Alger - Revue de Presse

Retour sur quelques Chroniques



Il arrive que certains de mes écrits amènent, ici et là sur la toile électronique, un débat auquel je ne m'attendais pas et qui, surtout, m'oblige à réfléchir encore plus au sujet abordé et au sens de mes mots. Hormis les insultes des atrabilaires et des nazillons de la mouvance identitaire, je considère cela comme une chance car on ne dira jamais assez à quel point l'échange contradictoire est source d'enrichissement. C'est pour cela que je souhaite revenir sur trois chroniques qui m'ont valu leurs lots de critiques et de convergences de vues.

La première, intitulée « Ils ne l'appellent que Rachida », a provoqué nombre de commentaires (1). Pour les uns, ce texte résume bien une situation qu'ils endurent au quotidien, leur appellation par leur seul prénom étant l'expression d'un paternalisme qu'ils jugent insupportable. D'autres, au contraire, m'ont accusé d'en rajouter dans la dénonciation du racisme et, au final, de desservir la bonne cause de la défense des minorités visibles. A dire vrai, je n'ai pas changé d'avis. Il y a plus d'une semaine, en regardant à la télévision la fin du défilé du 14 Juillet j'ai eu la même réaction d'irritation en entendant le journaliste de France 2 remercier longuement toute l'équipe technique, énumérant prénoms et noms avant de conclure par un « merci enfin à Malika »...

Pour autant, je reconnais volontiers qu'il manquait un élément d'importance dans ma chronique. Si on n'appelle Rachida Dati que par son prénom, c'est aussi parce que c'est une femme. J'ai négligé cet aspect, me focalisant sur le paternalisme - pas toujours conscient, je le répète - que subissent les enfants issus de l'immigration. Une femme en politique provoque à la fois de l'hostilité et de la familiarité. Cela explique par exemple les « Ségolène » qui, on s'en rend compte aujourd' hui, ont contribué à décrédibiliser et à tourner en ridicule la candidate socialiste à la dernière élection présidentielle française. En tous les cas, j'espère que ceux qui ont lu cette chronique seront désormais attentifs à la manière dont les enfants issus de l'immigration sont désignés au quotidien notamment dans leur environnement professionnel.

Parlons maintenant du syndrome du jeune à capuche (2). Pour cette chronique, les réactions n'ont pas vraiment porté sur la manière dont j'avais (mal) réagi à la vue de jeunes au look des cités dans l'enceinte d'une école primaire. On m'a surtout reproché la façon dont j'ai décrit un incident où un jeune qui écoutait de la musique à fort volume dans le métro s'est fait énergiquement rappeler à l'ordre par un policier en civil. « Pourquoi prenez-vous le parti de ce petit voyou et pourquoi n'avez-vous pas réagi ? » Tel a été en substance l'essentiel de la critique.

J'ai repensé à cela il y a peu. Dans un square parisien, des jeunes venus d'une cité voisine, faisaient éclater des pétards dans leur coin. Puis, petit à petit, ils ont commencé à étendre leur champ de manoeuvre au point d'inquiéter pères, mères ou nounous qui veillaient sur leurs progénitures. Alerté, un gardien a fait son apparition et les pétards se sont tus... jusqu'à ce qu'il disparaisse. Les explosions ont alors repris de plus belle mais aucun adulte présent n'a réagi. Certains sont partis, d'autres ont rappelé leurs enfants, leur demandant de jouer ailleurs, loin du barouf hostile des jeunes.

Comment expliquer une telle passivité ? J'imagine déjà ceux qui vont monter sur leurs grands chevaux en parlant de lâcheté, mais est-ce si simple ? Face à une bande d'une vingtaine d'adolescents - et d'adolescentes ! - lancés dans la surenchère en matière de provocation, que peut faire un adulte ? Que peuvent même faire deux ou trois adultes ? Dans ces circonstances, parler pour convaincre ou crier pour se faire obéir ne sert à rien car l'effet de bande est réel. Il procure aux jeunes un sentiment de puissance totale et cela fait qu'ils n'ont aucune crainte à s'en prendre physiquement à des adultes.

C'est cette réalité que la société française a intégrée et qui conditionne nombre de comportements passifs. Face à la démission des pouvoirs publics - le cirque a duré plus d'une heure et aucun agent de police n'a montré le bout du képi - les individus rechignent à prendre des risques en se substituant à l'autorité légale. Mais ce que je pressens, c'est que cela risque d'évoluer. L'idée de s'auto-mandater supplétif des forces de l'ordre fait son chemin et la tentation de corriger soi-même les lascars et autres auteurs d'incivilités qui n'arrêtent pas d'empoisonner la vie d'autrui est de plus en plus forte. Ce n'est guère surprenant quand on sait que la classe politique française ne semble guère réfléchir à ce qu'il faut mettre en oeuvre vis-à-vis de ce qui constitue peut-être déjà une génération perdue.

Terminons enfin par mon texte sur Mugabe (3). Un ami m'écrit d'Alger que le cas du Zimbabwe est douloureux pour plusieurs Algériens car il rappelle à ceux qui militèrent aux côtés des mouvements indépendantistes africains que leur combat, fût-il modeste, n'a pas donné tous les fruits espérés. « Souviens-toi de ce que l'indépendance du Zimbabwe a provoqué comme espoir, a-t-il souligné. As-tu oublié les chants de Bob Marley (Zimbabwe) et de Stevie Wonder (Master Blaster) ? Ce fut une euphorie; c'est maintenant une déroute ».

D'autres courriers, plus sévères encore - et toujours en provenance d'Algérie - estiment que Mugabe est indéfendable d'autant qu'il est le miroir de ce que les Algériens subissent, eux qui vivent dans un pays où les légataires universels et héréditaires de la Révolution n'en finissent pas de refuser le partage du pouvoir et cela sans même parler d'alternance. Il est vrai qu'en matière de boucs émissaires, le parallèle peut être fait entre les fermiers blancs et le fameux « hizb frança » dont on n'a jamais cessé de nous rabâcher les oreilles pour nous convaincre - excusez cette trivialité - de la fermer. De cela je suis bien conscient. Peut-on pour autant affirmer que Mugabe, c'est le FLN - au sens non pas du parti mais du système qui a présidé aux destinées de l'Algérie depuis 1962 ? Mêmes espoirs, mêmes désillusions. C'est une évidence. Parler de Mugabe, c'est, quelque part, réfléchir à l'Algérie...



(1) 12 juin 2008. (2) 26 juin 2008. (3) 17 juillet 2008.






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