Alger - Patrimoine Culturel

Rever, c'est encore nourrir l'espoir



Rever, c'est encore nourrir l'espoir
Rêver, c’est encore nourrir l’espoir

par farouk Zahi





Omar et Fouzia, Hassan et Rym sont deux jeunes couples amis, habitant le premier, à Tipaza et le second à Tamenfoust (ex. La Pérouse). Ils sont amis depuis l’université dont ils ont quitté les bancs en 2010. Omar est responsable du département cybernétique du Centre aérospatial d’Amguid, Fouzia, sa femme est spécialiste en médecine nucléaire. Quant à Hassan et Rym, mari et femme, ce sont deux célébrités dans le monde de la culture. Lui, est ténor lyrique et elle, productrice d’opéras. Il se sont donnés rendez vous en ce premier samedi du mois d’avril de l’an 2030, pour passer ensemble une journée récréative au cœur d’Alger. Le premier couple qui vient de Tipaza a pris le TGV de 9h 09 venant de Ténès, le second l’hydroglisseur de 10h à partir de Tamenfoust ; ils seront à quai à 10h 20. L’hydroglisseur, est sur le point d’accoster au terminal du vieux port de la Pêcherie. Celui-ci, tout en gardant son architecture originale, a subi des travaux d’aménagement le plaçant de plain pied dans la modernité : Jetées couvertes, allées pavées de marbre et armatures en chrome. Après délocalisation des forces navales, l’amirauté quant à elle, a été restituée à l’histoire navale du pays. Des frégates, grandeur nature, mouillent dans ses eaux. La course algérienne des frères kheiredine est là, prête à appareiller. Ce musée à ciel ouvert, organise des virées en haute mer pour les profanes et loue ses services aux studios de tournage cinématographique internationaux. Le vieux port est relié à la Casbah par un funiculaire électrique à double cabine. Circulant en sous terrain, il n’apparaît en surface qu’à l’entame de la vielle cité pour joindre les hauteurs de Bab Djedid sous les remparts du Fort. Réhabilitée et débarrassée de ses excroissances, la cité médiévale est revenue à la vie. Ceinte d’une muraille fendue par ces anciens accès, le site est occupé par des caravansérails, des boutiques d’antiquaires et d’échoppes artisanales. Seuls, les artisans et les détenteurs de métiers anciens (verriers, tanneurs, étameurs, ferblantiers) occupent les logis. Un conservateur, doté du pouvoir répressif et d’une police spéciale veille sur les lieux.





Le TGV du RFR (réseau ferroviaire rapide) est en gare d’El Kettani (gare de l’Ouest). En moins de dix minutes de tramway, Omar et Fouzia rencontreront leurs amis à la rotonde de l’ex. Pêcherie. Cette dernière, est présentement à Rais Hamidou anciennement Pointe Pescade. La Rotonde, est une large place piétonne, une dizaine de cafés, salon de thé et crèmeries offrent aux usagers leurs terrasses fleuries, leurs boissons et sorbets. Un café traditionnel, lambrissé et cuivré propose ses sofas d’époque, son café turc et son thé à la menthe préparés sur la braise. Les encens et les senteurs aromatiques baignent les lieux. Les serveurs, en « boubou » noir, gilet et « tarbouche » carmins, se faufilent de table en table et distribuent des colliers de jasmin. Le temps était radieux et la brise légère ; la farniente était bien là pour ses deux couples harassés par une dure semaine de labeur. Ils disposaient de près de deux heures avant le repas de midi pour flâner. Au sortir de la place, l’ascenseur les accueille pour monter au front de mer constitué des boulevards Zighout et Guevara. Cette grande avenue, rendue piétonne depuis fort longtemps est le domaine des fleuristes, des bouquinistes et des artistes peintres. Elle est émaillée de quelques terrasses de café, clubs littéraires et de librairies. Le Théâtre national, est érigé en musée et en salle de conférence pour l’histoire du quatrième art. Dès leur descente de l’ascenseur vitré, les couples s’appuient sur la rambarde pour contempler la baie d’Alger. Le port empestant le pétrole et l’ammoniac, n’est plus qu’un lointain souvenir ; délocalisé vers l’est de la capitale, il est remplacé par le centre international des affaires (CIA). La jetée continentale est hérissée de buildings plus hauts les uns que les autres. Tellement immense, l’aire abritant ce complexe dispose de son propre transport en commun constitué de pullmans propulsés à l’énergie solaire. Noyé dans la verdure et les plans d’eau, ce business land est en lui même une ville qui ne dort presque jamais. Il est en même temps à l’heure locale qu’à celle de New York ou de Bornéo. Deux bâtiments portent sur leur fronton les estampilles de Sonatrach pour le pétrole et la Sonaprogaz pour le gaz naturel. Elles ne sont plus les seules à faire nourrir le pays, Agrimed (produits agricoles et piscicoles) et Stepovin (viandes) pourvoient aux besoins nutritionnels « bio » du bassin méditerranéen.



