Algérie

10 ans pour réagir aux «dérives» des investisseurs étrangers


«Cette législation a été mise en place pour susciter l'intérêt des investisseurs étrangers», explique Maître Chems-Eddine Hafiz, président de l'association Euro-Maghreb des avocats de droit des affaires. Il relève toutefois que «c'est dans sa mise en œuvre que des défaillances ont surgi rendant, dans certains cas, inopérants certaines dispositions du code des investissements».
Dans son discours prononcé devant les maires en 2008, le président Bouteflika a affirmé clairement que l'Algérie ne veut pas des investisseurs étrangers qui investissent des millions et repartent avec des milliards de dollars deux ou trois ans après.
Force est de constater qu'en matière d'investissements étrangers, le résultat pour l'économie algérienne reste bien mitigé. Selon un bilan 2008 de l'ANDI, les investissements directs étrangers (IDE) ne représentent que 3% de l'ensemble des projets déclarés à  l'agence en termes de création d'emploi, 21% en montant et seulement 0,4% en nombre de projets.
On estime généralement que le montant des IDE reçu par l'Algérie atteint bon an, mal an 2 milliards de dollars. Selon le rapport 2010 du réseau Anima sur les IDE en sud Méditerranée, l'Algérie est classée (après la Palestine) dernière dans la région en termes de flux d'IDE par tête d'habitant (74 euros).  
En revanche, ce que les investisseurs étrangers transfèrent en dividendes dans leur pays d'origine est beaucoup plus important. L'économiste Abdelhak Lamiri l'avait estimé à  7 milliards de dollars par an en 2007 et à  50 milliards de dollars d'ici 10 à  15 ans. Le rapport de la Banque d'Algérie parlait de 6 milliards de dollars transférés en 2008.
Pour expliquer la désillusion sur les IDE en Algérie, l'expert en relations économiques internationales, Arslan Chikhaoui, estime que la faute incombe aussi à  l'Algérie, car «nous avons fait prévaloir la logique marchande à  la logique de l'investissement à  long terme. Automatiquement, les entreprises étrangères viennent pour faire des gains.
Elles se sont insérées dans notre logique : elles investissent peu et gagnent beaucoup». Pourquoi ' «L'Algérie a permis cela par inexpérience dans l'utilisation des mécanismes d'une économie de marché auxquels ces investisseurs étrangers sont déjà rompus. Ils ont profité de la conjoncture».  
Changement de cap
L'Algérie a également permis cela lorsqu'il était question de privatiser des entreprises publiques au profit de repreneurs étrangers tant l'aspect suivi et contrôle des post-privatisations était négligé. L'on se souvient d'ailleurs comment l'Algérie s'était retrouvée pieds et poings liés quand l'égyptien Orascom a décidé de vendre ses cimenteries en Algérie au français Lafarge. C'est d'ailleurs pour cela que le droit de préemption pour l'Etat et les entreprises publiques a été instauré en 2009. «Après avoir relevé les dérives d'investisseurs étrangers indélicats consistant à  transférer à  l'étranger des sommes importantes, sans commune mesure avec le montant de leur investissement initial, les pouvoirs publics ont décidé d'arroger à  l'Etat et aux entreprises publiques un droit de préemption sur toutes les cessions de parts d'actionnaires étrangers ou au profit d'actionnaires étrangers», note maître Hafiz. «Les fondements de la loi sur l'investissement ont été modifiés», mais «ces textes restent conformes aux usages et règles internationales applicables en matière d'investissements», précise-t-il.
Par ailleurs, le gouvernement a fini par décider de faire le suivi des entreprises qui ont été privatisées. La LFC 2010 prévoit à  ce titre que «les actifs des entreprises privatisées peuvent àªtre repris par l'Etat dans le cas où il est établi le non-respect des engagements souscrits dans la convention de privatisation». L'allemand Linde Gaz (qui a repris l'entreprise nationale des gaz industriels) a déjà été épinglé par l'ancien ministre de la santé qui lui reprochait de favoriser l'exportation au détriment du marché local. Réfutée par Linde, cette accusation a également concerné l'indien ArcelorMittal, propriétaire du complexe d'El Hadjar où près de la moitié de l'effectif a été licencié, selon le syndicat de l'entreprise.
Des exemples qui ont poussé les autorités du pays à  réagir. Mais cela ne doit pas signifier «le retour au tout Etat, plutôt la mise en place de mécanismes de régulation d'une économie de marché», précise M. Chikhaoui.
Il aura fallu 10 ans à  l'Algérie pour conclure à  la nécessité de rectifier le tir. Mais mieux vaut tard que jamais.                  
 
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