La ville minière de Beni-Saf et son auteur célèbre - Une cité balnéaire à la dérive
Beni Saaf
C'est au minerai de fer que Beni-Saf doit son existence grâce à l’existence d'excellents filons d’hématite, un oxyde de fer, dans l’arrière pays. Mais pour les exploiter, comme pour exporter le minerai, il fallait aussi construire un port, des routes, une ville. Comme le relief de la zone était très tourmenté, les ravins furent comblés avec les déchets miniers. Le marché en plein air, le marché couvert, la poste sont construits sur ces déchets. Au maximum de son activité, en 1912, la mine occupait 5 000 personnes. Dans les années 70, les filons de minerai s'épuisent et les mines ferment. Les vestiges du convoyeur de l'ancienne mine dominent toujours la ville.
Jean Sénac (1926 / 1973) est né à Béni-Saf, son grand-père maternel était venu travailler à la mine de fer. Il passera son enfance à Saint-Eugène, un quartier populaire d'Oran. Journaliste, poète, homme de culture, ami des écrivains et des peintres, engagé dans le combat pour l’indépendance algérienne, il participera en 1963 à la fondation de l'Union des écrivains algériens dont il sera le secrétaire général jusqu'en 1967.
« Partager le poème, c’est ouvrir une nacre »[1]
Oublions celui qui adore faire parler de lui, en chemise à col ouvert et mèche romantique, admirateur des œuvres de Jean-Baptiste Botul, natif lui aussi de Béni-Saf ! Il ne fait pas le poids.
La ville de Béni-Saf laisse une impression peu engageante : les constructions y sont anarchiques, mal entretenues, y compris les bâtiments officiels, mairie et marché couverts. Le port, ensablé, ne permet le trafic que de petits bateaux de pêche, les silos à blé sont à l’abandon. Le long des plages, les constructions de bric et de broc se sont multipliées, directement sur la plage, sans soucis des règles d’urbanisme, de la protection des sites, remplaçant les quelques cabanons qui y avaient été édifiés. L’absence de plan d’ensemble rend désormais les circulations difficiles et bloque les possibilités d’aménagement collectif.
L’ensemble laisse apparaître une ville pauvre et sans moyens. La côte serait magnifique avec ses roches rouges tombant dans la mer, ses anses découpées, ses ravins profonds, si elle n’était couverte d’immondices, de sacs poubelle bleu jetés des rues dominantes, recouvrant parfois toute la pente des escarpements.
Le tourisme pourrait redynamiser la ville, mais il faudrait améliorer les conditions d’hébergement aujourd’hui assez réduites après la cession d’hôtels nationalisés, transformés depuis en bâtiments administratifs. Un complexe hôtelier a été construit dans le site le plus agréable, privatisant la plage dite « de la marmite », mais il traîne derrière lui une réputation déplorable. Seule l’anse « de Madrid » a une allure de petite cité balnéaire avec son hôtel, sa terrasse et la courte promenade construite au long de la plage. Il faudrait pouvoir effectuer des réaménagements lourds pour faciliter l’accès à la mer, reconquérir des espaces qui ont été progressivement privatisés en bord de plage pour les transformer en espaces publics. Vraisemblablement, ce sont aussi l’ensemble des réseaux d’eau et d’assainissement qui seraient aussi à reprendre.
« La décolonisation, qu’est-ce à dire ? Eh bien, définissons-là par le moins de mots possible. Disons que la décolonisation consiste, pour un peuple, à récupérer son droit aux problèmes »[2].
Alger, Aïn-Temouchent, Montpellier, octobre 2011 / juillet 2012.
[1] Jean Sénac. « Anthologie de la nouvelle poésie algérienne ». 1971.
[2] Jacques Berque. « Andalousies – Leçon de clôture au Collège de France ». 1981.
Posté Le : 22/05/2018
Posté par : patrimoinealgerie
Photographié par : Hichem BEKHTI
Source : Texte: http://notesditinerance.canalblog.com