Alger - Birkhadem

Dechra de Tixeraïne La casbah inconnue



Dechra de Tixeraïne La casbah inconnue

A Alger aussi, on trouve une dechra avec ses habitations, ses ruelles, son ambiance incomparable, une fraternité qui n’a pas sa pareille. Cette dernière se trouve à Tixeraïne. Un endroit qui, il y a quelques années, était totalement inconnu du public.

Dès que l’on dépasse la fameuse porte de Barrois, domaine d’un ancien colon français nommé M. Barrois, on se retrouve en territoire kabyle. Tout le monde connaît tout le monde, les anciens sont assis sous un ancien olivier, mais aujourd’hui ce dernier n’existe plus. Aujourd’hui ils sont fiers de se regrouper devant la nouvelle mosquée du quartier. Ainsi cette petite dechra en compte deux.

En continuant notre route, et plus exactement quand on arrive au centre de formation d’encadreurs de jeunesse, on arrive alors au point d’entrée d’une communauté des plus soudées. La convivialité ainsi que l’harmonie sont incroyablement palpables chez les nombreuses familles qui composent la dechra de Tixeraïne.

La Casbah d’Alger, classée au patrimoine mondial de l’Unesco, est un ensemble de ruelles, de chemins de traverses, ainsi que de nombreuses impasses, et Tixeraïne, avec son petit village, n’est pas en reste. En effet, quand on rentre à l’intérieur de la petite ville, les ruelles sont légions, et les impasses sont également nombreuses. Au centre du village, on retrouve la mosquée édifiée il y a plusieurs décennies par les anciens habitants aujourd’hui morts.

Les ruelles sont toutes en descente, on pourrait se demander pourquoi une telle construction, la réponse viendra à la fin de la visite.
A l’intérieur de la paisible bourgade, tout le monde est un peu parent, les grandes familles se marient entre elles, et ces dernières ont engendré une communauté des plus grandes.

Les habitants sont fiers de leur patrimoine. On rencontre des jeunes qui racontent avec fierté mais sans l’avoir vécue, la période de la Guerre d’Algérie, visiblement très touchés par ce que leurs parents ont réalisé pour sauver le pays. On entend aussi des histoires sur un passé peu lointain, on parle de la décennie noire, où des bandes armées prenaient d’assaut la route qui travers Tixeraïne, sans pénétrer à l’intérieur de la bourgade, «à cette époque-là, il n’était pas rare d’entendre des bruits de fusil, on trouvait même parfois sur la route à l’extérieur de notre communauté, des corps inertes sans vie et sans tête», raconte Mohamed. Ce dernier affirme qu’à aucun moment, ces groupes n’entraient à l’intérieur de la dechra, «Depuis nos ancêtres nous sommes des gens calmes et nous appelons à la paix. Mais dans les durs moments, nous savons nous défendre, prendre les armes et défendre notre territoire», nous a-t-il confié avec fierté.

La culture est souvent le sujet de discussion préféré des habitants. On parle de Maâtoub Lounès, figure emblématique. On parle aussi d’El Hadj M’hamed El Anka, et bien évidemment du protégé de la communauté qui n’est ni plus ni moins que le chanteur Takfarinas. On parle de la maison familiale où il a grandi, ainsi que de son succès international. «Nous sommes des mélomanes, on sait apprécier les belles choses», dit Mourad avec humour. En continuant notre promenade avec quelques accompagnateurs, on observe un décor bucolique, sommes-nous à Bab Jdid ou à Tixeraïne ? Une architecture ainsi que des portes de maison font penser à La Casbah d’Alger. On a même vu la main de Fatma sur une porte aussi large que haute.

Le soir, même très tard, la visite reprend. On revient là où on s’est arrêtés et on reprend avec les mêmes personnes. Au loin, on entend un bruit, des croassements. «Ce sont des grenouilles», selon Mohammed. Dans la pénombre, on suit nos amis dans les ruelles, on continue à descendre, on pense à comment on va bien pouvoir remonter. Tout à coup, notre regard s’ouvre sur un monde de verdure, d’animaux et de silence, pas encore ravagé par le béton. Un stade a été aménagé, le club de foot local, la JST, s’y entraîne régulièrement. Mohammed nous conduit voir d’où émanent tous ces coassements de batraciens. A notre étonnement, un ruisseau traverse le village. «Ce n’est pas le Djurdjura, mais c’est tout comme», lance Samir.

On s’installe sur une des marches qui accompagnent une descente abrupte et on contemple un silence majestueux qui laisse rêveur. L’obscurité rend l’atmosphère plaisante et la discussion à voix basse nous plonge dans d’agréables pensées. Nous sommes accostés par quelques jeunes, la discussion est lancée en kabyle, petits et grands montrent des signes d’amitié tout en tenant à garder un certain respect. «On se respecte mutuellement, car c’est le fondement même de notre communauté, sans ce respect, les valeurs qui nous ont été inculquées disparaîtraient», confie Mourad.

La visite de la dechra s’achève tout en bas de cette descente. On nous conduit sur les lieux d’une cérémonie qui a réuni nombre d’habitants. Tamechrat, c’est ainsi qu’elle est appelée. Neuf bœufs ont été acquis, après quelques jours de présence aux abords du cours d’eau, ces 9 bovidés ont été sacrifiés,faisant ainsi le plaisir de nombreuses familles et ont aussi régalé les plus fins gourmets. «Nous continuons à pérenniser nos traditions quoi qu’il en coûte. En faisant ainsi, nous arrivons à rendre heureuses les familles démunies de notre village, car même si la joie est visible sur tous les visages, il n’en demeure pas moins que la viande coûte cher et elle n’est pas à la portée de toutes les bourses», conclut Mourad.

En sortant de ce lieu inconnu du monde extérieur, on arrive à comprendre que le bonheur n’est pas dans les biens matériels mais bien au contraire, l’éducation, accompagnée d’un état d’esprit libre qui n’accorde de l’importance qu’aux plaisirs de la vie, l’entraide et le bonheur ultime. C’est ce que les habitants de la dechra de Tixeraïne essayent de préserver.






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