Les Sablettes au loin, sont devenues une interminable plage au sable fin ; plantée de palmiers locaux, elle rappelle les plages exotiques des almanachs de jadis. Ceinte d’une rangée de palaces et de bungalows, elle n’a rien à envier à la Croisette française. Elles sont bordées toute deux par la Mare nostrum. Une marina permet l’accostage et l’arrimage de luxueux yachts battants pavillons étrangers. Un héliport assure la liaison directe avec l’aéroport international Houari Boumediene par hélicoptères. La centrale électrique fonctionnant au gaz, ne sert plus qu’au souvenir. Elle a été avantageusement remplacée par une réplique off short alimentée par une marée de cellules photovoltaïques et une foret d’éoliennes. Le soleil a eu enfin raison des ténèbres. La gare routière du Caroubier est devenue une gigantesque gare ferroviaire nodale (gare de l’Est). Son réseau TGV Transmaghrébin dessert Casablanca, Tunis Tripoli et Nouakchott via Tindouf et Layoune. Le Transahelien, lui, il dessert Lagos et Niamey via Tamanrasset. Les trains rapides desservent tout le territoire national par un service, toutes les 15 minutes. Le Hamma, abrite l’immense complexe culturel et récréatif « Abdelaziz Bouteflika ». Le Jardin d’essai, inclus dans le décor, ne représente qu’une tache verte dans ce Disney land national. La piste artificielle de ski dévale du Bois de arcades pour aboutir au complexe sportif. Le « Saadane Stadium », œuvre de l’architecture nationale, est un stade polyvalent couvert à toit amovible. Il peut accueillir jusqu’à 120.000 spectateurs pour les matchs de foot, de rugby ou pour l’athlétisme. Ces clameurs sont perçues sur plusieurs kilomètres à la ronde. On y accède par plusieurs rames de tramways. Les zones de stationnement des véhicules légers, sont toutes en under ground périphérique desservi par des rames. Le parc d’attractions « Akfadou » le cirque national, le circuit de courses automobiles, l’hippodrome, sont les points sur les quels se cristallise l’intérêt des milliers de visiteurs. Le village saharien « Akhamokh » perpétue les us nomadisants du siècle dernier. La culture théâtrale et cinématographique n’est pas en reste ; du petit théâtre de vaudeville à l’opéra tragique, les scènes ne manquent pas. Le grand opéra « Ouarda » du nom de la grande cantatrice, est un véritable complexe à lui seul. Il peut accueillir de 5 à 6.000 spectateurs. Sa scène tournante peut offrir plusieurs plans à la fois. A une encablure de là, le « Hamina », propose une dizaine de salles de cinéma y compris une à ciel ouvert, avec écran de projection géant et des milliers de sièges-jardin. Les minarets de la mosquée « Tarek Ibn Ziad » culminent à près de 300 mètres de haut. Ce complexe cultuel, implanté à Mohammadia, jette son ombre sur la Méditerranée comme pour rappeler que c’est sous la bannière de la foi que cette mer, a failli un jour, être musulmane.



Epoustouflés par ce qu’ils viennent de contempler pour la énième fois peut être, nos jeunes amis, s’offriront mutuellement une rose et entameront la promenade « livresque ». D’étal en étal, ils s’enivreront de titres de livres, de brochures, d’encyclopédies en langue arabe, tamazight, française, anglaise et même chinoise. Les levantins se sont incrustés à l’orée des années 2000. Après avoir réalisés les grands chantiers structurants où le prix du baril caracolait à 120 USD, ils s’installèrent durablement pour faire du négoce dans l’immense marché de la technologie de l’information, du textile et de la médecine traditionnelle. Erigée à Bab Ezzouar, leur « Chinatown » fait, désormais, partie du décor. Beaucoup d’entre eux, ont pris femme dans la communauté nationale. Il est midi trente passés de quelques minutes, le quatuor rebrousse chemin par l’ascenseur du Square « Ben Bella » anciennement Port Said. Les ascenseurs sont au nombre d’une quinzaine, ils desservent les boulevards du Front de mer, à partir des voûtes et de l’ancienne gare centrale qui est devenue depuis plusieurs années déjà, la gare des tramways urbains et suburbains. La restauration gastronomique ayant pris pour gîte les voûtes, offre un cadre « rétro », où des violonistes viennent jouer la sérénade aux amoureux. D’autres, typiquement orientaux, délivrent des complaintes de Oud (Luth) dans les « maqamate » ou le « ghrib ». Des tentes nomades-restaurants, font dans le culinaire traditionnel, « méchoui », couscous, lait de chamelle et dattes, sous l’œil amusé des convives. Un air de « gasba » (flûte) en musique de fond, rappelle les envolées lyriques des bardes de la steppe.

Avec le transfert des sièges gouvernementaux vers Bouinan, la ville respire mieux. Elle n’est plus la capitale politique du pays, elle est son phare économique et culturel. Elle ne compte plus que 2.000.000 d’habitants, périphéries comprises. Ses pôles universitaires, sont présentement à Sidi Abdallah, aux Grands vents et à Birtouta. Après s’être restaurés, les deux couples, prennent la rame n° 1 destination : le complexe culturel et récréatif. Après des moments de voltige sur les montagnes russes et une chevauchée sur des poneys, nos amis se paieront une séance de cinéma dans deux salles différentes et pour deux films différents. Ils auront l’avantage de se raconter mutuellement leur film. L’endroit, truffé de petites moussalates offre aux prieurs l’occasion de s’acquitter de leurs devoirs religieux. A dix neuf heures, ils se dirigent à l’opéra où est à l’affiche, depuis un mois déjà : « Aida ». Ils se délecteront pendant plus de deux heures des mystères lyriques des Pyramides imaginés par Verdi. Il est maintenant plus de 22 heures, nos amis enivrés par la symphonie, sentent un creux à l’estomac qu’ils feront vite de combler. Des fruits de mer, de la dorade grillée et des fruits de saison seront le festin qui clôturera la journée. Hassan et Rym emprunteront le « rapide » de minuit allant vers Ain Taya ; Omar et Fouzia passeront quant à eux, leur nuit dans un hôtel de la proximité. Ils se sont promis de rendre visite, le lendemain, à un parent malade en cure chirurgicale à l’hôpital « El Okbi » des Grands vents. L’hôpital Mustapha a cédé la place à un grand jardin public où le troisième âge vient trottiner et lire le journal sur ses bancs.



Alger le 12 avril 2010


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