En 1845, l'autorité française, ayant décidé de démolir le rempart qui séparait les deux portes de Bâh 'Azzoûn, dut pourvoir à la translation des restes de Sidi Mançoûr, dont le tombeau était accolé au rempart. On connaît bien peu de chose sur Sidi Mançoûr ben Mohammed ben Salim, qui mourut en 1644 (1054 de l'hégire). Il menait une vie simple et pleine de dévotion clans une modeste boutique, que sa première sépulture devait remplacer. On le disait favorisé du don des miracles. La ,goubba actuelle de Sidi Mançoûr, soigneusement entretenue par l'oukil, qui se glorifie d'être un descendant authentique du saint, n'a pas cessé de recevoir des visites pieuses.
II en va de même pour celle de Ouali Dada, qui fut construite dans des circonstances analogues, mais dix-neuf ans plus tard. Celui-ci fut également victime - ou bénéficiaire - d'un déménagement posthume. Sa première sépulture, à laquelle étaient adjointes une petite mosquée et une salle de refuge pour les mendiants et les infirmes, ce qui constituait une zaouia, se trouvait dans une partie de la rue du Divan qui fut démolie en 1864. Le refuge fut transféré dans l'impasse du Palmier. Les restes du Ouali vinrent occuper la goubba qu'on avait bâtie à cet effet au-dessus de celle de Sidi 'Abd er-Rahmân.
Le souvenir de Ouali Dada, saint homme d'origine turque et que sa titulature funéraire nous donne pour un çoûfi, est attaché à l'un des faits les plus marquants de l'histoire d'Alger. Le 23 octobre 1541, Charles Quint, ayant débarqué ses troupes sur la rive gauche de l'Harrach, s'était avancé à travers la plaine et avait gravi la hauteur du Koudiat es-Saboun, d'où il menaçait Alger. L'armée, qui comptait des Espagnols, des Italiens, des Allemands et des Français, était très forte. Les Algérois, dit-on, songeaient' à capituler. C'est alors que Ouali Dada, ayant parcouru la ville pour relever les courages défaillants, entra dans la mer jusqu'à la ceinture et, la frappant du bâton qu'il tenait à la main, souleva la terrible
tempête...
On sait le reste. La pluie diluvienne et le vent glacé paralysèrent les assiégeants, qui n'avaient pu être ravitaillés. Les Algérois firent une sortie et culbutèrent ceux qui étaient les plus voisins de la mer. C'étaient des Italiens, qui refluèrent en désordre sur le gros de l'armée. Les Chevaliers de Malte, Villegaignon, Savignac et les autres, rétablirent la situation. Cependant il fallait battre en retraite, se rembarquer au milieu de la tourmente, qui, après une accalmie, devenait d'heure en heure plus furieuse. Une partie de la formidable armada, qui comptait plus de cinq cents navires, se brisa sur la côte ou sombra au large. Evénement considérable. Le désastre de Charles Quint allait, pendant longtemps, décourager l'Europe. Alger, réputée invincible, allait connaître une prospérité qu'elle n'aurait pas osé espérer jusque-là. Ouali Dada put en voir les premiers effets. Il mourut en 1554 et, pendant ces treize dernières années de sa vie, on ne signale aucun trait notable. Mais cela importe peu. Il avait eu son heure historique. Ce que le peuple d'Alger rapportait de lui pouvait lui mériter la vénération unanime, car, au moment des plus grandes épreuves, il avait, avec son bâton, fixé le destin de la Cité.
Posté Le : 12/12/2008
Posté par : hichem
Ecrit par : GEORGES MARÇAIS
Source : Extrait des