ajouter apr?s une telle d?claration d?amour, de fid?lit? et d?admiration de celle qui a partag? la vie du d?funt Abdelkader Alloula.
A l?occasion d?un hommage ? la m?moire du com?dien et dramaturge Abdelkader Alloula victime d?un attentat le 10 mars 1994 et mort quatre jours plus tard, que le club Cogitation Enset a organis? jeudi 8 mars pour c?l?brer une double symbolique : la Journ?e internationale de la femme et un devoir de m?moire. Dixhuit ans apr?s la mort d?Alloula, Mme Raja Alloula a partag? avec une immense sympathie et simplicit? ses souvenirs avec celui que l?on surnommait ?le Lion d?Oran? (il l?est toujours). ?C?est l??tre social que Alloula nous invite ? visiter et non l?individu isol? dans son univers int?rieur. Alloula nous interpelle sur tout ce qui concerne notre vie en soci?t?, nos conditions d?existence, les rapports sociaux qui r?gissent nos relations, et il a port? une attention particuli?re au statut social de la femme et au rapport le plus ?l?mentaire qui la lie ? son alter ego : l?amour. L?amour, non pas en tant que manifestation d?un ?tat psychologique ou physique, mais l?amour en tant que support d?id?es, d?objectifs, de combat pour un mieux-?tre, l?amour en tant que facteur d?espoir et de transformation du r?el.?
La femme dans le th??tre d?Alloula
?Au large, ignorants? Le combat est pour le savoir et non contre la femme.? C?est avec cette phrase emprunt?e ? son mari extraite de sa pi?ce El Ajouad, que Mme Raja parle de la femme dans le th??tre d?Alloula. C?est dans El Ajouad( les G?n?reux) que Djelloul El F?ha?mi, par cette phrase, r?v?le le sens de cette d?marche significative du ?viol l?galis? dont est victime la femme lors de ses noces. Le public pr?sent manifestait ? chaque repr?sentation son accord avec le propos de Djelloul en applaudissant. Citant d?autres pi?ces o? la femme est pr?sente, Mme Raja ?voque Lagoual ( les Dires), quand le personnage de Ghachem, mis en retraite anticip?e pour maladie professionnelle, raconte ? son fils Messaoud toute sa vie de labeur, de peine, de souffrance, de lutte pour sa dignit? au travail, par le travail et dans le travail, il parle ? son fils d?abord et avant tout de Badra, sa m?re : ?(?) Je laisse Badra? Mais Badra ne tardera pas apr?s moi? Elle est fatigu?e et mon calvaire l?ach?vera? Messaoud, je te confie Badra, ta m?re ! Quand elle mourra, ouvrez ma tombe et enterrez-la avec moi ; ramassez mes os et mettez-les ? ses pieds. Ah mon fils ! Badra ta m?re est un oc?an de patience, de tendresse, de g?n?rosit?. Elle m?a ?norm?ment aid?. Elle a tant souffert, tant connu la faim (?) mais sans jamais une plainte (...)? Mme Raja explique ? l?assistance, compos?e en grande majorit? de jeunes filles universitaires, qu?Alloula n?a pas ?crit de pi?ces th??trales sur la femme, sa condition, la n?cessit? de son ?mancipation, sa lib?ration? Il a, ditelle, ?distill? dans son ?uvre, comme d?ailleurs dans sa vie, une mani?re d??tre, une fa?on d?entrer en relation avec la femme en tant que compagne des bons et des mauvais jours. Dans la culture populaire alg?rienne, l?adage de ?l?outre qui ne suinte, ni ne s??panche?, symbolise la femme capable de soutenir son mari, de garder le secret, d?ouvrir des voies de sortie de crise, d??tre pr?sente dans les moments difficiles. Et elle est pr?sente dans l??uvre d?Alloula, une ?uvre g?n?reuse qui est un cri d?amour ? l?humain?. La femme ?tait ?galement pr?sente dans El Lithem avec le personnage de Cherifa, ou encore dans Homk Salim, une adaptation libre du Journal d?un fou de Gogol, o? Salim, cet employ? minable, tombe passionn?ment amoureux de la fille de son directeur. Egalement A?cha dans El Khobza( le Pain). ?Etre une femme? n?implique pas dans le th??tre d?Alloula un ?tat sp?cifique, une n?gation du combat social, politique et id?ologique auquel elle participe, oriente et guide en ?tant la combattante, la compagne, la camarade, dira Mme Alloula. Et d?ajouter : ?La conception de la femme chez Alloula surmonte les formes ali?nantes de domination et d?assujettissement, de possession et de subordination. Le rapport amoureux se transforme en une relation de solidarit?, de soutien, de communication, de transformation du r?el v?cu.?
