Ain Témouchent - El Malah


La mort d'Aroudj
Photo Hichem BEKHTI : Rio Salado (Oued El Malah) lieu supposé de la mort de Aroudj

APRÈS l’expédition malheureuse de Francisco de Vero, Aroudj chercha à agrandir son territoire, et un concours de circonstances imprévues vint seconder ses desseins. Les Arabes de la Metidja conservaient toujours un souvenir pénible du meurtre de leur prince Eutémy, et voulaient à tout prix se débarrasser des Barberousse et de leur milice ils firent part de leurs intentions à Hammid-el-Abid, roi de Ténès, de race arabe comme eux, et qui partageait leur ressentiment; ils résolurent donc d’attaquer ensemble l’usurpateur. Les confédérés, au nombre de six à huit mille, s’avancent pêle-mêle vers Alger, faisant entendre des cris : d’imprécation contre les Turcs. Aroudj, prévenu à temps de cette agression, laisse le commandement de la ville à son frère Khair-Eddine, et marche à la rencontre des confédérés avec quinze cents Turcs bien déterminés; il les atteint sur les bords de l’Oued-Djer à quatre ou cinq lieues nord de Blida; il chasse devant lui cette cohue tumultueuse; il entre dans Ténès et déclare ce territoire définitivement réuni à l’état d’Alger. Médéa et Miliana le reconnaissent aussi pour souverain. Bientôt après, profitant de la mésintelligence qui existait entre le sultan de Tlemcen et ses sujets, il se présente aux portes de cette ville comme conciliateur, il en chasse le sultan et prend possession de Tlemcen et de son territoire au nom du grand seigneur. Ces conquêtes ne lui coûtèrent que quelques journées de marche.

Une fois maître de cette ville, il défendit aux habitants, sous les peines les plus sévères, de n’entretenir aucune relation avec les Espagnols établis à Oran. Jusque-là, Tlemcen avait exclusivement approvisionné cette place. Bou-Hamoud, le sultan dépossédé, qui savait combien la cessation des rapports entre ces deux villes allait rendre précaire la situation des Espagnols, envoya dire au gouverneur d’Oran, que, s’il voulait l’aider à recouvrer son royaume, il ne tarderait pas à ramener l’abondance dans ses magasins. Le gouverneur, qui comprenait la position difficile où il allait se trouver, mit aussitôt une partie de sa garnison au service de Bou-Hamoud. Le sultan réunit à cette troupe un corps nombreux d’Arabes et marcha sur Tlemcen. A l’approche de cette armée, Aroudj fortifie la ville à la hâte et se retire lui-même dans le mechouar (la citadelle), déterminé à faire une vigoureuse résistance. Les assaillants investissent la place, tracent avec méthode leurs lignes de circonvallation, font jouer activement leur artillerie; et après vingt-six jours de siège, réduisent les Turcs aux abois. Aroudj était hors d’état de résister; il se décide alors, accompagné d’une faible escorte, à sortir de la place, à franchir les lignes ennemies et à se replier sur Alger. Ce projet audacieux causa sa ruine. Les Arabes et les Espagnols, au lieu d’entrer dans Tlemcen, se mettent à la poursuite d’Aroudj et le serrent de près; pour ralentir leur marche, il fait jeter sur la route, de distance en distance, les bijoux, la vaisselle, les pièces d’or et d’argent qu’il emportait. Ruse inutile; les Espagnols sont sur le point de l’atteindre. Dans ce moment critique, comme un homme de cœur et de résolution qui ne veut pas mourir en fuyant, Aroudj fait volte-face; il forme sa troupe en carré et engage le combat; ce fut un carnage épouvantable, qui ne cessa que lorsque les Turcs virent leur chef mortellement atteint. Un lieutenant de l’armée espagnole, Don Garcia de Tineo, lui avait percé le cœur d’un coup de pique. La tête d’Aroudj fut envoyée à Oran, et son cafetan, bizarre destinée, servit à faire une chape d’église. Ainsi mourut, à quarante-cinq ans, le fondateur de l’odjak d’Alger, laissant après lui une brillante renommée, qui a grandi encore dans l’imagination des Arabes, par les récits merveilleux dont on l’a entourée. Aroudj était doué d’une force prodigieuse, et quoique privé d’un bras, il se battait comme un lion.


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