La décision prise par l?ONEC (1) que l?erreur commise par certains candidats à l?épreuve d?anglais, par suite de la disposition, pour le moins singulière, des sujets d?examen (texte et questions) ne serait pas sanctionnée et que les réponses des candidats, toutes questions confondues, seraient prises en considération, est sans conteste positive.
Peste, à mon sens, et quoi qu?en aient dit les enseignants de langue anglaise contactés par les soins de votre journal (2), dans le deuxième sujet, d?abord, une erreur d?ordre didactique qui devrait, peut-être, être revue et prise en considération par les correcteurs; ensuite et surtout, dans ce même sujet, certaines questions, peut-être d?ordre éthique et déontologique, relatives au choix de son thème et qui ne sauraient être passées sous silence.
L?erreur didactique: elle se situe dans le deuxième sujet au niveau de la troisième question de la première section qui pose: «Who does the pronoun ?I? refer to in the third paragraph?» (A qui le pronom ?je? réfère-t-il dans le troisième paragraphe), et qui intime aux candidats «Choose one answer» (Choisis une réponse) entre:
a) «a mother who speaks about her child» (une mère qui parle de son enfant)
b) «an adult who speaks about her childhood» (une adulte qui parle de son enfance)
c) «a child who speaks about himself» (un enfant qui parle de lui-même)
Et c?est là qu?intervient l?erreur didactique car des quatre ?I? (je) qui se trouvent dans le troisième paragraphe, les trois premiers sont du même locuteur, «an adult who speaks about her childhood» (une adulte qui parle de son enfance) [réponse b]; alors que le quatrième, situé dans une phrase entre guillemets, dans la quatrième ligne du paragraphe, est d?un locuteur différent, «a mother who speaks about her child» (une mère qui parle de son enfant) [réponse a].
D?où l?impossibilité de ne choisir qu?une des trois options comme intimé par la question; d?où l?erreur didactique.
J?invite le lecteur à lire en note 3, ci-dessous, la reproduction en anglais du texte du troisième paragraphe ou, pour les non anglophones, la traduction française qui permet, elle aussi, de noter l?aspect fallacieux de la question.
Face au problème que soulève cette question, j?ai, dans des conditions expérimentales dont je suis le premier à questionner l?absolue validité scientifique, copié le paragraphe concerné et la question y afférent en omettant sciemment d?y joindre l?injonction du choix d?une seule réponse; puis l?ai donné, dans une salle de classe de l?université où je les ai regroupés, à dix-huit étudiants pris au hasard parmi les étudiants de troisième année de licence d?anglais, pour qu?ils y répondent en un quart d?heure. Les résultats sont intéressants. Sur les dix-huit réponses, trois étaient correctes et quinze erronées!
Réponse A
Réponse B
Réponse C
Réponse A&C
Réponse B&C
Réponse A&B
1
10
1
2
1
3
Plus intéressant, peut-être, est que dix étudiants ont donné la réponse [b], par ailleurs incomplète, donc fausse il faut le souligner, à laquelle s?attendent vraisemblablement les concepteurs de l?examen ainsi que les correcteurs! J?ai également utilisé la même procédure, cette fois avec treize enseignants permanents du département d?anglais dont deux maîtres de conférences, et n?ai relevé qu?une seule bonne réponse; neuf enseignants, cela est à mon sens particulièrement intéressant, me donnant, tout comme les dix étudiants ci-dessus, la réponse [b] incomplète, donc -il faut encore le souligner- fausse, à laquelle s?attendent vraisemblablement les concepteurs de l?examen ainsi que les correcteurs!
Réponse A
Réponse B
Réponse C
Réponse A&C
Réponse A&B&C
Réponse A&B
1
9
-
1
1
1
Cet état de fait mérite réflexion. Il indique un problème didactique dans l?élaboration même de la question sur lequel il me semble que les correcteurs devraient, en toute conscience, se pencher. Questions relatives au thème du deuxième sujet: elles concernent le discours sur la mère travailleuse qu?il véhicule: dix-sept lignes arrangées en trois paragraphes qui affirment, entre autres, que si on demandait leur avis aux enfants de mères travailleuses, ils confieraient se sentir très mal quand leurs mères travaillent (4); que «la recherche récente a montré que beaucoup de mères qui travaillent ne prennent un emploi que pour échapper au stress des enfants à la maison.» (5); que «la confiance que les enfants ont dans les gens est mise à mal quand les deux parents s?en vont (présumément au travail) (6); que «[c]e qu?un enfant veut et ce dont il a besoin est simplement la présence de la mère à la maison» (7); que «même pour les mères qui doivent travailler par nécessité, celles qui se soucient de leurs enfants ne prendront qu?un travail à temps partiel (8); bref qu?en «[...] un mot, un enfant veut être avec sa mère» (9).
