Alger - ENVIRONNEMENT

Alger - Enquête-Témoignages: Touchez pas à nos jardins publics





C’est un fait. Dans nos jardins publics, il n’y a ni mamie qui tricote, ni dame qui bouquine, ni quidam qui lit le journal. La tendance est plutôt aux bambins qui tapent dans un ballon ou qui partent à l’assaut des toboggans et autres balançoires lorsque ces attractions n’ont pas subi d’actes de vandalisme. Les jardins publics de la capitale accueillent des familles, des enfants et parfois même de jeunes délinquants.

Samir, 36 ans

«J’habite Alger-Centre et je suis heureux d’avoir deux jardins publics à proximité. Le parc Beyrouth et le jardin Tifariti. De retour du travail, en semaine, j’y emmène mes enfants. Ils sont confinés toute la journée dans l’appartement. Cette sortie bucolique leur permet de dépenser l’énergie accumulée toute la journée. Les journées sont longues et cela leur fait du bien. Ils jouent au ballon et profitent des toboggans quand il n’y a pas trop de monde qui s’y bouscule. Ces attractions ne sont pas suffisantes pour un pays où les enfants sont nombreux et où les loisirs manquent cruellement. Les jardins publics ont été récemment rénovés. Hélas, on constate déjà que certaines attractions ont été vandalisées. Toutefois, avoir des espaces verts en milieu urbain est une chance. C’est apaisant. La sécurité y est assurée grâce aux gardiens qui y effectuent des rondes. On se dépêche d’en profiter tant que le soleil est encore là.»

Halima, 52 ans

«Je ne vais dans les jardins publics que pour permettre à mes petits-enfants de s’amuser et de se défouler. Depuis la réfection du square Sofia à la Grande-Poste, on s’y rend régulièrement, en fin de journée pour éviter les grosses chaleurs. Il y a pleins de bancs et d’aires de jeux. La présence d’un fourgon de police à proximité renforce le sentiment de sécurité chez les visiteurs. Dans le temps, ce parc avait mauvaise presse. Depuis que les familles l’ont réinvesti, il est plus accueillant. Je n’en dirais pas autant du jardin de l’horloge florale, avenue Pasteur. Souvent squatté par des jeunes délinquants qui passent leur temps à hurler et à embêter les couples, ce jardin est devenu inhospitalier.»

Shahrazed, 54 ans

«J’ai des souvenirs impérissables des jardins publics de la capitale. Le parc de Galland, actuel jardin de la Liberté qui est fermé pour travaux, m’a marquée depuis ma plus tendre enfance. J’y allais avec mes parents, mes sœurs et mes frères. Il y avait une voilière avec pleins d’oiseaux : des perruches, des paons, des perroquets… Ce jardin me paraissait immense. On le traversait par la rue Didouche-Mourad jusqu’à la rue Krim- Belkacem au Télemly. Ces allées ombragées, ces bancs, ces plantes odorantes : un vrai paradis sur terre ! Au printemps, des floralies y étaient organisées. Avec ma mère, on y achetait toutes sortes de plantes. Ces images sont restées gravées dans ma tête. J’ai revu ce jardin il y a quelques années, c’était la désolation. On m’a même conseillée de ne pas y mettre les pieds à cause des agressions et vols commis par des voyous planqués à l’intérieur. Il faut que les jardins publics de la capitale retrouvent leurs lettres de noblesse. C’est très important pour l’équilibre et le bien-être des citoyens.»

Hafidh, 49 ans

«Il m’arrive de me poser sur un banc dans le jardin du Parc-des-Pins à El-Biar, pour prendre un bol d’oxygène. J’aime bien la quiétude qui y règne mais je ne retrouve plus le jardin de mon enfance. Le bassin d’eau est asséché. Petits, les enfants d’El- Biar y faisaient flotter des petits bateaux fabriqués avec du papier. Il y a quelque chose qui a changé. La carte postale est ternie. Je cite aussi l’exemple du Belvédère de Saint-Raphaël. Des familles entières flanquées de leurs enfants venaient goûter au repos : fontaine d’eau, allées impeccables, vue panoramique. Tout ça a disparu. Même un homme ne s’y aventurera pas aujourd’hui à cause de la présence de poivrots et de drogués. Absence totale des autorités. Un espace dérobé aux familles. C’est regrettable ! Le Jardin de Tunis semble plus rassurant. J’y accompagne parfois mes enfants. Il arrive que des spectacles avec clowns y soient organisés. Les petits sont émerveillés. Un rien suffit à leur bonheur.»

Razika, 36 ans

«Heureusement qu’il existe quelques espaces verts où nos enfants peuvent jouer et se dépenser. Ne possédant pas de voiture, mon mari et moi les y accompagnons souvent, surtout pendant les vacances. Il nous arrive même d’y casser la croûte en famille. Au parc Tifariti il y a des manèges, trampolines, balançoires… Par ailleurs, il nous arrive de prendre le métro pour rejoindre le Jardin d’Essai du Hamma. On y fait de grandes balades. Ce jardin est magnifique avec ses fleurs, ses plantes, ses arbres, ses bassins. On se ressource et on prend un grand bol d’oxygène. Je pense que la capitale gagnerait à disposer de plus d’espaces verts. La population ne cesse d’augmenter et on a l’impression de se marcher sur les pieds dans ce qui existe.»

Lina, 18 ans

«Il m’arrive d’aller dans un jardin public avec mes amis. Je n’y vais jamais de peur d’être importunée. Il faut toujours une escorte masculine pour être tranquille. En groupe, on investit la pelouse, on chante, on joue de la guitare. On se sent bien ! C’est apaisant toute cette verdure autour. On coupe un peu avec le tumulte de la ville : les voitures, la pollution, les klaxons. Mais ce n’est pas demain la veille qu’une jeune fille seule pourra se poser sur un banc, bouquiner ou écouter de la musique, comme cela se fait sous d’autres cieux, sans se faire embêtée.»

Square Sofia, Parc-des-Pins, jardin Marengo, parc Mont-Riant, Jardin d’Essai, Parc Tifariti… Si certains de ces espaces verts demeurent fréquentables, d’autres sont devenus de véritables no man’s land. Les pouvoirs publics sont interpellés par les citoyens pour réhabiliter ces écrins de verdure et les rendre aux familles.


Soraya Naili




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