Alger - El Hamma

El Hamma (Alger) - Devenu le seul espace de détente dans la capitale: Le jardin d'essai, un refuge contre le stress



El Hamma (Alger) - Devenu le seul espace de détente dans la capitale: Le jardin d'essai, un refuge contre le stress
Depuis la réouverture du jardin, en 2009, — après une fermeture qui a duré plus de 10 ans —, le nombre de visiteurs ne cesse d’augmenter. Il est passé de 600.000 à près d’un million de visiteurs en 2011.

Les Algérois, en manque cruel d’espaces de détente, se rabattent désespérément sur les 32 hectares de surface de ce joyau écologique. On y révise pour ses examens, on y pique-nique, on s’y balade tranquillement, on y joue (mais pas à tous les jeux !). Dans une capitale constamment sous tension, il devient un véritable (le seul?) refuge contre le stress.

Amina a 12 ans, Leïla en a 10. Les deux fillettes, pancartes colorées à la main, courent à toute vitesse, s’enthousiasment et hésitent avant de s’arrêter net en face du grand panneau d’orientation qui permet de se situer à l’intérieur du Jardin d’essai d’El Hamma. Elles s’agitent, se concertent et repartent en courant dans le sens contraire. Elles ont déjà trouvé deux indices, il en manque six pour venir à bout des différentes énigmes de la chasse au trésor à laquelle elles participent. Mercredi 21 mars, premier jour de printemps, c’est aussi la Journée mondiale de l’arbre.

La direction du Jardin d’essai a organisé plusieurs activités pour l’occasion, dont cette chasse au trésor. Midi pile, le soleil boude Alger, mais les gens continuent de se bousculer aux portes du jardin. Les enfants sont en première ligne, vacances scolaires obligent ! Mais les étudiants, les jeunes femmes, les couples et les personnes âgées ne sont pas en reste. Depuis la réouverture du jardin en 2009, — suite à une fermeture de plus d’une décennie —, le nombre de visiteurs ne cesse d’augmenter. Il est passé de 600.000 à plus de 850.000 visiteurs en 2011. Les Algérois en manque cruel d’espaces de détente se rabattent désespérément sur les 32 hectares de surface de ce joyau écologique.

On y révise pour ses examens, on y pique-nique, on s’y balade tranquillement, on y joue ou on y tue simplement le temps. Pense-t-on à apprécier et à admirer les 1.200 espèces végétales qui en font l’un des jardins d’essai et d’acclimatation les plus importants du monde ? Pas forcément. Halima, 24 ans, jeune mariée, sans emploi, y vient souvent en semaine. Elle aime se poser ici pour d’interminables discussions qu’elle entretient avec sa belle-sœur. «On est très bien ici. On peut se balader en toute tranquillité. C’est le seul endroit à Alger où on peut se détendre, sans avoir besoin d’une présence masculine pour nous protéger», s’exclame-t-elle avant de rejoindre le banc où l’attend sa belle-sœur. Dans une capitale constamment sous tension, le jardin devient un véritable (le seul ?) refuge contre le stress.

Les enfants, invités de marque du jardin!

Samedi 24 mars, deuxième journée de week-end, 9h30. Le soleil boude encore la capitale, mais les deux entrées du jardin grouillent déjà de monde. Plus que 15 minutes avant l’ouverture des portes. Des dizaines d’enfants attendent. «J’ai payé 300 dinars pour cette excursion organisée par les scouts d’El Hamiz, ma fille pourra s’amuser ici toute la journée», confie, satisfaite, la maman d’Imène, une fillette de 7 ans. Scouts, associations, écoles, clubs de tennis, toutes sortes d’organismes pensent désormais à organiser des excursions au Jardin d’essai. Depuis sa réouverture, il est devenu l’espace favori des enfants en manque de grands espaces. C’est que la direction du jardin traite les «petits» comme de vrais invités de marque. «On mise beaucoup sur les enfants», annonce Abderrezak Ziriat, directeur du jardin depuis 2007. Pourquoi pas les adultes? «Nous avons des arbres qui ont plus de 180 ans et personne ne s’y intéresse. Les gens piétinent les plantes. On a beaucoup de mal à sauvegarder l’espace et à apprendre aux gens à respecter le jardin», tranche-t-il. Y a-t-il autant de dépassements? Talkie-walkie en main, Abderrezak Ziriat ne répondra pas à la question tout de suite. Il disparaît brusquement et court derrière deux jeunes hommes qui viennent d’escalader un platane. De retour, il reprend son souffle et poursuit: «On a du mal avec les adultes, ils manquent souvent de civisme et ne sont pas réceptifs à nos campagnes de sensibilisation.» Et d’ajouter: «C’est pour ça qu’on mise sur les enfants.» Wahiba Bibouche, la quarantaine, directrice de l’école Ould Hamou Abdelkader de Bouzaréah, ne s’en plaindra pas.

