ADRAR
Dans le ksar séculaire de Tamentit (Adrar), réceptacle du savoir des communautés berbères, judaïques et arabo-musulmanes, est conservé l'un des plus grands fonds de manuscrits de l'Algérie, dans la Khizana El Bakrya détenue par la famille Bakri.
. Fondée par Cheikh Sidi Mimoun Ben Amer au 14e siècle, cette Khizana, très fréquentée par les universitaires, a développé sa collection pour arriver aujourd'hui à "environ 4.400 manuscrits dispersés sur trois Khizanas gérées par la famille", signale Abdelhamid Bakri, Kaïm (gérant) de la branche "Sidi Ahmed Didi" de la Khizana.
Cette Khizana, comme la cinquantaine d'autres Khizanas de la région d'Adrar, est une bibliothèque qui dépendait depuis sa création d'une zaouïa et d'une medersa ayant accueilli des milliers d'étudiants durant des siècles, y compris durant les 132 ans de colonisation française.
La collection contient un grand nombre de copies du Coran, des ouvrages de théologie, d'astronomie, de mathématiques, d'histoire, de droit, de poésie, de linguistique et de grammaire dont certain présentent des caractéristiques esthétiques uniques ainsi que des manuscrits soufis. Beaucoup de Khizanas gardent aussi des actes notariés et des rapports de statistiques.
Plusieurs manuscrits font la fierté de la famille des Kaïm dont le plus ancien est une copie des travaux de l'imam Malek écrite sur des peaux de bêtes et datant du cinquième siècle de l'hégire (10e siècle après JC).
La Khizana compte aussi une copie du "Meshaf el othmani" (version ottomane du Coran) du 13e siècle, commandée par le sultan Yaakoub Ibn Abdelhak, le diwan complet de Sidi Ahmed Ben Abi Mahalli Es Sadjilmassi, l'exégète "révolutionnaire", ainsi qu'une copie du "Sahih El Boukhari" écrite à l'encre d'or.
Un manuscrit de grande valeur historique sur l'invasion de l'Algérie et les causes de la défaite militaire en 1830, rédigé par un soldat du dey, ainsi que des poésies de propagande appelant les peuples du Maghreb à se soulever contre la force coloniale, se trouvent aussi dans le fonds documentaire de la Khizana.
Aujourd'hui les portes de la Khizana restent ouvertes aux étudiants et aux chercheurs, selon la volonté de son fondateur, pour qui "nul étudiant ne doit être privé du contenu de la Khizana".
De même, la famille Bakri, ne veut pas déroger à la tradition, en dépit de ses ressources limitées, en offrant "le gîte et le couvert, au moins", aux visiteurs dans cette région enclavée et dépourvue de toute infrastructure hôtelière.
"Il y va du prestige et du rayonnement scientifique et religieux de la région du Touat, comme il s'agit du respect de la volonté des fondateurs", explique un des membres de la famille.
Durant l'occupation française, l'armée coloniale avait tout tenté pour piller les manuscrits des Khizanas du Touat mais les Kaïms de l'époque avaient scellé et enterré les manuscrits pour plusieurs décennies, avant que leurs descendants ne les récupèrent au lendemain de l'indépendance.
Efforts publics de préservation et de valorisation quasiment nuls
Malgré l'importance de ce qu'elle renferme, la Khizana el Bekaa n'a, jusqu'à aujourd'hui, bénéficié d'aucune aide financière ou technique publique destinée à préserver son fonds ou à l'exploiter.
Abdelhamid Bakri, affirme que toutes les charges de la Khizana sont "assumées par la famille ou par de simples citoyens".
Or les moyens des familles restent insuffisants pour pouvoir équiper toute une bibliothèque et numériser son contenu, au regard du coût des équipements (pas moins de 16 millions de dinars pour un scanner, à en croire A. Bakri).
Concernant le Centre national des manuscrits (Cnm), Abdelhamid Bakri estime qu'en sept ans d'existence, "il n'a pas réussi à réaliser ne serait-ce qu'une petite partie de ses objectifs". "Ce centre se résume à une simple bâtisse. Sans plus", se désole-t-il.
L'homme se dit pourtant prêt à collaborer avec "toute institution" à la "condition expresse" que l'on ne le dépossède pas du legs de ses ancêtres, tient-il à rappeler.
Après avoir ouvert ses portes à une délégation émiratie qui a numérisé et restauré quelques manuscrits, Abdelhamid Bakri propose maintenant la création d'une "bibliothèque indépendante" pour les manuscrits dont les missions seraient de "restaurer, conserver et numériser (ces documents) dans le respect du droit de propriété (des familles) sur ces fonds", insiste-t-il encore.
Posté Le : 11/02/2022
Posté par : patrimoinealgerie
Source : Publié dans Algérie Presse Service le 20 - 04 - 2013