Le prochain Salon du livre d'Alger est au centre d'une controverse culturelle et politique avec de possibles ramifications diplomatiques.
Le plus important évènement littéraire de l'année en Algérie, le Salon international du livre d'Alger (SILA), ouvrira ses portes le 26 octobre avec la participation de quelque 343 maisons d'édition venues de 25 pays.
A l'exception de l'Egypte.
Les cercles littéraires et médiatiques d'Algérie sont en émoi après la décision d'interdire les maisons d'édition égyptiennes, non pour des raisons de politique gouvernementale, mais par suite du ressentiment des organisateurs après la rivalité footballistique lors de la Coupe du monde entre les Verts et les Pharaons.
"C'est par respect pour les joueurs et pour les gens qui ont été maltraités au Caire", avait expliqué Smain Ameziane, l'organisateur de ce salon, début août.
"Je ne suis pas prêt à accueillir les Egyptiens en Algérie, tout cela est encore trop récent !", avait-il ajouté, soulignant que "les médias égyptiens ont même dénigré l'Algérie, son histoire, ses martyrs et son emblème national".
Il n'en fallait pas plus pour provoquer une réaction féroce de la part de l'intelligentsia algérienne. Plusieurs intellectuels algériens vivant en Algérie, en Europe et en Amérique du Nord ont lancé une pétition appelant à "lever l'interdiction frappant les livres égyptiens au prochain Salon international du livre d'Alger".
Les signataires de cette pétition, lancée le 18 août par Ahmed Bensaada, médecin et auteur résidant au Canada, estiment que l'interdiction prononcée par Ameziane est une "tentative unilatérale aberrante de punir la littérature égyptienne et le lectorat algérien", notamment dans la mesure où l'Algérie continue de "jouer au football, source de tout ce scandale, avec des équipes égyptiennes".
"Ce qui est regrettable c’est que dans le même temps où Smaïn Ameziane a fait ses premières déclarations, il y a eu une rencontre de football en Ligue des champions entre une équipe algérienne et une équipe égyptienne", a expliqué Bensaada à Magharebia.
Pour lui, ce Salon international du livre aurait dû être une occasion de réconciliation avec les Egyptiens.
"En prenant une telle décision, on punit les peuples égyptiens et algériens. Le livre, la littérature et la culture n’ont pas à payer pour les comportements désobligeants des hooligans", a-t-il ajouté.
Les signataires de sa pétition accusent les organisateurs du salon de vouloir attiser les inimitiés entre les deux nations.
La longue liste des protestataires contre cette interdiction comprend le Haut conseil islamique (HCI). Dans un communiqué, celui-ci a souligné que "personne n’a le droit de s’ériger en conscience du peuple algérien".
Le HCI a également souligné que l'Egypte ne peut être absente de ce salon au vu de sa contribution à la culture arabo-musulmane.
Face à cette vague d'indignation algérienne et internationale, l'organisateur du salon, Ameziane, a modifié son explication, affirmant à la presse le 26 août que les raisons de cette omission de l'Egypte tenaient principalement à la "sécurité".
"Inclure les éditeurs égyptiens serait de la provocation", a-t-il expliqué. Il dit "comprendre" la réaction des intellectuels algériens, mais maintient que sa décision a été prise "dans l'intérêt des éditeurs égyptiens".
Ses efforts pour convaincre la presse algérienne n'ont pas rencontré le succès attendu, si l'on en juge par la couverture locale de cette question.
"Je veux croire que le livre et les idées qu'il diffuse encouragent le rapprochement et la paix : ils sont la plus sûre passerelle pour la rencontre et l'amitié entre les peuples du monde. Sans aucune exception", a écrit Abdellali Merdaci dans son éditorial dans Le Soir d'Algérie.
"Tout cela exhale ce fumet malsain de l'autodafé", a-t-il ajouté. "Et sous ses cendres, les clameurs de la haine."
Les amateurs de livres qui attendent impatiemment l'ouverture de ce salon assistent au dialogue qui agite les cercles éditorialistes et intellectuels avec une certaine distance.
"Tout ce que je souhaite, c’est qu’il y ait des livres de qualité et pas chers. Ce salon est une bonne occasion pour faire de bonnes affaires", a expliqué Nadjia, étudiante en psychologie, à Magharebia.
Nassim Benyahia, professeur d'arabe dans un lycée, estime que l'idée d'interdire les livres égyptiens de ce salon est parfaitement ridicule.
"Même s’il est vrai que nous avons été insultés et trainés dans la boue", dit-il, "le livre devrait être au dessus de toutes ces bassesses."
Posté Le : 17/09/2010
Posté par : infoalgerie
Ecrit par : Par Mouna Sadek pour Magharebia à Alger
Source : www.magharebia.com