Alger

Taxis de Aïmen LaïhemAutopsie d’Alger en taxi



Publié le 03.04.2024 dans le Quotidien le soir d’Algérie

MERIEM GUEMACHE

Taxis est un récit. C’est le premier livre de Aïmen Laïhem, étudiant en urbanisme à Paris. Cet ouvrage paru aux éditions Barzakh raconte le quotidien d’un jeune homme qui saute tous les soirs dans un taxi pour rentrer chez lui, après le travail.
Le personnage principal c’est le narrateur «himself». On ne connaît ni son prénom, ni son âge, ni sa fonction. On le devine jeune et misanthrope, sur les bords. Chaque soir, il arrête un taxi et lui dicte sa destination «La Mairie». «La Mairie est construite au sommet de la colline de mon quartier. À ses alentours, on trouve : des pigeons, plein de pigeons, des jardins, des petits jardins, un terrain de pétanque et une placette refaite récemment.» Ces trajets lui permettent d’observer la ville d’Alger par la vitre et de tailler un bout de gras avec les chauffeurs. Un parcours d’à peine 1,76 km qui dure une demi-heure à cause des inextricables bouchons durant les heures de pointe. Par temps de pluie, c’est la bérézina. «L’orage fait rage. Il vente fort. Des tonnerres grondent. Je suis de moins en moins content. Mon parapluie me frigorifie les pieds (...) On l’oublie assez souvent mais, avant d’être une ville, Alger est une montagne. Je ne sais pas grand-chose sur cette ville, mais je sais qu’il y a des rues qui serpentent sur le flanc des collines et d’autres qui dégringolent violemment vers la mer, laissant déferler à travers elles tous les torrents déversés sur la ville.»

Alger est dans tous ses états. L’été, son humidité légendaire déboussole le narrateur. Le vent le fait sortir de ses gongs. «Il ne vente que très rarement sur Alger. Mais quand il arrive au vent de se lever, oubliez la douce ville côtière de la Méditerranée, c’est l’océan qui prend place, c’est l’Atlantique Nord, L’Arctique ! Alger devient infernale. Bourrasques sous les palmiers. Tornades de déchets. Tourillons d’eau sale et salée. Alger s’éponge. Elle est en sueur lorsque le vent fouette.»
Le jeune homme achète souvent des croissants chauds rue de la Vengeresse. Dans le taxi, son téléphone sonne. Sa mère, qui habite non loin de la Mairie, elle aussi, lui fait des remontrances. Elle n’est plus de première jeunesse et en a par-dessus le marché de lustrer son appartement. Elle lui suggère de payer une femme de ménage pour exécuter toutes ces tâches. «Mille dinars la journée, m’a-t-on dit. Je trouve ça raisonnable pour la prestation, ne trouves-tu pas, mon grand ? (...) Je ne réponds plus à ma mère. Je pioche dans le paquet de croissants...»

Le narrateur prend le pouls de la société. Il analyse les profils des clients qui montent avec lui ainsi que celui des chauffeurs de taxi. Il y a les misogynes, les grognons, les nerveux, les bavards, les taiseux... Et puis un jour le ‘taxieur’ qui l’embarque est une femme et elle fume comme un pompier. «Elle souffle sa fumée dans ma direction. Je lui indique d’un geste qu’elle m’a froissé et que je veux écourter le trajet. Je lui fais comprendre intuitivement que non. Ma moue lui dit ‘non, c’est juste ma rue là’. Je descends. Il vente encore. La taxieuse repart dans sa fumée. C’est un nouveau souffle sur Alger.»

Le narrateur effectue un petit voyage à Montréal. Il repense aux taxis d’Alger. «Contrairement à leurs homologues algérois, qui n’arborent aucune couleur distinctive sur leur carrosserie, les taxis montréalais, eux, sont tous affublés d’un Bonjour sur leurs portières. Blanc-neige ? Blanc-songe ? Blanc pur ? Peu importe. Toujours est-il que ce blanc-là me fait terriblement penser à celui d’Alger».

Après cette parenthèse à Montréal, il renoue avec son train-train quotidien et ses taxis. «Durée du vol Montréal-Alger pour rentrer chez-moi : 7 heures et 50 minutes, soit 137 trajets en taxi sans embouteillages.»

Une écriture simple. Des balades en taxi dans les rues de la capitale. Un récit truffé d’allégories d’Alger, de phrases en parler algérois, de situations rocambolesques, de réflexions. Un récit ‘feel good’’ à lire dans un taxi, par temps d’embouteillage !

Né en 1998, Aïmen Laïhem est architecte, diplômé de l’EPAU (Alger). Il poursuite actuellement un cursus en urbanisme à Paris. Taxi est sa première publication.

Meriem Guemache

Taxis de Aïmen Laïhem. éditions barzakh. 900 DA. 166 p.



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