La version papier du webzine espritbavard.com, lancée récemment, se présente comme une clé possible de décodage de la complexité algérienne. Adoptant une approche socioculturelle, cet album de 200 pages matérialise l'espace virtuel de réflexions et d'échanges devenu familier aux internautes depuis 4 ans. Enrichi de porte-folio des photographes Kays Djilali, Réda Samy Zazoun, Awel Haouati, Ashraf Kessaissia, Sophie Elbaz et Samir Abdiche, le volumineux recueil «emprunte des chemins de traverse» et évite «les idées reçues» afin d'explorer «des lieux, des gens, des regards» dès son premier chapitre. Un chapitre qui mène le lecteur de «l'histoire éviscérée» de Constantine et du «patrimoine assassiné» de Annaba à «l'exemple encourageant des pionnières de Tamanrasset».Après avoir respiré sous «les mimosas de Mazouna», le lecteur est invité à mettre ses pas dans ceux de Mostefa Lacheraf (1917-2007)pour découvrir une réflexion sur Sidi Aïssa, sa cité «entre grandeur et décadence». Un récit de Moussa Lebkiri, artiste de l'émigration, transporte le lecteur dans sa Kabylie ensoleillée d'enfance et de figuiers. Le second chapitre consacré aux «Personnages, histoire et histoires» s'intéresse à Sélim Toumi, roi d'Alger et à la personnalité controversée de ses successeurs Baba Aroudj et Kheiredine surnommés «Les frères Barberousse». Des sujets aussi divers que les massacres du 8 Mai 1945, les complaintes de la Casbah et les conquêtes de l'Afrique du Nord y sont abordés par des plumes acérées.(José Lenzini, Abdennour Zahzah, Larbi Graïne...) La «balade dans la création» que propose la troisième partie de l'ouvrage aborde les problèmes de l'édition littéraire, théâtrale comme ceux de la production cinématographique. «Le documentaire est un baromètre de la démocratie», y déclare Malek Bensmaïl, documentariste, alors que Selma Hellal, codirectrice des éditions Barzakh conclut: «Nous sommes dans le brouillon et le chaos de la jeunesse». Le réalisateur Lyès Salem argumente lui pour «un cinéma de genre». L'étonnant roman «Le pied de Hanane» de la linguiste Aïcha Kassoul y est présenté comme un de ces élixirs revigorants dont les Algériennes ont le secret pour affronter les pires tragédies de leur histoire. «Pause plus prolongée pour sujet à débat» présente en quatrième partie, une série d'articles liés aux problématiques identitaires et aux processus d'individualisation. La grande solitude des actrices arabes, les dérives consécutives à l'évangélisation, la filiation de la musique algérienne, l'art contemporain dans le Monde arabe y sont notamment explorés. Le lecteur découvrira également un touchant hommage au regretté Mustapha Saadoun (1918-2009), ancien officier de l'ALN (Armée de libération nationale) et frère de trois chouhada exécutés le même jour par l'armée française. Ce descendant des Andalous réfugiés à Cherchell cultivait avec la même passion un somptueux jardin et un verbe à l'humour décapant.
Posté Le : 18/01/2016
Posté par : redasamy1964
Source : L'Expression - 1 Février 2012