Algérie

11/9/1998 : Zeroual le désabusé général-Président


A la suite de l'évocation de Chadli par notre confrère Zerrouky dans sa chronique de samedi dernier(1), nous nous sommes tout simplement dit qu'il y avait également matière à mettre ce mois de septembre sous le signe de Zeroual, d'autant plus qu'il partage la notoriété de la journée du 11 septembre avec la première défaite américaine que lui infligèrent les terroristes islamistes. Et si la date était devenue énorme et son souvenir universellement commémoré, elle demeure néanmoins un tournant important dans les péripéties politiques de l'Algérie bien que celles-ci soient rarement évoquées. En effet, il y a 20 ans, jour pour jour, Zeroual, alors chef de l'Etat démocratiquement élu 34 mois auparavant, allait surprendre l'opinion en annonçant gravement sa décision de quitter le pouvoir. Dans le contexte de 1998, cette «démission» fit un effet d'une bombe au sein de la classe politique sans pour autant étonner, outre mesure, les observateurs qui décryptèrent les mois précédents, la féroce campagne de déstabilisation du personnel politique de son entourage. Evidemment, l'on parla, à ce moment-là, de putsch de «palais» ou plutôt de «caserne» tant il est vrai que la crise ne concernait essentiellement que son rapport avec la hiérarchie militaire dont il était l'un des pairs. Car, même s'il devint le «Primus inter-pares» (le premier parmi ses pairs) à partir de janvier 1994 quand il fut légitimé par un vaste mouvement d'opinion que les urnes traduisirent en plébiscite, Zeroual demeurait néanmoins, l'otage de l'aristocratie galonnée.Ce fut, par conséquent, au soir du 11 septembre que la télévision officielle allait diffuser l'allocution rédigée avec minutie et préenregistrée afin de gommer les risques de quelques «improvisations» dans sa lecture. Dans le pur style de la «théologie» stalinienne, pas un mot du texte ne devait, en effet, trahir les véritables raisons de l'écourtement du mandat légal, ni qui en furent les maîtres de cette gravissime destitution, qui ne disait pas son nom. Contraint d'assumer publiquement les conséquences d'une insoutenable vacance du pouvoir, il se réfugiera derrière l'improbable principe de «l'alternance démocratique» qu'il souhaitait, disait-il «illustrer immédiatement» ! L'on devine aisément que l'opinion n'allait pas croire que seule, cette vertueuse référence était à l'origine d'une décision laquelle, 21 jours auparavant, ne lui a pas traversé l'esprit. En effet, à la date du 20 août 1998, soit exactement 3 semaines auparavant, ce même général-Président n'avait-il pas prononcé un discours musclé par lequel il avait justement mis en garde ceux qui orchestraient la diffusion des rumeurs tout en traçant les lignes rouges qui allaient, déclara-t-il, «encadrer sa démarche future». Or, que s'était-il passé entre les deux allocutions pour que son départ devienne sa sanction ' L'hypothèse plausible ayant circulé souvent à cette époque évoquait un différend majeur avec la hiérarchie des Tagarins dont les procédés l'avaient irrité au point d'affaiblir ses prérogatives de président et le contraindre à partir dans des conditions inédites et troubles pour le pays.
Or, cet épisode du 11 septembre, 1998 que l'on avait fini par oublier, ne fut-il pas en vérité le préambule politique à un nouveau récit du pouvoir incarné par le régime actuel ' Sans trop nous appesantir sur la cacophonie qui affecta le scrutin présidentiel d'avril 99, l'Algérie allait par la suite découvrir les intrigues florentines d'une nouvelle présidence qui parvint à surmonter les handicaps, même ceux que l'armée avait par habitude de poser. Le leitmotiv que le palais rappela sans cesse à la caserne et qu'il n'y aura plus jamais de «trois quart de Président» à la tête du pays. L'allusion étant claire, elle devint par la suite un prétexte solide pour qualifier Zeroual de «victime». Et c'est de la sorte qu'une rumeur, fantaisiste par définition, n'hésitera pas à dire que cet «ex-» ferait un bon outsider lors des présidentielles de 2009. Il y dix années de cela, une telle éventualité fut vite qualifiée de stupide scénario en ce sens que toute machine à recycler du personnel ne visait qu'à enfumer un peu plus l'interprétation du concept de l'alternance. En effet, il est difficile de plaider pour un processus de succession qui consisterait à remonter l'horloge de l'histoire en réinvestissant aux mêmes fonctions un «ancien» au prétexte, assurément fallacieux, que l'Algérie souffrirait d'une désertification humaine qui est en train de la priver de leaders patentés. Nous avons là le modèle de toutes les curieuses confusions dans la quête des bonnes alternatives lorsqu'on s'efforce de tout justifier par cet argument qui privilégie le recyclage des «has been». Cela dit, l'on ne peut tout de même pas négliger le fantasme d'un retour de Zeroual sur la scène politique. Même si l'on sait qu'il n'est cité que par défaut et surtout par une sorte de ressentiment affectant le pays et que nul n'ignore que ce personnage, en total retrait de la vie publique, n'éprouve, à son tour, guère le besoin de revenir à la lumière politique. Une évidence qui s'explique en grande partie par le fait, qu'en étant lui-même dépourvu d'appareil politique, il est de surcroît à la marge de tous les centres névralgiques, où se concrétisent les scénarios. Notamment ceux où la référence militaire était influente et qui ne l'est plus dès lors qu'elle affirme avoir accompli sa mise à jour «démocratique» en se mettant à l'écart de toutes les «cuisines électorales», dixit le chef d'état-major Gaïd Salah. In fine, l'armée admet donc que l'insistance perpétuelle du régime actuel l'a convaincu de rompre avec les pratiques d'antan et qu'il y va, désormais, de la respectabilité d'une telle institution de ne plus chaperonner les pouvoirs. Vingt ans après, l'ermite de Batna conserve malgré tout une certaine notoriété, lui qui a été certainement le seul candidat à la magistrature suprême à se faire élire sans bourrage excessif des urnes !
B. H.
(1) lire la chronique parue le jeudi 13 septembre sous l'intitulé : «ce monde qui bouge.»
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