Publié le 21.10.2024 dans le Quotidien l’Expression
Mohamed Boudiaf, Larbi Ben M’hidi, Mostefa Ben Boulaïd, Krim Belkacem, Didouche Mourad et Rabah Bitat ont décidé de la date où parleront les armes.
Le groupe des six.
1er novembre 1954, il y a près de 70 ans, l'Algérie s'enflammait. Une date qui correspondra au début de l'An I de la révolution. Elle durera plus de sept longues années. Elle aura macéré depuis le début de la colonisation, en 1832, jalonnée par des soulèvements qui finiront par être réprimés, puis par des luttes de leadership et des positions politiques qui feront éclater un Mouvement national fracturé. La scission du MTLD (Mouvement pour le Triomphe des Libertés Démocratiques) signera la naissance du Front de Libération nationale.
C'est sous sa bannière que sera lancé ce mouvement insurrectionnel exceptionnel, cette révolution fabuleuse, le 1er novembre 1954, qui ne prendra fin officiellement, que le 5 juillet 1962 après la signature des accords d'Evian le 19 mars 1962 qui porteront le sceau d'un de ses chefs les plus emblématiques: Krim Belkacem. Deux réunions seront décisives dans ce basculement, des militants nationalistes vers la lutte armée. Il y aura celle des «six» qui se tiendra le 23 octobre 1954, au domicile du moudjahid Mourad Boukechoura à Raïs Hamidou (Alger). Elle regroupera Mohamed Boudiaf, Larbi Ben M'hidi, Mostefa Ben Boulaïd, Krim Belkacem, Didouche Mourad et Rabah Bitat. Des militants de la cause nationale aguerris, rompus à la clandestinité. Tous recherchés par la police coloniale. Tous cadres du MTLD, Mouvement pour le Triomphe des Libertés Démocratiques, héritier du PPA, Parti du Peuple Algérien, fondé par Messali Hadj mais surtout appartenant à l'OS, Organisation secrète mouvement paramilitaire mis en place par le MTLD pour déclencher l'insurrection armée avant d'être démantelé en 1950 par la police française. À l'ordre du jour de cette rencontre décisive du recours à la lutte armée: l'esquisse des contours de la Guerre de Libération nationale, ancrer les principes de la lutte du peuple algérien et faire de son unité un impératif pour réaliser l'objectif suprême: l'affranchissement du joug colonial et le recouvrement de la liberté et de l'indépendance. Dont le choix de la date, de l'heure et du mot d'ordre du déclenchement de la guerre de libération à travers l'ensemble du territoire. Parmi les décisions clés il y aura la rédaction de la Déclaration du 1er Novembre, la carte militaire localisant les sites de déploiement des forces françaises et l'adoption de la décentralisation dans la gestion des affaires de la Révolution, en accordant la priorité à l'intérieur par rapport à l'extérieur. C'est à cette occasion que le découpage de l'Algérie en cinq zones sera également entériné et leurs chefs désignés. Les Aurès reviendront à Mostefa Ben Boulaïd, le Nord-Constantinois à Didouche Mourad, la Kabylie à Krim Belkacem, le Centre à Rabah Bitat et l'Ouest à Larbi Ben M'hidi. Après la réunion, Mohamed Boudiaf s'est rendu au Caire pour informer les membres de la délégation extérieure des résultats de la rencontre et faire diffuser la Déclaration du 1er Novembre sur les ondes de «Sawt El Arab». L'autre réunion qui donnera un tournant crucial au processus de préparation de la lutte armée sera celle du Groupe historique des 22 tenue le 24 juin 1954 au domicile du militant Ilyes Deriche à El Madania (Alger) sous la présidence de Mostefa Ben Boulaïd. Ils se prononceront «pour la révolution illimitée jusqu'à l'indépendance totale». Ce sont pratiquement toutes leurs décisions qui seront entérinés lors de la réunion des six le 23 octobre 1954. C'est Mohamed Boudiaf qui sera chargé de se rendre au Caire, en passant par Genève pour informer la délégation extérieure composée principalement d'Aït Ahmed, Ben Bella, Khider et lui-même. Il avait emporté deux textes écrits au citron entre les lignes d'une lettre anodine ainsi que la liste des objectifs qui devaient être attaqués dans la nuit du 31 octobre au 1er novembre. Une riposte militaire qui reposait beaucoup plus sur l'impact psychologique. «Notre pari à nous n'était pas un pari sur la force militaire algérienne. C'était un pari sur la psychologie des Algériens, sur le fait que les Algériens, pendant des années, quand on les appelait pour voter, ils vous disaient: «Non, donnez-nous des armes. Le vote, ça ne sert à rien, de toute manière, les voix dans les élections sont truquées.», déclarera Hocine Aït Ahmed, une des figures emblématiques de la révolution, dans un témoignage diffusé par France Culture.
Mohamed TOUATI
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Posté Le : 22/10/2024
Posté par : rachids