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Textes zénètes de Gourara de Rachid Bellil : A la découverte d’une mémoire orale



Le sociologue, Rachid Bellil, a publié récemment un ouvrage intitulé « Textes zénètes du Gourara », édité par le Centre de recherches préhistoriques anthropologiques et historiques (CNRPAH), le livre en question est consacré à la tradition de la littérature orale des Zénètes de Gourara (Timimoun).

Un corpus qui constitue un gisement d’informations sur la société zénète pour les chercheurs en anthropologie, sociologie et en ethnologie. Le livre permet de connaître le passé d’une société de reproduction soucieuse de ne pas disparaître d’autant qu’elle ne peut pas fixer par écrit sa mémoire. Comme chaque élément nouveau qui s’introduit dans son tissu social, à l’exemple de la télévision et de la radio, produit des effets ravageurs et destructeur sur les traditions. Le livre comprend dans le zénète (une variante de la langue berbère) et le français des récits hagiographiques, des récits portant sur les relations entre tribus et entre ksour, les relations entre les saints, la fondation et l’évolution des ksour. Y sont fixés aussi des scènes de la vie quotidienne, les structures sociales, les pratiques culturelles, les ahellil (poésies et chants), les relations entre les saints et l’ahellil, des contes, des dictons, des devinettes et des proverbes. Et un lexique zénète-français. Cette matière dans son ensemble est répartie en huit chapitres. Ce travail de longue haleine effectué sur le terrain a pour objectif principal de fixer par écrit des éléments de cette mémoire collective. Certains de ces éléments sont recueillis au passé, car des fêtes et traditions ont disparu. Ont disparu dans leur sillage des rites, pratiques culturelles et sociales qui leur sont liés. L’opération de recueil des données s’est heurtée au problème de la rareté et surtout à l’inaccessibilité des documents. D’où la contrainte pour l’auteur de recourir à des sources orales quant à la quête d’informations. A travers le corpus, on comprend que dans les sociétés qui ont une vision circulaire du temps, rien n’est fait au hasard. La gestion de l’espace est fonctionnelle où se côtoient le religieux et le profane et le passé saisit le présent quant à réguler les pratiques sociales. C’est ce qu’on constate dans la constitution de l’assemblée du ksar. « Lorsqu’ils s’apprêtent à constituer l’assemblé du ksar (jemaâ), ils désignent l’homme le plus âgé de la famille la plus anciennement établie dans le ksar. Puis chaque famille désigne l’un des siens, le plus âgé. Toutes les tribus du ksar désignent l’un des leurs (…) le témoin du ksar est le taleb, celui qui gère la mosquée. Le chef du ksar est celui qui gère l’argent, c’est lui qui écrit et tout. » (p43). Et plus loin : « Nos différends ne sont jamais sortis du ksar, pour être portés devant l’administration. Tout est réglé entre nous. » (P.44) Rachid Bellil, en se référant à l’ahellil, met en lumière des rapports sociaux et les relations qui caractérisent la culture populaire et les « agents religieux ». Des relations qualifiées d’ambiguës et marquées par l’antagonisme « attraction » et « aversion ». Néanmoins pour l’auteur, cette société, « n’en ressentant pas la nécessité », n’a à aucun moment « essayé de produire ce qu’on pourrait appeler une relation d’évaluation objective de son rapport avec le religieux et aux agents religieux. Il s’agit donc d’une relation vécue sur le monde pratique sans aucun examen des conflits, rivalités, abus éventuels des uns et des autres. Cette opacité est justement ce qui contribue à réaffirmer le pouvoir des agents religieux et aussi à transférer dans le domaine du merveilleux et de l’imaginaire les doutes et ressentiments qui ont certainement surgi tout au long de cette articulation de la culture zénète à l’Islam. » (p. 244) Et quand le besoin de « légitimation de l’ahellil se fait sentir, c’est sur sa dimension religieuse que les Zénètes insistent, mais cela ne les amène pas à renier entièrement les autres aspects (...) La relation ambiguë qui s’établit entre d’une part, la pratique de l’ahellil, et d’autre part, la distanciation voire la condamnation de cette poésie chantée et dansée par les agents religieux ne traduit-elle pas, en fait, la contradiction vécue par ces agents religieux qui sont de culture et certainement aussi pour nombre d’entre eux d’origine zénète, mais qui se doivent de reproduire le principe de leur distinction avec la culture et l’identité zénète tellement enracinées dans l’environnement local. » (p. 247). De par ce livre, le sociologue Rachid Bellil contribue à sauver de disparition une partie d’une mémoire orale de l’humanité. Comme il a donné la parole à des anonymes pour s’exprimer sur leurs culture, société et imaginaire qui au quotidien dispute aux vicissitudes du temps et d’une amnésie délibérée chaque empan de sa mémoire.

 (1) Rachid Bellil Textes zénètes du Gourara (CNRPAH), Alger 2006) 364 pages.




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