Alger - Gymnastique

CINQUANTENAIRE MOHAMED LAZHARI PIONNIER AUX J-0 1964



CINQUANTENAIRE MOHAMED LAZHARI PIONNIER AUX J-0 1964
ALGER - Tokyo : 10 octobre 1964, jour de l’ouverture de la 18è édition des jeux olympiques. Le drapeau de l’Algérie, indépendante depuis deux ans seulement, flotte dans le ciel nippon.

Lors du défilé traditionnel des délégations prenant part à ce rendez vous, l’emblème national est porté par le gymnaste Mohamed Lazhari (aujourd’hui Mohamed Yamani), premier sportif à représenter l’Algérie dans les joutes olympiques.

Athlète élégant et talentueux, Yamani qui évoluait au moment de l’indépendance du pays, au SM Puteaux ,club avec lequel il avait été sacré champion de France, a résisté à toutes les offres et pressions de ses dirigeants, en optant sans hésitation, pour les couleurs nationales algériennes.

"Dans l’euphorie de l’indépendance, on m’a demandé de choisir entre l’Algérie et la France. Je n’ai pas réfléchi un seul instant. C’était spontané, j’ai choisi ma patrie", s’est-il remémoré. Considéré alors par les responsables sportifs algériens comme le seul athlète de niveau international, il obtient ainsi l’insigne honneur de représenter l’Algérie au plus prestigieux rendez-vous sportif mondial : les jeux olympiques 1964 de Tokyo, après avoir participé sous les couleurs de la France, aux JO de Rome 1960.

Les Jeux de Tokyo : moment inoubliable

Démarche altière, cheveux grisonnants, regard malicieux, Mohamed, en replongeant dans ses souvenirs, est très ému lorsqu’il évoque les péripéties de sa carrière.

Cinquième d’une famille nombreuse de 12 enfants, Mohamed Yamani, âgé aujourd’hui de 74 ans (12 avril 1938), se souvient qu’à l’âge de 12 ans, lorsque son père, qui n’aimait pas particulièrement le sport, lui avait suggéré, vu son corps chétif, d’aller se mêler aux athlètes de la salle Patriote en contrebas de la Casbah.

"Je n’aimais pas les sports parce que je voyais qu’il y a trop de brutalité. Mais lorsque j’ai vu les agrès, j’ai tout de suite eu le coup de foudre pour la gymnastique", s’est rappelé Mohamed, et depuis, c’est une longue lune de miel avec cette discipline qui finira par déteindre sur toute la famille Lazhari.

Au lendemain de l’indépendance, son choix le mène au MJS où il devient conseiller, tout en gardant son statut d’athlète, puisque à ce titre il est envoyé de nouveau à Paris pour préparer les JO de Tokyo (1964) et représenter l’Algérie indépendante.

Tokyo... le "grand rêve"

La longue aventure de Mohamed Lazhari débute au pays du Soleil Levant, où s’entremêlaient des sentiments de fierté et d’appréhension. Premier sportif à représenter l’Algérie aux jeux olympiques, il en était assurément très fier.

Mais, dans le même temps, il craignait la lourde responsabilité qui lui incombait, celle de faire connaître l’Algérie, cette nation nouvellement indépendante, que beaucoup, à l’époque, n’arrivaient pas à la situer géographiquement.

"Des athlètes de divers pays m’accostaient souvent, pour me demander où se trouvait l’Algérie, quelle était sa langue officielle et d’autres questions encore. Mais, tous savaient une chose : L’Algérie était synonyme de révolution", se souvient encore Yamani.

"J’habitais seul au pavillon Algérie au village des athlètes et je tentais tant bien que mal de surmonter cette solitude et mes appréhensions, en me concentrant beaucoup plus sur mes entraînements afin de bien me préparer à la rude mission qui m’attendait. De temps à autres, je recevais des visites de la part de gens qui voulaient avoir des informations sur l’Algérie", a-t-il ajouté.