Alloula avait deux grandes passions : Bida, sa m?re, et le th??tre
Lorsque Mme Raja parle de celle qui a mis au monde le grand dramaturge, ses yeux brillent et ses mots sont attendrissants et pleins d?amour. ?Bida, du diminutif mignon de Zoubida, la mama g?n?reuse, hospitali?re, toujours l? pr?sente avec son amour pour lui et pour tout ce qui le touche. A la fin des ann?es 50, alors qu?il ?tait jeune amateur et que pour jouer, il fallait avoir de l?argent pour louer une salle de spectacles, la troupe n?en avait pas. Mise au courant de la situation, Bida trouve une solution : elle met ses bijoux au mont de pi?t? et donne la somme n?cessaire ? son fils pour la location de la salle. Tout ?tait possible avec lui et pour lui. Notre couple gravitait autour de Bida. Bida est d?c?d?e le 29 avril 2008. C??tait une grande dame. Que Dieu ait son ?me et l?accueille en Son Vaste Paradis.?
Comment vivait Alloula en dehors du th??tre '
Mme Raja reconna?t qu?? ce jour, il lui est difficile de faire un bilan d?taill? de la vie d?Alloula. ?Tout ce que je peux dire, c?est qu?il avait une imagination et l?intelligence d?impliquer directement ou indirectement chacune des personnes qui lui ?tait proche dans tout ce qu?il faisait : prendre un avis, partager les d?cisions qu?il prenait pour une cause ou une autre. Mais il gardait ferm? son jardin secret.?
La marche de ses fun?railles a ?t? faite par des femmes
Il y a des jours et des instants de la vie qu?un ?tre ne peut oublier, c?est le cas de Mme Raja lorsqu?elle ?voque le jour des fun?railles de son mari. ?La marche de ses fun?railles a ?t? faite par des femmes et non pas par des intellectuelles ou des personnalit?s, des femmes qui ont quitt? leurs fourneaux pour l?accompagner tout au long du cort?ge fun?raire. Des femmes sont venues le pleurer et raconter leur relation avec lui.? Poursuivant son partage de souvenirs avec feu Alloula, Mme Raja raconte ? son jeune auditoire de l?Enset l?un des moments personnels de sa vie commune avec Alloula, un souvenir touchant et ?mouvant. ?Il m?avait demand? de ne pas sortir, apr?s la rupture du je?ne, en ce mois sanglant de Ramadan 1994, alors que lui se rendait tous les soirs au th??tre, au Palais de la culture, au Conservatoire, faisait le tour d?Oran comme pour narguer ses assassins parce qu?il savait qu?ils ?taient tapis dans l?ombre ? le guetter. Il nous faisait croire qu?il prenait des pr?cautions et avait m?me rang? soigneusement l?a?rosol de ?self d?fense? qu?un ami lui avait remis, jugeant ainsi qu?il n?en avait pas besoin.?
Abdelkader Alloula, un mythe '
Non. Telle est la r?ponse de Mme Raja. ?C?est un homme de culture et un humaniste dont le combat pour pr?server les valeurs morales de l?humain constitue une r?alit? historique dans l?Alg?rie d?aujourd?hui. C?est surtout un ?tre social totalement impliqu?, observateur attentif de la moindre pulsion de la vie des ?humbles?, des ?petites gens?, des ?anonymes? avec lesquels il vivait, qu?il c?toyait, qu?il aidait. Il a vers? dans son ?uvre toutes les pr?occupations qu?il portait au quotidien ? sa soci?t?.?
Mme Raja, fid?le ? son homme, elle lui laisse la parole pour clore ces moments de souvenirs imp?rissables.
?(?) En fait, j??cris et je travaille pour ceux qui travaillent et qui cr?ent manuellement et intellectuellement dans ce pays ; pour ceux qui, souvent de fa?on anonyme, construisent, ?difient, inventent dans la perspective d?une soci?t? libre (?) Mes h?ros sont des gens de tous les jours, des gens du commun, ceux qui, en fait, font et d?font la vie de tous les jours (?)?
(Alloula in interview avec M?hamed Djellid). Amel Bentolba


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