La mémoire criblée des édifices abandonnés à Beyrouth renvoie ici aux âmes, aux individualités brisée et silencieuses. Beirut Bereft, Beyrouth endeuillée. Ou plutôt c'est l'histoire d'un deuil raté. Le texte de Rasha Salti accompagnant les photos d'immeubles beyrouthins abandonnés de Ziad Antar détaille ce ratage. Dix-neuf après la fin de la guerre civile libanaise, ces édifices meurtris, criblés de balles et d'obus ou tout simplement inachevés depuis le début des années 1970 sont là pour dire ce deuil impossible. Ces bâtiments auraient pu, écrit l'auteure, être transformés en bibliothèques ou en centre d'archives. L'après-guerre civile aura été, regrette Salti, une « formidable occasion ratée pour construire un pays plus humain malgré les contradictions portés par la région ». « Notre deuil aurait pu devenir le point départ pour renverser notre situation faite de douleur et de panique. » Pourquoi ce ratage ' Parce que, explique l'auteur, l'amnistie et l'amnésie sélective ont paralysé l'histoire de ce pays. Les seigneurs de la guerre sont devenus députés, ministres, pôles politiques respectables. Parce que les politiciens se sont embourbés dans leurs petits calculs au lieu de regarder en face une société traumatisée, qui a tant perdu et qui pourtant pouvait pardonner et aller de l'avant. La réconciliation entre victimes et bourreaux s'est réalisée, spontanément, par la force du quotidien. Mais tant que ce processus n'a pas été organisé, avec les préalables de la vérité et de la justice, rien n'a été réellement réglé. Les victimes-témoins, les bourreaux, les héros ne sont pas, encore, devenus des citoyens.
Posté Le : 24/07/2009
Posté par : sofiane
Ecrit par : Adlène Meddi
Source : www.elwatan.com