Couples : jeu de mains, jeu de vilains!

Depuis deux ans, elle est devenue une habituée des lieux, qu’elle fréquente toujours accompagnée de petits chérubins. «Mes enfants sont inscrits à l’école d’environnement du jardin, j’y viens donc deux fois par semaine, ça me plaît tellement de voir mes enfants s’épanouir ici que j’ai décidé d’organiser une excursion pour les enfants de mon école», raconte-t-elle, un sourire de joie aux lèvres. Pour ce premier jour de printemps, elle accompagne 40 élèves. Ils sont plus de 600 à se perdre dans les allées du jardin aujourd’hui. Véritables invités de marque, ils ne représentent pourtant que 10% du public quotidien.

Les couples sont nombreux dans le Jardin d’essai d’El Hamma, comme dans tous les espaces verts de la capitale. Mais ici, ils se font plus discrets qu’ailleurs. Suite à plusieurs dépassements, la direction redouble de sévérité contre les couples ces derniers mois. Mohamed, 19 ans, et Nesrine, 18 ans, sont attablés dans l’une des trois buvettes du jardin. Ils ne sont pas là pour profiter du romantisme du lieu. Contre toute attente, ils ne sont qu’amis et se sont installés ici pour réviser.

«On a été chassés de la Bibliothèque nationale parce que le travail en groupe y est interdit», explique Mohamed, dépité. Et d’ajouter, avec un peu plus d’enthousiasme: «On se rabat sur le jardin et ce n’est pas plus mal comme ça!». Si ces jeunes gens sont là pour réviser gentiment, d’autres n’hésitent pas à prendre d’assaut les lieux pour leurs petits rendez-vous amoureux.

Le jardin, avec ses nombreux petits coins ombragés, a justement de quoi faire rêver les couples en quête de petits refuges discrets. Mais les quelque 40 agents de sécurité du jardin sont là pour veiller au grain, quitte à en faire un peu trop. Samia, 23 ans, venue se balader avec ses copines témoigne : «J’ai assisté plus d’une fois à des scènes de remontrances très sévères contre les couples. Ils n’ont même pas le droit de se toucher la main.» Hafid, un jeune habitant du quartier d’El Hamma pense que c’est une excellente mesure. «C’est un espace familial, les couples n’ont pas à se toucher les mains», argue-t-il. Et d’ajouter : «Les agents de sécurité ont raison, c’est une question de ‘‘horma’’» (pudeur)».

Six couples devant le juge pour atteinte à la morale

Les couples ne semblent pas être les bienvenus au jardin. Simple excès de zèle de la part d’agents moralisateurs ou instruction appliquée à la lettre? «Ceux qui disent que les couples n’ont pas le droit de se tenir par la main ou de s’enlacer dans le jardin font de la propagande subversive», répond Abderrezak Ziriat, directeur du jardin. A son avis, les agents de sécurité font souvent dans l’excès de zèle, mais ils sont fortement encouragés par des couples qui ne connaissent pas leurs limites. Depuis la réouverture de l’espace, six couples ont été poursuivis en justice pour atteinte à la morale publique. Ils seraient allés un peu trop loin. «Nous avons eu beaucoup de dépassements dans ce sens, mais on a essayé de gérer la question sans tomber dans la démesure», explique encore le directeur des lieux.

Pour lui, il est impératif de débarrasser le Jardin d’essai d’El Hamma de la mauvaise réputation qui lui a longtemps collé à la peau. Quoi de mieux que des enfants pour redonner une virginité aux lieux. Les couples jouent le jeu de la retenue pour éviter les embrouilles. Les familles algéroises éprises, dans leur majorité, de morale et de conservatisme y trouvent leur compte. Qu’en est-il de la valeur écologique et historique du jardin? Au pied d’un Noloria recurvata, — arbustre originaire du Mexique —, d’un acacia ou d’un platane, tout ce qui compte au final, c’est de ne pas malmener le conservatisme social algérien (aussi paradoxal soit-il) et surtout d’oublier, au moins pour quelques heures, qu’il est si difficile de se détendre à Alger…

Horaires d’ouverture:

-Le zoo, de 11h30 à 18h
-Le jardin, de 10h à 18h

Bouredji Fella


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