« — Couardise ! Tu crois arriver ainsi à éviter la ganche ou le pal. C’est une vaste erreur. J’ai connu bien des renégats qui ont été punis par les tortures qu’ils avaient eux-mêmes fait subir aux autres. D’ailleurs les Turcs ne t’épargneront pas, de temps à autre, leurs sarcasmes. On t’appellera euldi pour marquer ton origine, pour la stigmatiser même. Nous autres, captifs, nous te désignerons sous le nom de renégat et quand on te verra passer, ce sera à chacun de s’écrier : " Voilà le renégat Ledieux ". Cela c’est plus fort que ta volonté, nul n’y échappe, tu le sais d’ailleurs... Le ciel mauve contenait, ce soir-là, toute l’énigme de la vie, que Ledieux cherchait à approfondir vainement, car le mauve se transformait en lueurs violacées, qui étaient presque instantanément remplacées par le gris profond du soir, éteignant imperceptiblement l’incendie du firmament. »
Bernard Ledieux a été fait prisonnier par les corsaires d’Alger ; ne supportant pas sa condition d’esclave, il se convertit à l’islam, épouse la fille de son ancien maître et devient un notable de la ville. Pourtant, les années passant, et malgré son apparente assimilation, il accepte de moins en moins son reniement. Il finit par abjurer sa nouvelle religion en pleine mosquée et meurt chez lui grâce à la protection de son fils, muphti de la ville. EI-Euldj, captif des Barbaresques, l’un des tout premiers romans algériens de langue française, paru en 1929, pose la question du sentiment national, dans sa nouveauté et sa complexité. Parce qu’il est novateur, et d’une écriture raffinée, il mérite d’être redécouvert.
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Posté Le : 05/07/2010
Posté par : nassima-v
Source : www.editionsbarzakh.dz