Jusqu’au 8 mars à Paris, le musée des Arts Derniers, qui représente Kamel Yahiaoui, accueillait des travaux récents de l’artiste. Au printemps 2007, dans la même galerie, l’exposition "Allers retours" donnait à voir le travail de 10 artistes contemporains, dont 5 Français ayant séjourné et travaillé en Afrique (Philippe Berry, Richard Di Rosa, Martial Verdier, Bruce Clarke, Christophe) et 5 Africains (Malick Sidibé [Mali], Soly Cissé [Sénégal], Collen Madamombe [Zimbabwe], Kamel Yahiaoui [Algérie], Afi Nayo [Togo]). Exposés à travers le monde, ces artistes témoignent à leur façon de la vitalité et de la modernité de l’Afrique.
Kamel Yahiaoui a auparavant entrepris un vaste travail sur la déportation des Africains du XVè au XIXè siècle, celle des Algériens en Nouvelle-Calédonie et en Guyane, consécutive à la révolte de 1871, et plus récemment celle des juifs durant la Seconde Guerre mondiale. Intitulée "Rideau d’Interrogation", son exposition au Centre Culturel Algérien à Paris rendait à sa façon hommage aux déportés juifs de la dernière Guerre Mondiale. On pouvait notamment y voir "L’Extincteur de dignité" (I et II), deux œuvres peintes sur des jerrycans d’essence qui datent de 1943 et 1945. Une seconde série utilise de vieilles structures de métal et de toile tendue sur lesquels refroidissait le pain à sa sortie du four. "Carrefour divin" enfin, réunit les trois monothéismes sur et autour d’une peau de mouton, symbole du sacrifice d’Abraham. Je cultive l’histoire comme un antiseptique contre les violences, confiait Kamel Yahiaoui qui s’est dit affecté par un article publié par le quotidien algérien Echourouq al Yaoumi et des messages virulents lui reprochant de ne pas donner de la voix tout à la fois contre les caricatures du Prophôte et la répression israélienne dans les territoires palestiniens.
Abordant le travail de l’artiste, qui taquine à ses heures la muse de la poésie, Nabile Farès parle de "la présence effective d’une peinture et d’une œuvre confrontées à la parole du poème lorsque celui-ci, pris en un temps d’effroyable mutisme et douleurs, tente au-delà du mot, d’inscrire en matières et objets, la disparition et le retour de la langue oubliée, du corps présent, mutilé." Pour l’écrivain, "les peintures de Kamel Yahiaoui existent comme transfigurations de l’horreur moderne, celles des camps d’exterminations, des camps d’internement, des camps intérieurs issus des rafles dans les villes, des visages, rues, solitaires, ombres d’ombres persistantes échappées des tueries, des lois, des rumeurs."
Né en 1966 à Alger, élève de l’École nationale des Beaux-Arts d’Alger (1985 - 1989), puis de l’École des Beaux-Arts de Nantes jusqu’en 1991, Kamel Yahiaoui s’est établi en France et expose régulièrement depuis cette date. Débordant peu à peu de la toile, entre peinture et sculpture, ses créations ont depuis longtemps investi divers supports et matériaux de récupération dont le bois et le métal. L’artiste (re)donne ainsi vie à une vaste galerie d’objets détournés d’où émergent des silhouettes récurrentes.
Il a en outre illustré Le Voyage des exils, un recueil de poèmes de Nabil Farès (Paris, La Salamandre, 1996) et Crépuscule de Printemps, une réédition des poèmes du barde kabyle Si Mohand ou M’Hand (Alger, Enag/Zyriab, 2002). (Photo D. R.)
Posté Le : 11/05/2008
Posté par : nassima-v
Source : www.algeriades.com