Algérie

150 journalistes algériens et étrangers à tiguentourine Sur les lieux de la prise d'otages d'In Amenas


150 journalistes algériens et étrangers à tiguentourine Sur les lieux de la prise d'otages d'In Amenas
Une visite guidée, ce n'est pas tout à fait indiqué pour faire la lumière sur ce qui s'est réellement passé durant les terribles journées de la sanglante prise d'otages qui avait débuté le 16 janvier dernier. Mais mieux vaut tard que jamais, dit-on.
Deux semaines après le drame d'In Amenas, le gouvernement algérien a fini par accéder à la demande insistante de la presse étrangère, notamment celle des pays qui comptent le plus grand nombre d'otages tués. Histoire de rattraper ses retards en matière de communication, il décide, 15 jours après l'attaque terroriste de Tiguentourine, d'emmener 150 journalistes, algériens et étrangers, pour une visite sur le site. Le ministre de la Communication est venu en personne saluer les journalistes avant leur départ. Les cadres de son département se sont chargés d'assister les journalistes dans leur travail. Mais c'est la compagnie Sonatrach qui a organisé la visite guidée sur les lieux du drame.
Quelque 150 journalistes ont donc fait le déplacement jeudi matin à Tiguentourine. Une quarantaine de journalistes japonais, qui se trouvent depuis plusieurs jours en Algérie, des Norvégiens, des Anglais, des Américains, sans compter la presse étrangère accréditée en Algérie et quelques envoyés spéciaux de grandes chaînes de télévisons arabes et occidentales.
Une visite guidée, ce n'est pas tout à fait indiqué pour faire la lumière sur ce qui s'est réellement passé durant les terribles journées de la sanglante prise d'otages qui avait débuté le 16 janvier dernier. Mais mieux vaut tard que jamais, dit-on.
Des scènes qui parlent
La route qui mène de l'aéroport d'In Amenas à Tiguentourine est longue de 70 kilomètres. Les bus, fortement escortés, mettront plus d'une heure pour arriver au lieu du drame. Le site se trouve dans un lieu isolé, loin de la ville d'In Amenas. Dans le désert, on l'aperçoit de loin. 'Imaginez un peu : la nuit, avec ses lumières, l'usine est visible à des dizaines de kilomètres", nous fait remarquer un habitué des lieux. L'usine est située à quatre kilomètres de la base de vie.
On commence la visite par cette dernière. Un imposant dispositif sécuritaire est déployé aux alentours. Des barrages mixtes, gendarmes-militaires, sont dressés le long de la route qui y mène. À l'entrée de la base de vie, les militaires, arme au poing, et bien en vue, tiennent la garde.
Le wali d'Illizi, Mohamed-Laïd Khelifi, lui-même victime d'un enlèvement à Debdeb l'an dernier, n'hésite pas à affirmer que 'cela ne se reproduira plus. Les mesures de sécurité prises au lendemain de cette attaque sont à même de sécuriser la zone".
Le président de l'APW, Bilal Mansouri, avoue : 'Nous ne nous attendions pas à une telle attaque. Les mesures de sécurité étaient déjà renforcées. Et même durant les années noires, la région n'avait pas connu d'actes terroristes. Mais cela ne va pas nous décourager ou nous faire peur."
À l'intérieur, les traces de l'attaque terroriste sont encore visibles : des impacts de balle sur les murs, notamment celui de la cafétéria où étaient entassés les otages algériens. L'ambiance reste lourde, même si les employés de la base de vie tentent d'afficher un sourire et une volonté à se remettre au travail. Pour Mustapha, 'la vie reprend dans la base de vie. Pour le moment, il n'y a que des Algériens. Mais nous sommes en contact permanent avec les responsables étrangers. Hier soir, j'étais en contact avec le responsable de Statoil pour régler certaines questions techniques".
Son collègue, Farid, qui avait été pris en otage, vient de reprendre du service. 'On m'a appelé, je suis revenu sans hésitation. On doit continuer à travailler et à aller de l'avant", dit-il. Des équipes techniques continuent d'inspecter les lieux, afin de s'assurer qu'aucun risque ne subsiste.
