Algérie

160 cancéreux renvoyés sans soins


160 cancéreux renvoyés sans soins
Les manipulateurs du service de radiothérapie du Centre Pierre et Marie Curie, une référence nationale en matière d'établissements anticancer, ont décidé d'observer hier une journée de protestation. Ils dénoncent les mauvaises conditions de prise en charge, le favoritisme, la rupture fréquente des stocks de médicaments. 160 patients originaires de différentes régions du pays ont vu leur rendez-vous différé.Le Centre Pierre et Marie Curie (CPMC), établissement de référence de lutte contre le cancer, ne cesse de faire parler de lui. Si les ruptures de stocks de médicaments sont devenues le quotidien des centaines de patients atteints de cancer, d'autres soins spécifiques deviennent de plus en plus rares. La radiothérapie, point épineux dans la lutte contre le cancer en Algérie, ne semble pas connaître son épilogue.Les rendez-vous de 160 patients venus hier de M'sila, Tizi Ouzou, Mostaganem et autres régions du pays faire leur séance de radiothérapie après avoir décroché difficilement un rendez-vous, ont été simplement renvoyés à une date ultérieure. Motif : les manipulateurs ont décidé d'éteindre les machines et d'observer une journée de protestation et de dénonciation. Ils se sont élevés contre ce qu'ils appellent l'«abus de pouvoir du chef de service par intérim, la professeure Oukrif, qui a refusé de nous recevoir et d'écouter nos doléances. Elle nous donne rendez-vous pour vendredi prochain, jour où la majorité ne travaille pas, sachant que nous sommes constitués de différentes équipes», nous confie l'un d'entre eux, qui n'a pas pu contenir sa colère. Les manipulateurs estiment qu'il n'est plus possible de continuer à travailler dans ces conditions.A une surcharge de travail insurmontable s'ajoutent l'humiliation et le mépris. «Outre les problèmes liés directement à notre activité, nous faisons face à une pratique des deux poids, deux mesures. Tous les jours, de nouveaux dossiers de patients recommandés sont introduits à la dernière minute. Ce qui rend les listes de plus en plus surchargées. La décision d'arrêter de travailler aujourd'hui est intervenue suite au refus de la chef de service de nous recevoir ; c'est la goutte qui a fait déborder le vase», signale notre interlocuteur. Pour un autre manipulateur, le service est au bord de l'explosion : «Le service vit d'énormes problèmes d'ordre matériel et organisationnel. Avec deux accélérateurs, on nous demande de faire passer plus de 200 malades par jour et ils continuent à donner des rendez-vous à de nouveaux malades dans une année. C'est une honte. D'ailleurs, à la consultation d'aujourd'hui, concernant une liste de patients pour qui des rendez-vous ont été donnés il y a 8 mois à une année, seuls cinq patients se sont présentés. Que sont devenus les autres ' Certains ont dû aller voir ailleurs, chez le privé ou à l'étranger, d'autres sont sûrement décédés. Voilà la réalité de la radiothérapie en Algérie?» Pourtant, des centres privés sont aujourd'hui fonctionnels et peuvent certainement soulager les centres hospitaliers où des listes d'attente dépassent les 500 inscrits. La CNAS est aujourd'hui plus que jamais interpellée. Malgré les tentatives de négociation entamées, dès la matinée, par le directeur du centre, les manipulateurs ont maintenu leur mouvement et comptent le renouveler aujourd'hui. L'annonce de l'annulation des cures pour tous les malades a semé la peur et l'incertitude dans les salles où attendaient des patients depuis les premières heures du matin.«J'ai dû prendre un taxi pour arriver à 7h. Je vais repartir sans avoir fait ma cure. C'est injuste. La grève risque de durer, ce qui perturbera sérieusement tout le planning des rendez-vous. Comment allons-nous faire '», s'inquiète une patiente atteinte d'un cancer du sein, qui n'a pas manqué d'ailleurs de souligner que «ce sont toujours les pauvres malheureux qui payent, eux, ils se soignent au Val-de-Grâce».La nouvelle a vite fait le tour du CPMC et de nombreux patients et leurs parents se sont inquiétés. «Espérons que la grève n'atteindra pas les autres services», lance une dame dans le hall de l'hôpital de jour en oncologie. Un service qui connaît aussi son lot de problèmes, notamment les ruptures cycliques de médicaments et le manque flagrant d'espaces adéquats pour recevoir les patients. Si certaines chimiothérapies sont aujourd'hui disponibles en quantité, d'autres produits sont encore rares à l'exemple de l'Erlotinib, une chimiothérapie orale, actuellement en rupture de stock pour des raisons réglementaires. Ce médicament, avons-nous appris, fait partie des produits non enregistrés en Algérie et qui bénéficient d'une autorisation d'importation et de commercialisation au profit des hôpitaux par arrêté du ministère de la Santé. Cette autorisation est donc délivrée à la PCH. Un renouvellement qui tarde à venir pour permettre à la PCH de lancer les procédures d'importation. La vie de nombreux patients dépend donc de cette autorisation et de beaucoup d'autres choses. La rupture et l'attente risquent donc d'être longues pour ces patients vulnérables. Par ailleurs, toutes nos tentatives de joindre la chef de service concernée ont été vaines.


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