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DECODAGES L'Algérie, le bonheur est dans la société civile



Par Abdelmadjid Bouzidi
abdelmadjidbouzidi@yahoo.fr
Qui pourrait nier aujourd'hui une évidence : l'Algérie n'a pas de société politique. Cela ne signifie pas, bien entendu, que les Algériens n'ont pas de culture politique. Ils déplorent bien au contraire que leurs gouvernants font tout pour les priver de pratique politique, de délibérations publiques sur des questions primordiales pour leur vie en société. Les partis politiques ' Belaïd Abdeslam les a bien définis en son temps : «Khamssa ouarbat !».
Il faut d'ailleurs rappeler que 40 partis politiques ont participé aux législatives, qu'il y a à l'étude 30 dossiers de partis qui attendent leur agrément, que sept nouveaux partis ont été agréés et trois autres autorisés à tenir leurs congrès constitutifs. Que peut-on attendre de ces regroupements d'individus (qui n'arrêtent d'ailleurs pas de se «redresser» mutuellement) ' Pourquoi le système en place ferme-t-il les yeux sur ces régressions quand il ne les encourage pas purement et simplement. Comment peut-on réguler la vie en société, comment peut-on l'aider à aller dans le sens du projet qu'on aura défini ensemble si l'on n'a pas de partis politiques, de vrais partis politiques qui échangent, qui débattent, qui éduquent, qui se concurrencent sur des programmes cohérents ' Et les partis politiques doivent obéir aussi bien lors de leur constitution que durant leur fonctionnement à des règles clairement établies de «bonne gouvernance ». Il est vrai que certaines formations politiques déploient des trésors d'efforts pour devenir de vrais partis politiques. Mais rien n'y fit. Le ver est dans le fruit. En attendant que «tout cela trouve sa voie», l'espoir de l'Algérie réside aujourd'hui, à n'en pas douter, dans la société civile que l'on doit construire et le mouvement associatif qui doit l'animer. C'est ici que la citoyenneté se construit, que le civisme prend forme, que le lien social et la solidarité citoyenne se tissent et s'expriment.
La société civile : de quoi parle-ton ' br Il nous faut d'abord rappeler que la société civile se distingue de la société politique. Elle ne s'y oppose pas mais elle s'en distingue. Les Nations unies désignent par société civile «le large éventail d'organisations non gouvernementales et but non lucratif qui animent la vie publique et défendent les intérêts et les valeurs de leurs membres ou autres, basés sur des considérations d'ordre éthique, culturel, politique, scientifique, religieux ou philanthropique : groupements communautaires, organisations non gouvernementales (ONG), syndicats, organisations caritatives, groupements d'obédience religieuse, associations professionnelles et fondations privées».
• Du point de vue historique, c'est le philosophe allemand Hegel qui, le premier, établira la distinction entre l'Etat et la société civile.
• Plus près de nous, le politologue et sociologue américain Larry Diamond a pour sa part défini ainsi la société civile C'est le domaine de la vie sociale organisée qui se fonde sur le volontariat et l'autonomie vis-à-vis de l'Etat. Elle implique des citoyens qui agissent collectivement dans un espace public pour exprimer leurs intérêts, leurs passions, et leurs idées, échanger des informations, atteindre des buts communs, interpeller les pouvoirs publics et demander des comptes aux représentants de l'Etat. Elle n'inclut pas les efforts politiques visant à prendre le contrôle de l'Etat.»
La société civile renvoie à la capacité de la société à s'auto-organiser
La société civile, c'est ce qui reste d'une société quand l'Etat se désengage complètement ou n'est pas du tout engagé. La société civile évoque les valeurs d'autonomie, de responsabilité, de solidarité, de prise en charge par les individus eux-mêmes de leurs problèmes. Elle évoque aussi l'émancipation de la tutelle étatique. De plus, les organisations de la société civile n'ont pas l'ambition de représenter quelque classe que ce soit. Enfin, alors que l'Etat tend à demeurer un centre unifié de pouvoir, la société civile est toujours le siège de pouvoirs indépendants les uns des autres et dont le nombre croît à mesure que la société se développe.
La démocratie progresse au rythme des transferts de prérogatives de l'Etat vers la société civile
Le penseur italien Gramsci a bien vu que la société civile aide au renforcement de la cohésion de la nation et constitue le substitut efficace à l'affaissement de l'Etat cette assertion évoque en nous les péripéties qu'a connues notre société durant la décennie 90 où des éléments de la société civile algérienne ont magnifiquement rempli leur rôle de «substitut à l'affaissement de l'Etat»). Ce dialecticien a analysé la société civile comme soutien à l'Etat dans l'exercice de sa fonction hégémonique, c'est-à-dire en tant que régulateur sociétal et gardien des équilibres, exercice qu'il pourra alors réaliser sans violence ni contrainte. Ainsi, la société civile, par les valeurs qu'elle défend et les fonctions qu'elle remplit, est tout à la fois autonome par rapport à l'Etat et lui assure d'être accepté pacifiquement par la population.
La société civile en Algérie
Sans affirmer que la société civile telle que nous l'avons définie, n'existe pas en Algérie, on peut souligner le fait qu'elle reste faiblement structurée moins par absence de volonté des citoyens à s'organiser et à développer le lien social, la solidarité et même le civisme, que par manque d'accompagnement des pouvoirs publics (législation appropriée, aides financières par prélèvement sur les impôts payés par les citoyens...). Dans le cas de notre pays, il semble de plus en plus évident qu'il est nécessaire que des structures nouvelles surgissent, des associations volontaires civiques et citoyennes qui favoriseront la transition démocratique. La société civile en Algérie doit se saisir de deux missions principales : 1) être le catalyseur des aspirations démocratiques des Algériens en faisant un contrepoids à l'Etat. 2) être un producteur de service (soins, éducation, culture, assurances). La société civile doit, chez nous, être un espace d'expression et de fonctionnement de la démocratie en dehors de la sphère technocratique. Elle doit exercer une influence sur le monde politique en l'obligeant à tenir compte de la volonté des citoyens. Il faut souligner que chez nous, plus probablement qu'ailleurs, la croissance d'une culture démocratique dépend de la croissance de la société civile. Chez nous, plus qu'ailleurs, par manque de financement et à cause de la convoitise du pouvoir, l'autonomie reste le grand défi de la société civile. Autonomie, responsabilité, solidarité, prise en charge par les individus eux-mêmes de leurs problèmes : c'est l'ensemble de ces valeurs qui font la société civile et que celle-ci, de son côté et dans un lien dialectique, doit promouvoir.


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