Algérie

150 000 miliciens à désarmer ! La Libye entre démocratie et instabilité



Pourtant, en dehors de ce problème, certes grave et lancinant, le cheminement de la Libye dans la mise en place d'institutions démocratiques est jusqu'à présent exemplaire. Et la meilleure illustration de cette exemplarité est l'élection, régulière à tout point de vue, d'un premier ministre par le Congrès général national (CGN) issu des élections de juillet dernier et qui s'étaient correctement déroulées, sans fraude et sans incidents méritant d'être signalés.Dans le respect du calendrier établi pour doter le pays d'institutions légitimes, le 8 août dernier, le président du CNT, Moustapha Abdeljalil, remet le pouvoir au doyen du CGN dans la salle de conférences d'un hôtel de Tripoli, transformée pour la circonstance en enceinte parlementaire. Quelques jours plus tard, les 200 élus du CGN y entament effectivement leurs travaux. Jusqu'à ce jour du 11 septembre, où l'attaque meurtrière du consulat des Etats-Unis remet violemment sur le «tapis politique libyen» le problème N°1 pour le pays. La mort de l'ambassadeur américain et de trois de ses collaborateurs dans la soirée du 11 septembre, s'est produite, à l'heure près, au moment même où les 200 parlementaires achevaient le premier tour du scrutin pour la désignation du premier ministre. Malgré la gravité exceptionnelle de la mise à sac et de l'incendie du consulat de Benghazi, les élus libyens font preuve d'un grand courage en refusant de céder à la terreur des commanditaires de l'acte particulièrement barbare. Le lendemain, ils se remettent au travail et tiennent le deuxième tour du vote.C'est ainsi que, le 12 septembre au soir, un technocrate de 61 ans, bardé de diplômes des meilleures universités américaines, est désigné à la tête du gouvernement transitoire libyen. Sans trop de commentaires à l'étranger, ce qui est regrettable, s'agissant d'un acte majeur dans la voie de la stabilité au parcours semé d'obstacles, dont celui de la sécurité qui n'est pas le moindre. C'est donc Moustapha Abou Chagour qui va diriger, presque un an après la chute du «guide libyen», un pays confronté à de graves et nombreux défis. En l'absence d'un Président, qui sera élu après cette nouvelle de transition, le nouveau premier ministre se retrouve avec un agenda bien chargé. Abou Chagour ne part pas démuni dans sa nouvelle mission. Considéré -mais sans trop de certitude- comme un proche des islamistes, il était vice-Premier ministre dans le gouvernement sortant et peut se prévaloir d'une expérience politique acquise pendant de longues années dans l'opposition à Kadhafi. Mais sa majorité est toute relative, avec un écart de deux voix seulement avec le deuxième candidat, Ahmed Jibril, qui a obtenu 94 voix contre 96 à Abou Chagour. C'est dire qu'il est assez réducteur de classer en libéraux et islamistes les deux principaux courants représentés à l'Assemblée nationale, tant la coloration politique des élus, surtout les 120 indépendants, n'est pas toujours évidente. Autre précision de taille, le premier tour a été remporté par Ahmed Jibril, qui a récolté 68 voix contre
55 pour son rival. C'est la preuve que les alliances pour le deuxième tour ont dû se faire sur des bases autres qu'idéologiques. Fait significatif également à signaler, le candidat islamiste était arrivé en troisième position avec seulement 41 voix.Si le nouveau chef de gouvernement part avec les atouts de la «pureté» politique et d'un haut niveau d'instruction (enseignant universitaire de haut niveau, employé à la Nasa'), il est fort peu probable que ses diplômes lui seront d'une grande utilité pour régler le problème N°1 pour la solution duquel il a été d'abord élu. Les 200 membres du CGN ont, en effet, auditionné huit candidats pour le poste, pendant 90 minutes chacun. L'essentiel de leurs questions a porté sur les moyens proposés par les candidats, ainsi que leur méthode, pour rétablir en priorité la sécurité dans le pays, où des centaines de milices, totalisant 150 000 hommes, font régner leur loi. Devant l'urgence de la situation et les dangers qu'elle fait peser sur le pays et les citoyens, les programmes des candidats et les questions des élus se sont naturellement focalisés sur le thème de la sécurité et de l'intégration des «thawar» (ex-rebelles) dans l'armée nationale. Les candidats devaient aussi se prononcer avec force détails sur la professionnalisation des forces de sécurité, ainsi que la surveillance des frontières, dont on sait tous les malheurs qu'elles peuvent engendrer quand leur contrôle n'est pas assuré. Abou Chagour sait, dans ces conditions, qu'un gouvernement de coalition est la meilleure façon pour lui de réaliser, au moins en partie, son programme. Il l'a fait savoir, mais le deuxième arrivé, Mahmoud Jibril, a pressenti la difficulté, affichant le choix pour un rôle constructif ailleurs qu'au poste de vice-Premier ministre.
A. S.

Tant que l'or noir coulera à flot
Qui dit Libye dit pétrole, voilà qui suffit à la résumer, en une formule lapidaire mais lourde de richesses. Un pays qui a tout pour décoller économiquement mais aussi beaucoup pour se retrouver plombé par des pesanteurs et des problèmes inextricables. Le pétrole y est donc une fabuleuse richesse qui, dans le contexte de l'après-révolution, voit son caractère de rente qui a aiguisé des appétits multiples et voraces. Mais heureusement que les Libyens l'ont, cette richesse avec laquelle Kadhafi achetait les consciences et les allégeances tribales et asseyait son pouvoir personnel. Cette richesse représente 40% des réserves africaines et 3% des réserves mondiales, ce qui fait du pays le deuxième exportateur d'or noir d'Afrique. Les réserves libyennes proprement dites sont estimées, en 2011, à 46,4 milliards de barils. L'équation du développement économique et social est théoriquement très simple : une population peu nombreuse (environ 7 millions d'habitants) au regard de l'immensité du pays (1,7 million de km2) et un produit national brut (PNB) par habitant autour de 12 000 dollars, propulsant le Libyen en premières places en Afrique pour le revenu par tête et le niveau de vie. En 2009, le produit national brut (PNB) avait atteint 62 milliards de dollars. La Libye figure aussi en première place en Afrique pour son IDH (Indice de développement humain) établi par le Programme des Nations unies pour le développement (PNUD).
La reprise de la production et des exportations de pétrole depuis la chute de Kadhafi s'annonce très prometteuse. Ainsi, début mai 2010, elle atteignait 1 555 000 barils/jours (b/j), se rapprochant rapidement du volume (1, 8 million b/j) d'avant la révolution. Les revenus sont évidemment en rapport, avec un revenu de 518 millions de dollars pour une semaine d'exportation. A côté du pétrole, des réserves importantes de gaz naturel (plus de 1500 milliards de m3) sont également disponibles mais insuffisamment exploitées.Le pétrole étant sa ressource principale, pour ne pas dire unique, la Libye est tributaire de l'étranger pour tout le reste de ses besoins, qu'ils soient alimentaires ou industriels. Cependant, cette dépendance est, à terme, compensée par la densité d'un réseau routier moderne et un ensemble d'infrastructures réalisé avec les revenus du pétrole et qui peuvent aider grandement les nouvelles autorités à bâtir une économie moins dépendante de l'extérieur.
A. S.


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