"A cette époque, poursuit-il, l’ambassadeur d’Algérie à Tokyo m’avait rendu visite à mon lieu d’hébergement au village olympique et m’avait encouragé. Il me demanda de contrôler mes déclarations et mes commentaires", se rappelle le jeune athlète précisant que sa plus grande difficulté était de "s’entraîner seul" à la veille d’une grande compétition comme les JO.

"Je me suis retrouvé seul. Dans ma tête, les idées s’entrechoquaient, tout était confus. Il n’y avait personne pour m’accompagner, m’orienter ou me conseiller. J’ai tenté de me rapprocher de quelques athlètes français pour travailler avec eux, mais j’ai tout de suite changé d’avis après avoir ressenti une certaine froideur. j’ai compris qu’il fallait compter que sur soi même", ajoute Yamani, qui avait terminé la compétition à la 91e place au classement général.

Une position qui ne sied pas aux capacités réelles de l’athlète qui aurait pu, comme il l’affirme, faire meilleure figure, s’il avait bénéficié d’une préparation plus adéquate.

"Je pouvais faire beaucoup mieux avec une meilleure préparation et un encadrement à la hauteur de ce rendez-vous sportif planétaire. Néanmoins, le fait que l’emblème national flottait dans le ciel de Tokyo représentait en soi, une grande victoire pour un pays qui venait de recouvrer sa souveraineté.

Dans de telles circonstances, c’était beaucoup plus important qu’une médaille olympique", s’est-il contenté de dire.

Les JO de Tokyo : le début de la fin

Parmi les caractéristiques qui forcent le respect chez cet athlète c’est surtout sa modestie et son franc parler. Pour preuve Lazhari ne manque pas une occasion pour citer les athlètes de son époque qui auraient pu être choisis à sa place pour les JO de Tokyo.

"Je ne réalise pas encore pourquoi j’ai été choisi, alors qu’il existait à l’époque des sportifs de niveau qui pouvaient réaliser de meilleurs résultats que moi", a-t-il estimé, se rappelant notamment d’un talentueux gymnaste d’Oran, dont il a oublié le nom, et qui pouvait, selon lui, aisément participer à une compétition mondiale, ou encore se rappelle t-il, de l’athlète Ali Brakchi, champion de France à l’époque du saut en longueur et qui avait représenté ce pays aux J.O de Rome (1960).

Dressant un portait du sportif de son époque et celui d’aujourd’hui, Yemani estime qu’en son temps on pensait d’abord à représenter les couleurs nationales faisant passer l’intérêt personnel au second plan. "On ne pensait qu’à l’emblème national, on ne se souciait de nos difficultés ou de notre avenir".

Autre temps, autre moeurs, aujourd’hui la donne a changé. Lazhari reconnaît, toutefois, que l’environnement dans lequel évoluent les sportifs est complètement différent de celui de son époque. "Le sportif aujourd’hui pense d’abord à assurer son avenir, ce qui est tout à fait légitime".

Prié de livrer ses impressions sur sa carrière d’athlète, Yemani reste mitigé : " Ayant été le premier représentant algérien aux JO de Tokyo, je croyais vraiment que toutes les portes allaient s’ouvrir devant moi. Malheureusement, j’étais confronté à une réalité beaucoup plus amère", souligne t-il avec regret.

"Mais, les choses ont évolué plus ou moins positivement à travers les postes que j’ai occupés durant ma carrière professionnelle, (...) Mais je pense que je jouis d’une meilleure considération en dehors de mon pays, ici je vis, malheureusement, dans l’anonymat".

Dépité par la situation actuelle du sport national, Yemani a enfin lancé un appel de détresse en direction des responsables du sport en Algérie, les exhortant à donner plus de considération au sport scolaire, qui reste "le réservoir sûr et pérenne des athlètes de demain".

aps/cinquantenaire


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