"Bambi", quand un petit garçon d'Algérie devient femme d'exception
Le documentaire "Bambi", en salles mercredi en France, raconte le destin exceptionnel de Marie-Pierre Pruvot, née Jean-Pierre en 1935 en Algérie, avant de devenir icône d'un cabaret transformiste parisien, puis professeur de littérature pendant près de trente ans.
La silhouette élégante, cheveux blonds tirant sur le blanc et sourire gracieux, Marie-Pierre Pruvot a aujourd'hui 77 ans et était venue présenter à Berlin en février le documentaire réalisé par Sébastien Lifshitz ("Les Invisibles", "Plein sud", "Wild Side") sur sa vie.
"C'est un étonnement et une grande satisfaction", racontait-elle à l'AFP. "Je n'ai jamais pensé que cela pouvait intéresser qui que ce soit et tout d'un coup, depuis quelques années, on se tourne vers moi et voilà que j'intéresse les gens".
"On aurait retrouvé en Sibérie une défense de mammouth intacte, on la regarderait avec les mêmes yeux que moi. Ca m'amuse, ça distrait énormément ma retraite et ça flatte mon ego", disait-elle en riant.
Sa vie a des allures d'épopée improbable, depuis le petit village d'Algérie française, Les Issers où, encore petit garçon, elle essayait des robes au plus grand désarroi de sa famille, jusqu'à sa carrière de professeur de l'Education nationale, en passant par ses années de gloire au cabaret "Le Carrousel".
"Ce que je trouve magnifique, c'est la puissance romanesque de ce récit", s'émerveillait le réalisateur.
Dans ce documentaire d'une heure, un peu court pour la densité d'un tel parcours, Marie-Pierre Pruvot se raconte face caméra, revient sur sa terre natale pour retrouver les lieux de son enfance et déroule le fil d'une transformation impressionnante.
"On peut dire que c'est une pionnière, on parle quand même de femme transsexuelle au moment où le mot n'existait même pas encore", soulignait M. Lifshitz.
"Ce que j'aime dans l'histoire de Bambi, c'est sa globalité, comment cette femme n'a cessé de se réinventer, de se remettre en cause, pour à chaque fois découvrir de nouveaux territoires, de nouvelles relations à sa vie, à ce qu'elle voulait accomplir", ajoutait-il.
Alors que les transsexuelles sont décrites dans les années 50 (comme le montre une archive insérée dans le film) au mieux comme des phénomènes de foire, au pire comme l'incarnation de la dépravation, Mme Pruvot raconte d'une voix douce et presque enjouée, parfois nostalgique, les amitiés, la liberté de ces années-là.
"Quand je suis arrivée à Paris, que j'ai eu mes robes, que je me suis maquillée pour la scène... j'ai commencé à vivre, j'ai senti une liberté énorme. J'avais passé ma vie enfermée dans ma chambre à lire", s'est-elle souvenu.
Malgré les épreuves et les souffrances que l'on devine, tout prend des allures d'évidence. "On a l'impression que tout s'est fait simplement, avec cette élégance de ne jamais appuyer sur les difficultés pour ne jamais donner le sentiment qu'elle a été une victime alors que je pense que ça n'a pas dû être simple", affirmait le réalisateur.
Pour incarner son récit, il s'est appuyé sur plusieurs heures d'images, tournées par "Bambi" elle-même, avec une caméra super 8 achetée dès son arrivée à Paris.
"J'avais cette conviction que le matériau que j'avais, à la fois à travers les films super 8 et le récit de vie de Bambi, et puis elle, par sa seule présence, méritaient qu'un film existe", avait-il expliqué à l'AFP.
"J'ai appris deux choses", concluait-il, "la ténacité, la détermination: on ne lâche jamais rien, à n'importe quel prix, et en même temps, l'élégance de ne jamais le montrer. L'articulation des deux est quand même pas mal".
Posté Le : 16/06/2013
Posté par : frankfurter
Source : Par AFP - Mis en ligne le 16.06.2013 14:56