Quelles ont bien pu être les motivations-je ne saurais, dans ce cas précis, parler d?intelligence-derrière le choix d?un thème qui, apparemment sous-couvert des droits de l?enfant (10), touche à la notion de travail, aux rapports sociaux dans le travail; peut-être plus encore aux représentations sociales du travail, dans une approche qui oppose les genres face et dans le travail, et qui jette l?anathème sur les mères travailleuses?
Le contenu du texte choisi ignore une réalité du travail féminin en Algérie où, selon des déclarations récentes de la représentante du ministère de l?Emploi et du Travail, 20,4% des femmes algériennes, en âge de travailler, sont au chômage (11). Il ignore que dans le contexte africain et selon des statistiques des Nations unies de 1995, l?Algérie se classait en bon dernier, ex-aequo avec la Libye avec un pourcentage de femmes dans la population active globale de seulement 10%, et qu?une comparaison avec les pays de l?UMA donnait 21% pour le Maroc, 23% pour la Mauritanie, et 24% pour la Tunisie (12).
Il ignore, dans son affirmation qu?il propose, en dehors de tout contexte, que «la recherche récente a montré que beaucoup de mères qui travaillent ne prennent un emploi que pour échapper au stress des enfants à la maison», la nécessité croissante, face à un processus de paupérisation de certaines franges de la population en Algérie (13) du travail du couple dans les ménages, et que «dans le cas de l?Algérie, la pauvreté est particulièrement liée au chômage» (14). De même, ignore-t-il, dans son autre affirmation qu?il propose également, en dehors de tout contexte, que «pour les mères qui doivent travailler par nécessité, celles qui se soucient de leurs enfants ne prendront qu?un travail à temps partiel», la réalité de ce qu?est le travail à temps partiel en Algérie, c?est-à-dire nécessairement le marché informel, «essentiellement lié aux stratégies de survie des familles» et que caractérise «l?exploitation [des] travailleuses par l?employeur» avec des salaires qui se situent en dessous du SNMG (15).
De même, et c?est là qu?à mon sens se pose le problème éthique, le contenu du texte choisi pourrait avoir un impact potentiellement destructeur sur l?image que la majorité des candidats -candidates dans ce cas précis- ont d?eux-mêmes:
- Sur les 599.702 candidats au baccalauréat de cette année, tous régimes confondus, 352.114, soit 58,71%, étaient des jeunes filles (16). Il semble raisonnable de penser que, pour la plupart, leurs études ont pour objectif, à moyen et long termes, leur insertion éventuelle et sans préjudice de leur sexe et de leur état civil, dans le monde du travail.
Cette insertion qu?elles envisagent, déjà difficile s?il faut en croire les résultats d?études qui indiquent que le niveau d?éducation pour les femmes entrant dans le marché du travail est plus strict que pour les hommes (17), avait-elle besoin, à un moment particulièrement sensible de leur parcours scolaire, d?un texte de cette nature?
- La représentation de la mère travailleuse véhiculée par le texte ne risquait-elle pas de constituer, au moins au niveau du processus psychologique de projection dans le futur de ces jeunes filles, élément essentiel dans la construction de l?individu pendant la période de l?adolescence (18), un lourd préjudice lorsqu?on sait, comme le souligne G. Gusdorf, que «les représentations [sont des] ?vérités mythiques? en cela qu?elles [se] saisissent immédiatement [de] la pensée, [...] en appelant non à l?esprit critique, mais aux profondeurs de la vie personnelle, aux soubassements obscurs de la sensibilité.» (19)
Autant de questions qui, si elles ne demandent bien évidemment pas de réponses en tant que telles, devraient, peut-être, plaider en faveur de plus de discernement sinon d?intelligence dans le choix des sujets d?un examen dont l?importance dans la vie des jeunes gens et des jeunes filles de ce pays est connue de tous.
* Professeur à la faculté des lettres et langues,
Université Mentouri à Constantine.
Professeur kouloughli, croyez-vous vraiment que le ministre de l'éducation soit à la hauteur de critiques sensées. C'est un gars qui s'amuse au jeu des légos avec l'avenir des enfants algériens. Dès que son oeuvre ne lui plait pas, il l'a démolit pour en construire une autre encore plus ridicule. Le tout sans se soucier des conséquences sur l'éducation qui devrait être sa première priorité... Dans ce pays, tout laisse à désirer...
Mina - Cadre - Alger
03/08/2008 - 1713
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Posté Le : 19/06/2008
Posté par : sofiane
Ecrit par : Lamine Kouloughli *
Source : www.lequotidien-oran.com