C’est précisément la grandeur mythique de ce canon légendaire, que Mohammed Benamar Zerhouni, auteur bien connu par ses études et recherches sur le patrimoine poétique populaire algérien, a choisi d’évoquer dans un poème superbe, aux allures anecdotiques et pédagogiques à la fois. Ce canon, pris comme trophée de guerre après la conquête de 1830, a été rebaptisé par le colonisateur, « la consulaire ». Il se trouve aujourd’hui en France, dressé sur une place de la ville de Brest. L’amiral Charles Bazoche (1784-1853), ayant pris part à l’expédition contre Alger en 1830, a eu la charge de le transporter en France, ainsi que des caisses provenant du trésor confisqué à Alger : quatre tonnes d’or et vingt-cinq tonnes d’argent, selon certains historiens.
Mohammed Zerhouni, en poète, mais surtout en Algérien racé, a voulu, dans son poème, porter un double message. D’abord attirer l’attention aussi bien des responsables de l’Etat algérien que de ses concitoyens sur la nécessité d’agir sérieusement pour le retour au pays de cette pièce de musée. Sinon, s’interroge Zerhouni, à quoi serviraient les recommandations de l’Unesco portant sur le respect et la préservation des biens culturels de tous les peuples de la terre ? Ensuite inciter, lecteurs comme chercheurs algériens, à s’intéresser davantage aux choses du patrimoine et surtout à cette poésie populaire composée durant les derniers siècles, en ce sens que celle-ci demeure un élément essentiel qui a préservé l’identité de l’Algérien à un moment où il avait tant besoin d’une boussole pour traverser le désert où la colonisation l’avait relégué.
Si les autres canons de l’Amirauté d’Alger ont eu la malchance d’avoir été fondus, du temps de la colonisation pour en faire une statue équestre en hommage au Duc d’Orléans, Baba Merzoug, lui, est intact et il a hâte de rentrer chez lui. A signaler que le poème de Zerhouni a été brillamment mis en musique et interprété par le grand chanteur populaire Abdelkader Chercheme. De son côté, Ahmed Bouziane, poète au verbe flamboyant, a aussitôt répondu à l’appel de Zerhouni, en gratifiant ses lecteurs et ses auditeurs d’une belle composition poétique épique où il a retracé, avec brio, l’histoire de Baba Merzoug et celle d’El Djeza
Mezzo Morto inscrit Baba Merzoug dans la postérité
Un siècle et demi plus tard, en 1662, les Algériens sont devenus les maîtres intraitables de la Méditerranée après avoir dicté aux Hollandais et aux Anglais des pactes de non-agression. Cette année-là, ils capturent une frégate de la marine française et vendent son commandant comme esclave sur l’actuelle place des Martyrs. Louis XIV, le Roi-Soleil, soucieux de rester en lumière, réagit en envoyant l’amiral Abraham Duquesne, à la tête d’une expédition punitive d’une centaine de navires, bombarder Alger. Cette fois-ci, les soldats de la chrétienté disposent de bombes et de boulets incendiaires. Leur puissance de feu finit par contraindre le dey à demander un armistice et l’ouverture de négociations.
L’intermédiaire français est alors le révérend père Le Vacher, vicaire apostolique désigné par le roi comme son consul dans la capitale de la Régence depuis 1671.
Duquesne exige et obtient la libération de la plupart des captifs chrétiens. Mais c’était sans compter sur un certain Mezzo Morto, alias Hadj Hussein, riche renégat génois qui fomente alors un complot politique, assassine Baba Hassan et ligue la population algéroise contre l’envahisseur français. L’amiral Duquesne reprend alors les bombardements.
Mezzo Morto, devenu dey, inaugure une méthode de représailles vraiment expéditive et restée célèbre : le consul Le Vacher, revenu à terre entre-temps, est accusé de traîtrise, puis ligoté et mené au port d’Alger. Là, les artilleurs braquent Baba Merzoug vers le vaisseau amiral de la flotte française.
Ils placent ensuite le consul devant la bouche avant de faire feu. Depuis ce jour, la marine française appelle Baba Merzoug «la Consulaire» en mémoire du diplomate pulvérisé. Après lui, d’autres captifs malchanceux subirent la puissance implacable de Baba Merzoug, et la réputation du canon s’en trouva d’autant grandie.
Le 5 juillet 1830, après la conquête d’Alger par l’armée coloniale française, la plupart des canons sont fondus et transformés en francs nouveaux. Mais, l’amiral en chef de l’armada française, Victor-Guy Duperré, lui, n’a pas oublié Baba Merzoug. Breton de Brest, il fait transférer le célèbre canon en Bretagne où il est érigé en colonne votive dans l’arsenal de la ville, le 27 juillet 1833, au magasin général, quai Tourville.
Aujourd’hui, les promeneurs qui empruntent le pont de la Recouvrance, à Brest, peuvent distinguer en surplomb le canon planté au milieu d’un parking de la zone militaire.
Les curieux, autorisés à s’en approcher, découvrent un monument un peu piteux, l’affût recouvert d’un magma de plâtre jauni. Puis une grille rouillée autour d’un socle carré en marbre. Sur les côtés, des gravures en bronze commémorent l’histoire coloniale.
Description
La pièce d'artillerie d'une longueur d'environ 7 mètres, est dressée verticalement sur un bloc de granit. Elle est surmontée d'un coq tenant un globe sous une de ces pattes. Ce coq victorieux, c'est bien sur le symbole de la France tenant sous sa patte le monde.
La Consulaire, prise à Alger le 5 juillet 1830, jour de la conquête de cette ville par les Armées Françaises, l'Amiral Baron Duperré commandant l'escadre. Érigée le 27 juillet 1833, Sa Majesté Louis Philippe régnant, le Vice Amiral Charles de Rigny ministre de la Marine, le Vice Amiral Bergeret préfet maritime.
Histoire du canon
Cet énorme canon date de la fin des travaux de fortification de la ville d'Alger, en 1542. Fabriqué par un fondeur vénitien suite à la commande du pacha Hassan, long de 7 mètres, et d’une portée exceptionnelle de 4 872 mètres, cette pièce d’artillerie fut baptisée Baba Marzoug (Père Fortuné). Elle interdisait à tout navire ennemi l’accès à la rade d’Alger.
Pourquoi La Consulaire ?
Son nom provient de son utilisation comme engin de mise à mort du consul français à Alger en 1671. Celui-ci, accusé de traitrise, fut en effet placé devant la bouche à feu avant que celle-ci ne fasse feu sur le navire amiral de la flotte française qui bombardait la ville. Le consul martyr baptisera la pièce d'artillerie pour les français, et donnera toute son importance à son érection comme monument à la gloire des Armées françaises.
Erection du monument
Erigée en 1833, sur l'ordre de l’amiral en chef Victor-Guy Duperré, originaire de Brest, face au Magasin Général quai Tourville, ce monument est tout à la fois le symbole d'une victoire française et celle d'une volonté colonisatrice qui durera encore plus d'un siècle!!
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Posté Le : 19/04/2013
Posté par : patrimoinealgerie
Ecrit par : ABI, Sétifnaute passionné
Source : http://forum.setif.info/