Dehors, sur les deux placettes où les otages occidentaux étaient regroupés avec des ceintures d'explosifs au cou, le directeur général de l'association Sonatrach-Statoil-British Petroleum, Lotfi Benadouda, nous raconte l'horreur vécue ce jour-là. 'Douze terroristes se sont introduits dans la base de vie. Leur premier objectif était le bâtiment des VIP. Moi-même, le patron de BP et celui de Statoil, ainsi que des invités de haut rang, étions ensemble à ce moment-là. Leur objectif était de capturer le maximum d'étrangers. Ce n'est que deux heures après qu'ils m'ont identifié. Ils m'ont chargé de transmettre leurs revendications aux autorités algériennes. Durant la nuit de mercredi, ils ont sorti les otages algériens et nous ont utilisés comme boucliers humains. Jeudi matin, ils sont devenus très agressifs, persuadés qu'ils ne pouvaient pas sortir de la base de vie avec les otages étrangers. Ils ont demandé des véhicules, ils ont fait le plein de fuel et de nourriture pour partir. À dix heures, l'assaut a été donné. L''émir" du groupe, Tahar (Mohamed-Lamine Bencheneb, originaire de Ouargla, ayant fait partie du mouvement des jeunes pour la justice sociale) était blessé. Je l'ai vu de mes propres yeux. Ses acolytes l'ont mis au milieu des otages algériens et il est sorti avec eux au moment de l'assaut".
Pour Lotfi Benadouda, il est clair que les terroristes avaient bénéficié de complicités internes, qu'ils voulaient, avant tout prendre les VIP et qu'ils savaient que des responsables de haut rang se trouvaient dans la base de vie. Des complicités encore plus évidentes lorsqu'il s'agit de remonter l'itinéraire emprunté par le groupe terroriste. 'Ils sont venus par une piste que seuls les initiés connaissent", affirme-t-il.
Ces complicités, il faudrait les chercher auprès du personnel de soutien (parc autos, cuisine ou agents de sécurité), mais pas au niveau du personnel technique. Car, dans l'usine, si les terroristes avaient bénéficié de 'bons tuyaux", ils n'auraient pas dû mettre leurs explosifs là où ils les ont mis, c'est-à-dire dans des trains de production. Il existe des endroits plus sensibles que le groupe terroriste ignorait.
Le défi de la reprise
Sur la route qui mène de la base de vie à l'usine, les carcasses des voitures utilisées par les terroristes sont visibles. À l'entrée de l'usine, des militaires tiennent la garde. Le premier train de production garde les traces de l'attaque terroriste. 'Les terroristes ont fait exploser leurs otages." Des équipes techniques fouillent tous les coins et recoins de l'usine à la recherche du moindre objet dangereux, avant son redémarrage. 'On cherche surtout les balles. On ne doit prendre aucun risque. Si une seule balle subsiste, elle pourrait faire des dégâts", nous confie un technicien.
L'usine, composée de trois trains de production, est à l'arrêt depuis l'attaque terroriste du 16 janvier dernier.
Un grand hommage est rendu par tous les employés à Mohamed-Lamine Lahmar, ce jeune agent de sécurité, qui avait évité le pire et qui a été exécuté par les terroristes. 'En entendant l'alarme discontinue (signal d'une attaque terroriste), les travailleurs ont stoppé les machines".
Pour le moment, les responsables du site font tout ce qu'ils peuvent pour redémarrer partiellement l'usine. Le train n°1, épargné lors de l'attaque terroriste pourrait reprendre du service, d'ici un mois, selon les responsables du site, qui espèrent remettre en ligne 35% de la production du site le plus vite possible. Cette opération de redémarrage sera confiée exclusivement au personnel algérien. Evidemment, ce dernier est en contact permanent avec les responsables de Statoil et de British Petroleum. Mais le retour à la normale ne devrait pas se faire avant trois mois, tout comme le retour du personnel étranger.
En attendant, le plan de sécurisation du site devrait être revu pour prévenir toute attaque à l'avenir. Pour le moment, les militaires et les gendarmes assurent la sécurité du site. Mais, à long terme, un plan de sécurité devrait être mis en place. Lotfi Benadouda le dit haut et fort : 'Je suis pour la présence des militaires sur le site et c'est ce que je proposerai à nos partenaires lors de l'élaboration du nouveau plan de sécurité."
Pour rappel, l'ancien plan de sécurité, mis en cause lors de l'attaque terroriste, du fait que les agents de sécurité n'étaient pas armés, mais aussi, en raison du recrutement de contractuels ayant des liens de paternité avec des terroristes notoirement connus, exigent une révision en profondeur des mesures de sécurité et une plus grande rigueur dans la prise en compte des enquêtes d'habilitation du personnel, même contractuel, qui travaille sur ces sites sensibles.
A. B.
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